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Nos Lecteurs ont la Parole

L’école, les écoliers, mon enfance et moi !

L’école, les écoliers, mon enfance et moi !

Photo Greg Demarque/CDL

« Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. » C’est ainsi que s’exprimait Albert Camus remerciant ses parents analphabètes pour l’avoir envoyé à l’école et saluant ses professeurs pour lui avoir permis de connaître la puissante poésie de l’école et découvrir dignement le monde.

Du temps de mon enfance, l’école représentait les principes même de l’éducation qui parachevait pour compléter celle de la maison. S’y mêlaient de l’autorité, beaucoup d’autorité, de la discipline et de la rigueur pour faire de nous, petits écoliers d’antan, les hommes et les femmes de demain. Nos enseignants ne se contentaient pas de nous apprendre la lecture, la grammaire, les sciences, l’histoire et j’en passe. Ils se penchaient sur nous, nous instruisaient, nous formaient, nous guidaient, nous ennoblissaient pour nous modeler en créateurs, artisans, auteurs d’une culture de bienveillance, de dévouement et de bienfaisance, d’un savoir cousu de qualité, de civilité, de distinction et d’affabilité. On nous apprenait à braver des difficultés, à gérer des corvées, à assumer des responsabilités dans l’honnêteté, la fierté et la dignité. On se distinguait alors, les uns des autres, uniquement et seulement par notre attention, nos efforts et notre application. Et nous étions heureux de notre succès, comme de petits soldats couronnés de félicité.

Du temps de mon enfance, l’école peignait un monde où nous étions, nous-mêmes, sans artifices, semblables et égaux. On nous encourageait à nous entraider, à partager, à travailler dans un esprit de tolérance, d’union et d’indulgence. On ne regardait pas l’habit de l’autre, on ne s’étalait pas avec ses vêtements de marque, on avait l’uniforme, des bottes noires bien cirées, on n’examinait pas les stylos de l’autre, on avait tous les mêmes crayons, on ne comptait pas l’argent de l’autre, nous avions tous les mêmes moyens, on ne guettait pas la voiture de l’autre, on arrivait en classe en bus scolaire ou à pied. Tout le monde ressemblait à tout le monde, dans un monde fait de considération, d’attention, de réflexion et d’égalité.

Du temps de mon enfance, nos éducateurs nous encourageaient à former des ligues pour nous rassembler autour d’activités bienveillantes et avenantes qui viendraient élargir nos horizons pour développer notre imagination, pour nous connecter à un monde meilleur, un monde composé de mérites, de ravissements, de plaisirs et d’amusement. Club de musique, club de lecture, club de théâtre, mais aussi club pour les actions bénévoles et gracieuses, combien complaisantes et obligeantes.

Du temps de mon enfance, évoquer et invoquer le bon Dieu pour le prier se faisait naturellement. On nous dispensait de cours de catéchisme, de religion ou de leçons de vie. On parlait de Dieu, du Christ, d’Allah, des prophètes franchement, avec assurance, sans retenue aucune, mais avec aisance… On acceptait les opinions des autres, leur différence, leur identité, dans la simplicité et le respect.

Depuis mon enfance, les choses se sont bien rabaissées. Il y a les enseignants qui peinent à survivre avec leur maigre salaire, leurs conventions collectives sont constamment violées, leurs syndicats souillés. Ils n’ont plus l’ambition d’antan, ayant perdu le goût de ce qui fut jadis leur passion d’enseigner et d’éduquer. Ils quittent le bateau et désertent leur noble profession pour quêter une bouchée de pain, trouvée ailleurs sur le marché. Il y a ce manque d’intérêt des écoliers : indifférence, arrogance et irrévérence face à un système devenu à leurs yeux désuet, obsolète et dépassé. Il y a aussi les stupéfiants qui ont réussi à se faufiler dans des classes vides d’intérêt pour anéantir des souffles déréglés. Il y aussi la nouvelle technologie : réseaux sociaux, iPad, ordinateur, cellulaire portable utilisés avec exagération, outrance et disproportion, que même le plus averti y perdrait son latin. Il y a ce laisser-aller, ce laisser-faire où la liberté épouse la légèreté, la facilité et la vulgarité. Il y a les parents qui ont présenté leur démission et rendu leur tablier étouffé par un quotidien laborieux, ardu et ennuyeux. Il y a la négligence et l’incompétence des illuminés qui nous gouvernent, l’absence de ressources, la défaillance des consciences et l’aveuglement qui tricotent notre quotidien. Il y a cette perte de valeurs : les vertus de jadis se sont évanouies, emportées par tant de décadence, de corruption et de déchéance. Et puis, il y a le désœuvrement, l’ennui, l’écœurement, ce manque d’intérêt, l’absence de curiosité qui anéantissent les élèves les plus doués…

Il y a aussi la politique de notre pays, qui joue pour nos écoliers les notes d’une cacophonie abasourdissante et les emporte vers une foule de confusions tumultueuse et de parfaite insuffisance ! Et puis, il y a le bon Dieu enregistré aux abonnés absents, éloigné par des guerres qui ne finissent plus de nous séparer.

En scrutant les écoles d’aujourd’hui, on pleure l’avenir de nos jeunes écoliers. Le monde entier avance dans l’instruction, le savoir et l’érudition. Et, nous, pauvres de nous, nous sommes pris dans un tourbillon d’ignorance, d’incapacité et d’impuissance.

Nos écoles saignent mais on continue… insouciants, valsant dans une folle danse et emportés dans un tourbillon de nonchalance et de somnolence…

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

« Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. » C’est ainsi que s’exprimait Albert Camus remerciant ses parents analphabètes pour l’avoir envoyé à l’école et saluant ses professeurs pour lui avoir permis de connaître la puissante poésie de...

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