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Lifestyle - This is America

Portrait de la communauté afro-américaine en patchworks relookés 

Cet art, pratiqué initialement par des Africaines travaillant dans les plantations américaines, prend un nouvel envol, passant du traditionnel couvre-lit à des portraits à vocation artistique.

Portrait de la communauté afro-américaine en patchworks relookés 

Les œuvres d’art de Bisa Butler, des portraits très colorés, sans une goutte de peinture. Photo tirée de son site officiel

L’artiste textile afro-américaine Bisa Butler, 38 ans, se souvient encore avec précision du savoir-faire de sa mère et de sa grand-mère dans la réalisation d’accessoires maison en patchwork. Un artisanat légué par leurs ancêtres venus d’Afrique au pays de l’Oncle Sam. C’est ainsi que la jeune femme s’est mise à manier l’aiguille et les ciseaux pour fixer leurs vies et leurs images sur des tissus, à la manière de patchworks. Le premier portrait qu’elle a réalisé dans cet esprit s’intitule Francis and Violette, ses propres grands-parents.

L’artiste textile afro-américaine Bisa Butler, 38 ans, devant l’une de ses œuvres. Photo tirée de sa page officielle

À partir de ce premier exercice, elle a découpé dans du tissu et cousu – sans une goutte de peinture – une galerie de portraits des grandes figures afro-américaines. « Butler a fait pour la confection de patchworks ce que Matisse a fait pour le découpage du papier : élever une technique humble à un niveau plus haut », estime la journaliste spécialisée dans les arts Jacoba Urist. Ses assemblages personnalisés sont dynamiques et hautes en couleur. Avec sa riche palette d’étoffes de toutes sortes, elle a connu la célébrité grâce à ses portraits patchworkés ressemblant à  s’y méprendre à des peintures, et qui  célèbrent la vie des Noirs : aussi bien des  gens ordinaires que des notables et des personnages historiques, essentiellement issus de la diaspora noire. Avec une mère originaire de La Nouvelle-Orléans et un père originaire du Ghana, Bisa Butler a grandi en Louisiane, où elle apercevait les femmes sortir en soie, satin et dentelle, tandis que les hommes portaient des costumes en gabardine ou en laine fine.

Les tissus de ma vie 

L’artiste se souvient également de certains membres de sa famille qui s’habillaient en tissus imprimés africains tissés ou européens. « Je crée un portrait de la diaspora très naturellement, sans idée préconçue », précise Bisa Butler. S’inspirant d’un portrait photographique existant, elle le travaille en utilisant ce qu’elle appelle « des tissus de ma vie ». À la manière d’un peintre trempant ses pinceaux dans ses couleurs, elle réussit à créer à sa manière lumière, ombre et contours. Sauf qu’elle le fait entièrement en jouant sur  les textures, les motifs et le placement de ses fibres. « Il n’y a aucune peinture sur ces œuvres », aime-t-elle à rappeler lors de ses interviews et sur les réseaux sociaux.

Ses créations ont rejoint les collections permanentes du Smithsonian National Museum of African American History and Culture, de l’Art Institute of Chicago et d’environ une douzaine d’autres musées d’art à travers le pays. En 2020, elle a été chargée de confectionner des images de couverture pour le magazine Time, notamment le numéro « Personne de l’année » et son édition spéciale des « 100 femmes de l’année ». Enfin, une de ses œuvres a été vendue aux enchères en 2021 pour la somme de 75 000 dollars.

L’art de Bisa Butler en couverture du magazine « Time ».

Formée à la Howard University, Bisa Butler en est ressortie avec un diplôme en beaux-arts. Au cours de ses études universitaires, elle a pu perfectionner ses talents naturels d’artiste textile sous la tutelle de professeurs de renom. C’est à cette époque qu’elle commence à expérimenter le tissu comme support et s’intéresse aux techniques du collage. En 2005, elle obtient une maîtrise en art de l’université d’État de Montclair. Parallèlement, elle a suivi une formation en fiber art également couronnée par un maîtrise.

Des fibres textiles et émotionnelles

Ce faisant, elle découvre que le patchwork relooké représente l’expression idéale de ses envies artistiques. Ce qui l’a fait revenir à son enfance, durant laquelle, explique-t-elle sur son site, « j’observais toujours ma mère et ma grand-mère coudre. J’ai été inconsciemment initiée à leur manière de transformer de multiples bouts de tissu en de grandes choses à la fois fonctionnelles et d’une grande beauté. Fascinée par leur talent qui venait tout spontanément, je me suis lancée depuis et tout naturellement dans la diversification d’une esthétique du patchwork ». 

Le sang de ses origines coule toujours dans ses veines, comme en témoigne sa récente exposition intitulée « Materfamilias ». Elle y met un accent spécial sur la femme, mère et nourricière, tout en rappelant : « Des millions de femmes dans le monde se voient refuser l’accès à l’éducation, aux services de santé et aux opportunités économiques. Une grande partie d’entre elles ont des problèmes de nutrition, vivent dans la peur de la violence sexiste et sont plus susceptibles d’être confrontées à l’extrême pauvreté. Lorsque la race est prise en compte, les statistiques sont alarmantes. Même sur ce continent, le taux de mortalité maternelle dans la communauté afro-américaine est deux fois plus élevé que celui de tout autre groupe racial ou ethnique aux États-Unis. »

Pour que reste en mémoire le lourd passé de sa communauté, dont les traces douloureuses subsistent encore, Bisa Butler a placé au-dessus de la porte d’entrée de son exposition un agrandissement de l’un de ses patchworks coups-de-poing montrant une femme et une petite fille devant une porte surmontée de cette inscription : Colored Entrance, ou « entrée pour gens de couleur ».

L’artiste textile afro-américaine Bisa Butler, 38 ans, se souvient encore avec précision du savoir-faire de sa mère et de sa grand-mère dans la réalisation d’accessoires maison en patchwork. Un artisanat légué par leurs ancêtres venus d’Afrique au pays de l’Oncle Sam. C’est ainsi que la jeune femme s’est mise à manier l’aiguille et les ciseaux pour fixer leurs vies et leurs...
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