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Idées - Commentaire

L’expansion des Brics, une fausse solution pour les pays émergents

L’expansion des Brics, une fausse solution pour les pays émergents

De gauche à droite, les présidents Luiz Inácio Lula da Silva (Brésil), Xi Jinping (Chine) et Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), et le Premier ministre indien Narendra Modi et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, lors du 15e sommet des Brics, mercredi, à Johannesburg (Afrique du Sud). Alet Pretorius/AFP

On pourrait croire à première vue que l’extension du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à l’Arabie saoudite, à l’Iran, aux Émirats arabes unis, à l’Éthiopie, à l’Égypte et à l’Argentine soit une bonne idée. Un Brics+ fort de 11 participants pourrait être plus représentatif des économies émergentes du monde, fournissant ainsi un contrepoint bienvenu à l’hégémonie américaine.

Pourtant, à bien des égards, l’élargissement annoncé représente une occasion manquée de taille. Le monde n’a pas besoin que d’autres pays tombent sous l’influence de la Chine et de la Russie, ni qu’ils s’alignent contre les États-Unis. Il faudrait plutôt qu’un troisième groupe véritablement indépendant vienne contrebalancer l’axe Chine-Russie et la puissance américaine.

Parce que l’élargissement ne comprend que des pays qui ont déjà des relations amicales avec la Chine, les Brics+ sont sur le point de devenir tout bonnement un nouvel outil de sa diplomatie. Plutôt que de représenter les intérêts des économies émergentes, ce groupe va permettre à Pékin de participer davantage à ces dernières. Très probablement, cela se fera au détriment de leurs travailleurs et des gens, car les investisseurs étrangers chinois ont tendance à tolérer – ou même à encourager – la corruption, une transparence réduite et des mégaprojets dispendieux financés par des prêts difficiles à restructurer.

De plus, en ajoutant l’Arabie saoudite, l’Éthiopie, l’Égypte, l’Iran et les Émirats arabes unis, les Brics vont encore renforcer leur réputation de club « antidémocratique ». Pourtant, parmi les institutions dont les économies émergentes ont le plus besoin pour assurer leur succès économique et social futur, la démocratie figure en tête de liste. Mon étude, menée en collaboration avec Suresh Naidu, Pascual Restrepo et James Robinson, montre que la démocratisation a permis historiquement aux pays d’atteindre une croissance économique plus rapide dans les 5 à 10 années suivantes grâce à des investissements accrus dans l’éducation, la santé et d’autres services publics. En revanche, l’engagement chinois tend à entraver la démocratisation, voire même à fomenter l’autoritarisme.

À présent que la rivalité sino-américaine s’intensifie – et risque de remodeler l’ordre mondial –, les économies émergentes ont de plus en plus besoin de faire entendre leur voix. Après tout, il est peu probable que leurs intérêts soient bien servis par l’aggravation des relations sino-américaines et la réduction de leurs flux commerciaux et financiers bilatéraux.

Enjeu technologique

De même, les économies émergentes doivent pouvoir influencer l’avenir de l’intelligence artificielle et d’autres technologies numériques qui évoluent rapidement. Même si l’enthousiasme actuel autour des outils de l’IA générative (comme ChatGPT) s’avère être pour l’essentiel une passade, les progrès rapides dans l’IA et dans d’autres technologies de communication sont encore probables à court terme et vont affecter tous les pays, remaniant ainsi la division mondiale du travail.

Ces technologies pourraient avoir des conséquences négatives majeures pour les travailleurs, en particulier dans le monde émergent où des pays comme l’Inde exportent déjà divers services en col blanc. En fin de compte, les cols blancs et les cols bleus partout dans le monde peuvent finir par rivaliser non pas contre une main-d’œuvre coûteuse et hautement qualifiée dans les pays riches, mais contre des logiciels avancés, des machines et des robots alimentés par l’IA.

Les mêmes technologies sont également susceptibles de restructurer la politique dans de nombreux pays, car les médias sociaux et la désinformation alimentés par l’IA (en particulier les « deep fakes » et autres technologies de manipulation) influencent de plus en plus l’opinion publique et la politique électorale. La plupart des économies en développement et émergentes ne disposent pas des institutions de soutien nécessaires pour réglementer et créer des garde-fous contre de telles perturbations.

De plus, les nouvelles technologies donnent aux gouvernements des outils sans précédent et très puissants pour surveiller leurs populations et réprimer la dissidence. Les régimes autoritaires partagent déjà des technologies et des techniques entre eux. Des recherches récentes montrent que les technologies de surveillance chinoises se sont rapidement exportées vers d’autres pays non démocratiques, Huawei exportant à lui seul ses produits vers 50 pays.

À l’heure actuelle, l’avenir de la technologie est largement façonné par les autorités chinoises, les géants américains de la technologie (avec un degré limité de contrôle réglementaire) et – de plus en plus – les règles de l’Union européenne. Aucun de ces pôles ne reflète les intérêts du monde émergent, et les Brics+ ne se distinguent en rien sur ce point – ce qui va très probablement être une très bonne affaire pour la Chine.

Indépendance collective

Heureusement, la sélection stricte de nouveaux membres par la Chine pourrait avoir ouvert la voie à une alternative prometteuse aux Brics+. D’autres grandes économies émergentes – comme l’Indonésie, la Turquie, le Mexique, la Colombie, la Malaisie, le Nigeria, le Bangladesh et le Kenya – pourraient former un bloc véritablement indépendant, avec l’espoir d’attirer l’Argentine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. Bien que chacun de ces pays ait eu ses propres problèmes avec les processus démocratiques ces derniers temps, leur expérience de la démocratie ainsi que leur taille économique leur donnent un certain nombre de points de convergence.

Plus important encore, ils pourraient déclarer collectivement leur indépendance vis-à-vis de la Chine et des États-Unis, donnant ainsi au monde émergent au sens large une voix si nécessaire dans les débats sur l’avenir de la mondialisation et de la technologie. De tels choix sont beaucoup trop importants pour être laissés aux rivalités géopolitiques du moment.

Copyright : Project Syndicate, 2023.

Pprofesseur d’économie au MIT, coauteur (avec Simon Johnson) de « Power and Progress: Our Thousand-Year Struggle Over Technology and Prosperity » (Public Affairs, 2023).

On pourrait croire à première vue que l’extension du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à l’Arabie saoudite, à l’Iran, aux Émirats arabes unis, à l’Éthiopie, à l’Égypte et à l’Argentine soit une bonne idée. Un Brics+ fort de 11 participants pourrait être plus représentatif des économies émergentes du monde, fournissant ainsi un contrepoint...

commentaires (3)

LES BRICS ET LEURS EXPANSIONS NE SONT QU,UNE EXPERIENCE DE LABORATOIRE FINANCIER SUJET AU SUCCES OU A L,ECHEC. LA SECONDE OPTION EST LA PLUS PROBABLE.

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 47, le 03 septembre 2023

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Commentaires (3)

  • LES BRICS ET LEURS EXPANSIONS NE SONT QU,UNE EXPERIENCE DE LABORATOIRE FINANCIER SUJET AU SUCCES OU A L,ECHEC. LA SECONDE OPTION EST LA PLUS PROBABLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 47, le 03 septembre 2023

  • Qu’on ne s’y méprenne pas . Les BRICS ne sont pas une résurgence des pays non-alignés , mais un nouveau Pacte de Varsovie dont Pékin est l’épicentre.

    AntoineK

    10 h 16, le 03 septembre 2023

  • L auteur est un ???

    Bee S

    07 h 35, le 03 septembre 2023

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