Monsieur le Gouverneur,
Le conseil d’administration de l’Association des dirigeants et chefs d’entreprise libanais (RDCL) tient tout d’abord à saluer la décision avisée qui vous a conduit à adopter un nouveau mécanisme axé sur la transparence depuis votre prise de fonctions en tant que gouverneur. Celui-ci s’est manifesté dans toutes vos déclarations ainsi que dans la publication de vos rapports de manière régulière et rigoureuse. Conformément à cette même politique, nous vous prions de fournir toute information supplémentaire indispensable afin de compléter l’audit juricomptable de la Banque du Liban (BDL) à la demande de la société Alvarez & Marsal.
De même, le RDCL salue votre ferme volonté de refuser de financer l’État libanais par l’émission de nouveaux billets de monnaie nationale ou par l’utilisation des réserves restantes de devises (appartenant aux déposants). Nous apprécions également votre résolution à coopérer pleinement avec le gouvernement et le Parlement dans le but de promulguer les lois nécessaires relatives à la restructuration des banques et du système financier et au contrôle des capitaux, ainsi que toute loi indispensable à la mise en œuvre du programme du FMI.
En outre, nous soulignons la pertinence de votre engagement à limiter le rôle de la banque centrale à la stricte politique monétaire en refusant de participer à des activités nettement hors du domaine de sa responsabilité – telles que les subventions qui, par le passé, ont engendré des pertes de plusieurs milliards de dollars pour la BDL, les banques et les déposants. La séparation des tâches entre le gouvernement et la banque centrale revêt de ce point de vue une grande importance. Dans ce contexte, le gouvernement doit être responsable de la politique financière, la BDL étant quant à elle responsable de la politique monétaire.
Le RDCL souhaite également procéder à une révision des lois concernant la Banque du Liban dans le but d’améliorer sa gouvernance et d’éviter des crises similaires à l’avenir.
Le FMI incontournable
Le RDCL considère que l’accord avec le Fonds monétaire international est la voie à suivre pour atteindre la stabilité économique et financière, mettre en œuvre les réformes longtemps attendues et restructurer le système bancaire. En tant que représentant du secteur privé libanais légal, nous tenons à vous exprimer notre soutien total et vous demandons de ne pas céder aux pressions politiques. Ces pressions augmenteront sans doute, d’autant plus que les mécanismes de financement utilisés par le passé ont été compromis grâce à votre politique actuelle. Dans ce contexte, le financement de l’État en l’absence de réformes n’est qu’un moyen de gagner du temps supplémentaire et d’ajourner les réformes nécessaires au profit de certaines parties. Cela augmenterait davantage les pertes.
Dans cette optique, le RDCL rejette fermement le financement de l’État avant toute réforme et tout programme clairement défini avec le FMI, même s’il venait à être autorisé par le biais d’un texte de loi, comme cela a été proposé précédemment. La gestion des finances publiques, que ce soit dans le passé ou à travers les budgets proposés, souligne que de tels financements ne seront jamais remboursés. Votre position ferme sur ce sujet constitue le seul moyen d’exercer une pression sur les politiciens si nous voulons qu’ils adoptent des réformes et mettent en œuvre un plan de restructuration visant à équilibrer le budget et à assurer la stabilité économique. De plus, le RDCL salue vos positions concernant le manque de transparence de la plateforme Sayrafa que vous vous êtes engagé à traiter grâce à une nouvelle plateforme transparente et accessible visant à unifier les taux de change multiples.
La crise peut être considérée comme un moteur poussant à la mise en œuvre des réformes nécessaires, en particulier la gouvernance et la gestion adéquates de l’administration publique ainsi que du volume du secteur public ayant paralysé l’économie et les finances de l’État au cours des dernières décennies. Dans ce contexte, il est aussi indispensable de réduire le volume de ce secteur public, d’accroître sa productivité et de conserver uniquement les fonctionnaires qualifiés. De plus, la loi sur le partenariat entre les secteurs public et privé, promulguée en 2017, devra être pleinement appliquée. Il est en outre essentiel de fixer des limites et de traiter le problème de la falsification des factures dans les ports, ainsi que d’éradiquer les entreprises fictives et la fraude fiscale, et de relancer les activités de l’administration immobilière et de la Commission de gestion de la circulation et des véhicules. Ces mesures renforceront les recettes de l’État, en plus de l’adoption de moyens numériques pour lutter contre la corruption. Le secteur privé légal et les citoyens respectueux des lois ne peuvent pas à eux seuls supporter les coûts énormes résultant du grand nombre de citoyens et d’entreprises illégales et ne payant pas d’impôts. Dans un contexte de chaos généralisé et de décisions sporadiques, la taille du secteur privé illégal et non conforme augmente jour après jour.
Restructuration bancaire
Dans le contexte de l’effondrement du secteur bancaire, la taille de l’économie du « cash » augmente de jour en jour, atteignant environ 46 % du produit intérieur brut en 2022, selon la Banque mondiale. Le RDCL est extrêmement préoccupé par les conséquences négatives de ce phénomène sur l’économie du Liban, en particulier en matière de conformité (blanchiment d’argent et évasion fiscale). Un éventuel déclassement du Liban et de son système financier dans ce domaine pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur le secteur privé légal si des sanctions étaient imposées au Liban. À cet égard, l’absence de surveillance et la présence d’institutions financières illégales opérant sur tout le territoire libanais constituent un fardeau très lourd à traiter urgemment.
Aucune économie ne peut par ailleurs fonctionner sans un secteur bancaire légal. La restructuration du secteur bancaire nécessite des lois globales. Cela ne peut être accompli en adoptant des solutions sporadiques,ou en suivant uniquement les décisions de la BDL. Par conséquent, une solution rapide doit être trouvée sur la question des dépôts. Le temps est le facteur-clé pour la récupération de la plus grande partie possible d’entre eux. Le retard et l’échec de la promulgation de la loi sur le contrôle des capitaux ont placé le secteur bancaire dans un cadre illégal et ont entraîné une dilapidation illégitime et sélective de milliards de dollars dans le système bancaire. Par conséquent, il est urgent de promulguer une loi appropriée qui garantisse la liberté de transfert de fonds nouveaux (« fresh dollars ») et l’économie libre, tel que prévu par la Constitution. Dans ce contexte, le RDCL a été surpris par l’article 7 de la dernière proposition soumise au Parlement qui exige que les transactions locales devraient être effectuées exclusivement en livres libanaises. Cette mesure aurait certainement des conséquences catastrophiques sur l’économie, compte tenu de l’inflation et de la dépréciation continue de la livre libanaise. De plus, il est indispensable de progresser dans la restructuration du secteur bancaire, dont nous savons que le projet de loi final est toujours entre les mains de la BDL. Étant donné que l’accès au financement des entreprises et des citoyens est vital pour la survie du secteur privé, et alors que nous attendons la restructuration globale, un projet de loi est en phase d’élaboration, en collaboration avec le secteur privé légal, pour garantir que tout financement ou nouvel engagement contractuel sera réglé dans la même devise et au même montant à l’échéance. Nous continuerons à faire pression pour son adoption, comme pour toutes les autres lois du programme global de réforme et de restructuration.
Le coût du temps
Enfin, nous ne pouvons pas réformer, restructurer, guérir et prospérer avec la vacance dans la majorité des postes de l’État. Notre situation actuelle nécessite des décisions, des législations et des mesures urgentes. C’est pourquoi nous réitérons notre appel à élire un président de la République dans les plus brefs délais, à former un gouvernement et à nommer un gouverneur de plein droit de la BDL afin qu’ils soient tous engagés dans la mise en œuvre d’un programme de réforme global. Le temps ne joue pas en notre faveur et les pertes augmentent chaque jour, conduisant le Liban vers des crises graves et des résultats irréversibles. Le moment est venu de prendre les mesures nécessaires. Nous nous tenons à vos côtés, avec tout le pouvoir et les compétences dont vous disposez, pour prendre les mesures nécessaires afin de sauver notre pays et l’avenir de nos enfants.
De plus, nous devons tirer la sonnette d’alarme avec vous et avertir contre l’isolement du Liban du système financier international, avec toutes les conséquences graves que cette situation engendrerait si toutes les réformes nécessaires n'étaient pas mises en œuvre immédiatement.
Par Nicolas BOUKATHER, président du RDCL
Voilà qui est bien dit, merci Nicolas pour cette analyse profonde et ces recommendations, le gouverneur en charge fait du bon travail et il a besoin de tous nos encouragements pour tenir bon à cette bande de canaille que nous Libanais avons élu et malheureusement continuous à le faire.
08 h 06, le 02 septembre 2023