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Sport - Portrait

Waël Arakji, meneur d’espoir du basket libanais

Meilleur joueur d’Asie, patron des Cèdres, Waël Arakji est aussi déterminé et à fleur de peau sur le terrain qu’en dehors, où ses coups d’éclat l’ont rendu aussi populaire que ses tirs à trois points.

Waël Arakji, meneur d’espoir du basket libanais

Waël Arakji lors du match contre la France, troisième match de poule du Mondial 2023 de basket, le 29 août à Djakarta. Photo FIBA

Waël Arakji est ambitieux et il l’assume. « Mon but est d’être le meilleur meneur de l’histoire du Liban. Pour ça, je dois être prêt à m’entraîner plus dur que les autres, à donner plus d’efforts », dit-il au micro du podcast Sarde after dinner en septembre 2022.

Le meneur de l’équipe libanaise de basketball est alors sur un nuage. Il vient d’être nommé MVP de la Coupe d’Asie, soit le meilleur joueur d’un tournoi que les Cèdres sont passés à deux petits points de remporter. En finale contre l’Australie, il a fait renverser leur Almaza à tous les Libanais au cours d’un money-time époustouflant, enchaînant des tirs à trois points improbables pour permettre à son équipe de rattraper son retard in extremis. Tout au long du tournoi, avec ses 26,5 points par match de moyenne, le joueur d’1,92 m a affolé les compteurs et fait vaciller les géants d’Asie, n’aimant rien tant que pénétrer dans le camp adverse pour déposer un floater (tir en cloche) au-dessus de leurs têtes abasourdies. Reste que le style Arakji est plus efficace que spectaculaire. Avec lui, pas de dribbles sensationnels ni de dunks stratosphériques, mais plutôt des paniers sobres, mais diablement cliniques.

Besogneux, Waël l’a toujours été. Enfant, il ne pensait déjà qu’à une chose : « À quatre ans, je roulais mes chaussettes pour en faire une balle », raconte-t-il à Jad Ardakani dans le podcast Unjaded. Dès l’âge de 6 ans, il s’essaie au mini-basket sous l’égide du coach Ahmad Farran à Riyadi, le célèbre club de Manara, avant un intermède à Harlem, autre club beyrouthin, où il gravit un à un les échelons des catégories de jeune.

Wael Arakji (g.) posant avec Ahmad Farran (d.) en 2006. Photo fournie par Ahmad Farran.

« C’était un enfant spécial, qui se distinguait des autres non pas par sa supériorité technique ou physique, mais par sa mentalité. Il a toujours voulu être le leader de son équipe », assure Ahmad Farran, son entraîneur actuel à Riyadi joint par L’OLJ. « Il n’hésite pas à prendre la parole dans un vestiaire et à porter une équipe à lui seul. » Le considérant « comme un fils » tout en disant « être plus dur avec lui », son mentor suit de très près sa progression jusqu’à sa majorité, où il démarre sa carrière professionnelle dans la foulée de son retour à Riyadi, lors de la saison 2011-2012. Bien accompagné, il l’est aussi par ses parents, pourtant étrangers à l’univers sportif. Son père va jusqu’à acheter une moto pour le trimballer de l’école aux entraînements en évitant les bouchons.

L’affamé de la balle orange

Mais son entourage ne suffit pas à expliquer comment à 29 ans, il a déjà remporté huit championnats nationaux avec les différents clubs où il a évolué en Tunisie, au Qatar et au Liban, ainsi qu’une Coupe des nations arabes en février 2022 et six mois plus tard une deuxième place en Coupe d’Asie avec les Cèdres, dont il s’est imposé comme l’indéniable patron.

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L’autre facteur, c’est sa faim. « Pendant le match, je vais essayer de te bouffer, de te détruire. En dehors du match, tu es comme mon frère », résume-t-il à Sarde. Car derrière son faciès flegmatique, Waël cache un visage de gosse : « Kobe (Bryant) a dit une fois qu’il faut toujours rester comme un enfant, jamais rassasié », dit-il en référence à la star de la NBA dans le podcast Unjaded. Et bien qu’il ait un palmarès déjà bien nourri, il dit avoir « toujours faim ». Un appétit qui se traduit par des heures d’entraînement bien supérieures à la normale. « C’est le genre de gars que tu peux trouver à la salle ou sur le terrain en train de tirer à 6h du matin, même pendant les jours de repos », assure son coach.

Une discipline de stakhanoviste qu’il conserve en permanence, en particulier après une mauvaise performance, ajoute-t-il : « Quand il n’est pas satisfait de lui, il garde ses chaussures et attend que tout le monde soit parti pour s’entraîner pendant une heure ou deux. » Car pour Waël, « ce qui définit un champion, c’est la façon dont il répond à la défaite », dit-il dans le podcast Sarde.

Le porte-drapeau du Liban

Celle concédée face à la France lors de la phase de groupe de ce Mondial 2023 lui laisse un goût particulièrement âpre. Malgré les 29 points qu’il inscrit face aux Bleus, « l’un des plus grands matchs de sa carrière » d’après Ahmad Farran, les Cèdres passent à côté de l’exploit (79-85) et sont éliminés, après deux larges défaites face à la Lettonie (109-70) et au Canada (128-73). Une frustration qu’il ne cache pas devant les caméras. En larmes après le match, Waël dénonce les critiques visant l’équipe qu’il a portée à bout de bras : « Certaines personnes ont vite oublié tout ce que nous avons accompli depuis l’année dernière. (…) Je vous le dis les yeux dans les yeux, honte à vous ! »


Wael Arakji réalisant un "lay-up" lors du second match de poule du Mondial 2023 de basket contre le Canada, dimanche 27 août à Djakarta. Photo FIBA

Derrière le compétiteur acharné se trouve en effet une personnalité à fleur de peau : « C’est quelqu’un de très émotif, qui n’hésite jamais à dire très fort ce qu’il pense vraiment », insiste son coach. Sa grande gueule, les Libanais l’ont découverte lors de la Coupe d’Asie. Le 20 juillet 2022, il se fait le porte-voix de tous « ces Libanais qui se battent au quotidien », leur dédiant l’incroyable victoire en quart de finale contre la Chine. Et de marteler : « Nous venons d’un pays brisé. Plein de tristesse. Nous voulons juste redonner le sourire aux gens et hisser haut le drapeau libanais. » Alors quand le Premier ministre désigné, Najib Mikati, félicite les Cèdres pour leur victoire, Waël n’hésite pas à le bâcher : « Nous n’avons pas besoin de ses félicitations et nous essayons de nettoyer la merde dans laquelle lui et les autres politiciens nous ont mis. Donc, il peut la fermer, ce sera mieux », écrit-il sur Facebook.

Car Waël est un Libanais comme les autres. S’il aime s’inspirer des grands noms de la NBA, il n’est que trop conscient du monde qui les sépare, ayant participé en 2019 à la Summer League de la NBA avec les Dallas Mavericks. Comme pour beaucoup de ses collègues basketteurs, le salaire qu’il perçoit en tant que joueur professionnel au Liban n’est pas toujours suffisant pour assurer le train de vie d’un sportif de haut-niveau et encore moins l’après-carrière.

À l’étranger, il ne cesse d’entendre les joueurs lui demander « ce qui cloche » au Liban, lui qui raconte avoir dû payer de sa poche avec son coéquipier Hayk Gyokchyan les survêtements de l’équipe nationale pendant la Coupe d’Asie.

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C’est d’ailleurs cette absence de pérennité financière du basket libanais qui l’a poussé à lancer son propre business dès 21 ans, en association avec son frère : Fit Clique, une salle de sport basée à Beyrouth. Et malgré cette nouvelle popularité qu’il a acquise depuis l’été dernier, « il n’a jamais perdu son humilité », assure Ahmad Farran. « Il est suffisamment intelligent pour gérer toute l’agitation qu’il y a autour de lui. »

Attaché à son pays malgré tout ce qu’il lui reproche, il n’en est jamais parti bien loin. S’il lui est arrivé de s’exiler à l’étranger, pour cause financière, à Pékin, Doha ou Monastir en Tunisie, le porte-drapeau du basket libanais est finalement revenu au bercail en 2022. Il le rappelait encore le 29 août en conférence de presse après le match contre la France : « J'ai joué dans tellement d'équipes, en Chine, en Tunisie, au Qatar, mais jouer pour le maillot libanais, c’est différent... Je suis tellement fier de jouer pour cette équipe, je veux montrer au monde que le Liban est là malgré tout ce qu'il traverse. »

Waël Arakji est ambitieux et il l’assume. « Mon but est d’être le meilleur meneur de l’histoire du Liban. Pour ça, je dois être prêt à m’entraîner plus dur que les autres, à donner plus d’efforts », dit-il au micro du podcast Sarde after dinner en septembre 2022. Le meneur de l’équipe libanaise de basketball est alors sur un nuage. Il vient d’être nommé MVP...

commentaires (7)

Respects a vous mr. arakji!

Robert Moumdjian

12 h 34, le 06 septembre 2023

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Commentaires (7)

  • Respects a vous mr. arakji!

    Robert Moumdjian

    12 h 34, le 06 septembre 2023

  • Mille bravos !!!!

    Vero M

    13 h 52, le 04 septembre 2023

  • Remarquable en tout point, l'on voit que le succès ne lui est pas monté à la tète... Il aurait pu bénéficier de sa notoriété locale afin de "grapiller" certains avantages il a préféré lancer le ballon au milieu de cette fourmilière immonde qu'est le monde politique.. Le fait d'avoir du aider à équiper les joueurs témoigne de sa grande déférence vis à vis de ses coéquipiers .

    C…

    09 h 12, le 03 septembre 2023

  • Wael! Allah Yehmik tu nous represente nous les Libanais qui voulont tjs garder la tête haute malgre ts les intemperies!! Tu es notre porte parole notre Fierté?????

    Lana El Solh

    07 h 45, le 03 septembre 2023

  • Profond respect! Chapeau l’artiste

    Yazbek Ronald

    02 h 11, le 03 septembre 2023

  • Magnifique article ! Un grand joueur ! Digne héritier de Fadi Khatib !

    Tania

    11 h 26, le 02 septembre 2023

  • Bienvenu ce papier consacré à Arakji, un grand champion et qui n’hésite pas à profiter de ses incroyables exploits sur le parquet pour dire face au micro tout le «bien» qu’il pense de la classe politique.

    Marionet

    09 h 13, le 02 septembre 2023

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