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Société - Reportage

« Aïn el-Heloué, dernier clou dans le cercueil de Saïda »

Cinq jours après la reprise des combats dans le camp palestinien, certains habitants expriment leur ras-le-bol, d’autres viennent en aide aux déplacés.

« Aïn el-Heloué, dernier clou dans le cercueil de Saïda »

La corniche déserte de Saïda. Photo João Sousa

Sous un soleil de plomb, couvre-chef vissé sur le front, Mahmoud Dirani entame sa semaine par une promenade matinale sur la corniche de Saïda. « Je ne suis pas serein. J’ai peur d’une balle perdue… » admet toutefois le sexagénaire, qui fait partie des rares passants à s’être aventurés sur cette artère d’ordinaire bondée, située à un peu plus de quatre kilomètres à vol d’oiseau du camp de réfugiés palestiniens de Aïn el-Heloué.

Un camp sous le feu depuis jeudi dernier, alors que les affrontements entre les factions islamistes et le mouvement Fateh ont repris, après une vague de violence fin juillet et un cessez-le-feu plus que fragile. Les récents combats ont déjà fait onze morts, plus de cent blessés et déplacé des centaines de réfugiés.

« En raison de la crise (économique), Saïda était déjà une ville morte, se désole Mahmoud Dirani. Là, on plante le dernier clou dans son cercueil… » Car la capitale du Sud et ses habitants sont à nouveau pris en otages, entre la situation économique qui se dégrade davantage et la crainte d’un débordement des combats hors du camp. Samedi, un civil a été tué d’une balle perdue à Ghaziyé, à deux kilomètres au sud de Saïda.

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« Dès qu’il se passe quelque chose à Aïn el-Heloué, la ville en est directement affectée… » déplore Jamil Bizri, 63 ans, alors qu’il s’apprête à se baigner. « Même si nous sommes plus au moins loin, nous ne sommes pas à l’abri de bombardements qui peuvent tomber ici », ajoute-t-il. Pour autant, la cause palestinienne lui tient toujours à cœur. « Il faut juste que ces éléments armés (au sein du camp) arrêtent de faire du mal à la ville », soupire ce commerçant en arrêt de travail depuis la reprise des combats.

« Plus personne ne vient »

Si une partie de Saïda s’est transformée en ville fantôme, avec pour seuls signes de vie des déchets à profusion jonchant le sol, le vieux souk semble avoir été épargné. Sous son parasol vert, Mohammad Khassoum tente de vendre ses pommes et ses bananes. « Même s’il y a du monde, nos ventes se sont effondrées », raconte le marchand, père de quatre enfants. Ses deux plus jeunes sont toujours effrayés par les tirs et les bombardements qui retentissent. « Mon petit hurle de peur lorsqu’il entend les détonations. Nous ne voulons plus de guerre », soupire-t-il.

Mahmoud Dirani se balade sur la corniche de Saïda. Photo João Sousa

Dans le centre-ville, si les commerces sont restés ouverts, peu de clients franchissent le pas de leur porte. Le centre commercial de la ville, lui aussi, est vide. Seuls les employés sont présents, profitant d’une pause déjeuner… bien avant l’heure. Depuis jeudi, « plus personne ne vient », raconte Hussein Nehmé, gérant d’une boutique. « Nous avons même fermé vers 17 heures dimanche au lieu de minuit, car les routes vers le sud ont été fermées », explique ce trentenaire de Nabatiyé. Pour se rendre au travail ces derniers jours, il lui aura fallu passer par la route maritime « sous les tirs », dit-il.

« Ils n’ont nulle part où aller »

Non loin de là, le pas pressé, deux femmes viennent d’arriver à l’école Nablous (« Naplouse »), où sont accueillis des déplacés, pour prendre des nouvelles de proches. « Ma belle-fille, enceinte, a fui les combats avec ses deux enfants », déplore Cheikha, une résidente de Aïn el-Heloué. « Ils (les factions armées) sont en train de nous détruire. On se sent opprimés et humiliés », lâche Cheikha, alors que des coups de feu résonnent tout d’un coup. Ses deux fils ainsi que ses frères et sœurs ont choisi de rester dans le camp. « Ils n’ont nulle part où aller. Beaucoup sont dans leur cas et se disent qu’ils préfèrent mourir avec dignité chez eux », continue-t-elle, toujours secouée par la peur.

Si Cheikha et sa fille, qui ne comptent plus retourner dans le camp, ont pu trouver refuge chez des amis libanais, d’autres se sont rendus dans un sous-sol mis à disposition par Ali Sleiman, un Libanais de 25 ans. « C’est un acte humanitaire. Nous resterons ouverts aussi longtemps qu’il le faudra », explique le locataire des lieux. Sur quelque 500 m², ce lieu situé un peu plus loin du centre-ville abrite environ une cinquantaine de familles. Sur place, toutefois, ce sont essentiellement des femmes et des enfants.

Des déplacés de Aïn el-Heloué ont trouvé refuge dans un sous-sol à Saïda. Photo João Sousa

Assise sur un matelas, Wafa’ Moussa, mère de cinq enfants, a le regard lourd. Ses fils sont restés avec leur père tandis qu’elle a fui les lieux, dans la nuit, avec ses filles, après qu’un obus est tombé sur son toit. « On aurait dit que c’était la fin du monde », lance sa belle-sœur. « Les terroristes vivent dans notre quartier », rapporte Wafa’ Moussa, qui réside à Safsaf, un quartier dans le camp, et avait déjà fui une première fois lors des affrontements de juillet. « Nous ne comprenons rien à ce qui se passe… Tout ce que nous pouvons faire, c’est attendre la fin », déplore-t-elle, la gorge nouée.

« Il n’y a aucune haine »

Houssam* aussi attend la fin de ces violences. Cet employé qui travaille devant le Château de la mer en a ras le bol. « Y a pas une personne qui n’insulte pas les Palestiniens », balance-t-il, fustigeant les conséquences de cette séquence sur le tourisme, qui en avait déjà pris un coup.

À quelques pas de là, de retour sur la corniche, Ahmad* assure qu’il « n’y a aucune haine » entre les déplacés du camp et les résidents de la ville. Depuis les affrontements, ce résident de Aïn el-Heloué a délogé ses enfants chez un membre de leur famille. Mais lui préfère rentrer chez lui. « J’habite dans une zone plutôt calme du camp, même si on dirait que l’on vit dans un film d’action », ironise ce quinquagénaire, qui repeint des poteaux sur la route. « Je n’en peux plus de tout ce qui se passe. Nous sommes des exilés de notre pays et nous ne pouvons même pas vivre ici en sécurité. Tout ce que nous voulons, c’est une vie digne », déplore-t-il, avant de reprendre son travail.

Vers midi, les derniers promeneurs ont déserté le bord de mer. Mahmoud Dirani avait raison de se méfier : des balles perdues commencent à atteindre la corniche. 

*Les prénoms ont été modifiés.

Sous un soleil de plomb, couvre-chef vissé sur le front, Mahmoud Dirani entame sa semaine par une promenade matinale sur la corniche de Saïda. « Je ne suis pas serein. J’ai peur d’une balle perdue… » admet toutefois le sexagénaire, qui fait partie des rares passants à s’être aventurés sur cette artère d’ordinaire bondée, située à un peu plus de quatre kilomètres...

commentaires (3)

Cet ersatz de gouvernement, plutôt que d'essayer d'éradiquer ce phénomène meurtrier qui n'est même pas notre cause, s'évertue à vouloir voter des lois existantes plutôt que de les mettre en œuvre, dernière perle en date émanant de notre ministre des finances...Les contribuables qui n’auront pas déclaré avant la fin de l’année courante leurs revenus et payé les impôts dus, sont susceptibles d’être déférés devant le parquet financier pour crimes d’évasion fiscale , comment compte il procéder, lui qui est incapable de recouvrer les taxes les plus élémentaires, en outre au vu de ses agissements l'on pourrait penser que prononcer simplement le terme"parquet financier" pourrait s'assimiler à un gros mot..

C…

10 h 43, le 12 septembre 2023

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Commentaires (3)

  • Cet ersatz de gouvernement, plutôt que d'essayer d'éradiquer ce phénomène meurtrier qui n'est même pas notre cause, s'évertue à vouloir voter des lois existantes plutôt que de les mettre en œuvre, dernière perle en date émanant de notre ministre des finances...Les contribuables qui n’auront pas déclaré avant la fin de l’année courante leurs revenus et payé les impôts dus, sont susceptibles d’être déférés devant le parquet financier pour crimes d’évasion fiscale , comment compte il procéder, lui qui est incapable de recouvrer les taxes les plus élémentaires, en outre au vu de ses agissements l'on pourrait penser que prononcer simplement le terme"parquet financier" pourrait s'assimiler à un gros mot..

    C…

    10 h 43, le 12 septembre 2023

  • Le plus difficile à Saida c’est de prendre une photo de la plage sans montrer les détritus…

    Gros Gnon

    09 h 04, le 12 septembre 2023

  • Voir par ailleurs mon commentaire.

    Mohamed Melhem

    06 h 26, le 12 septembre 2023

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