Dans le Akkar, le festival REEF réinvente les liens entre cinéma et environnement

Le festival REEF (Rencontres environnementales et filmiques), dont c’est la 5e édition, transcende les frontières du cinéma traditionnel en fusionnant art, environnement et culture rurale. Depuis ses modestes débuts en 2019 dans le Akkar, ce rendez-vous unique dans le monde arabe s’est propagé dans tout le pays pour devenir une célébration vibrante de son patrimoine naturel. Créé au départ dans le pittoresque village de Qobayat dans le Akkar, le festival REEF a su étendre son influence à travers différentes régions du Liban, témoignant de son impact grandissant. Cette année, le festival revient avec une ambition renforcée, incarnée par une programmation diversifiée, féconde en collaborations et activités nouvelles et enrichissantes.

Projections de films et thématique écologique forment les deux axes principaux du festival REEF. Photo d’archives

Car REEF ne se limite pas à une simple célébration, mais s’engage à promouvoir une véritable cause écologique qui irrigue l’essence même de ce projet. Évoquant les transformations tant environnementales que sociétales qui façonnent notre époque, son édition 2023 embrasse le thème de la métamorphose. Des altérations climatiques à la déforestation, en passant par les migrations animales, la pollution et la sécheresse, ces évolutions façonnent un monde en perpétuel changement. 

Ce fil rouge, tissé à travers des ateliers créatifs, des conférences éclairantes, des projections de films et des visites guidées, vise à stimuler la réflexion et l’émergence de solutions pour un avenir durable. Car, comme le signale Éliane Raheb, directrice artistique du festival, membre d’Aflamuna, « le cinéma est un levier formidable pour attirer le public et l’intéresser aux enjeux de la ruralité et de l’écologie ». Une mascotte spéciale, la tortue, sera le symbole de cette édition, rappelant l’urgence de protéger la faune et la flore, et surtout cette espèce vulnérable après les ravages des incendies de 2021 et 2022. 

Des activités pleines de sens

Alors que le pays continue à faire face à des défis socio-économiques, le festival REEF maintient sa promesse d’offrir aux régions rurales défavorisées et en marge des centres urbains une porte ouverte sur la culture et l’échange, tout en célébrant leur héritage culturel unique. Antoine Daher, président du Conseil de l’environnement, explique pour sa part que « le nord du nord du Liban, jadis en marge des innovations qui ne pouvaient se dérouler qu’au centre du pays, attire maintenant une nouvelle communauté de cinéphiles du fait de la formule combinant le septième art à la randonnée et aux causes écologiques ». Ainsi, grâce à l’impact de REEF, « l’image du Akkar a mué de celle d’une “région lointaine et sans attraction” à une destination de choix pour beaucoup de Libanais et d’étrangers résidant au Liban », poursuit-il.

Le programme 2023 regorgeant d’activités et de performances artistiques se déploie avec une générosité nouvelle, mettant en avant des collaborations inédites. Du 31 août au 4 septembre, les rues de Qobayat résonneront de parades musicales et de spectacles vivants, célébrant l’union entre art et nature. Des ateliers créatifs, des minifilms réalisés par des femmes du Akkar, des projections de films arabes et internationaux en première diffusion libanaise ainsi qu’un concours de courts et moyens métrages (avec un jury composé de noms importants du cinéma libanais, comme l’actrice Nada Abou Farhat ou le réalisateur Hady Zakkak) animeront d’une vie nouvelle ce village.

La tortue, mascotte du festival REEF, toujours à l’affiche de l’édition 2023. Photo DR

REEF 2023 propose également des randonnées dans la nature alentour à travers des parcours thématiques, ainsi que des conférences sur des enjeux écologiques cruciaux tels que la souveraineté alimentaire, la transformation des déchets plastiques, l’« upcycling » des vêtements et le développement durable. Les jeunes ambassadeurs REEF, des volontaires du Akkar âgés de 13 à 18 ans, joueront un rôle actif dans cette édition, en animant, en particulier, certaines sessions de sensibilisation environnementale.

L’extension du festival au Hermel renforce les liens entre régions, mettant en lumière les défis communs autour de l’Oronte. Ce fleuve, jadis source de vie et de loisirs, lutte aujourd’hui contre la pollution et la surexploitation. Là-bas, le festival proposera, du 8 au 10 septembre, des ateliers créatifs, des activités dans la nature telles que le rafting et les randonnées en hautes terres, des projections de films arabes et même des diffusions de minifilms réalisés par des femmes de la région. Il y aura aussi des conférences sur les enjeux de préservation de l’Oronte avec différents experts, et même un concert avec le joueur de oud Hussein Khalil, en dialogue avec les talents musicaux du Hermel. Éliane Raheb précise que REEF fait attention à cibler toutes les composantes sociales : jeunes et moins jeunes, hommes, femmes, adolescents. 

Car, parallèlement aux importants efforts déployés par REEF, ce sont les habitants des villages qui alimentent le moteur de ce projet. Antoine Daher révèle qu’« à chaque fois que nous pensions renoncer, la population locale nous aidait à maintenir le cap. Leur attachement à ces activités culturelles pleines de sens nous a renforcés dans notre conviction que l’environnement et la culture sont parmi les derniers remparts contre toutes les destructions et agressions socio-économiques que connaît le pays ».

Cette cinquième édition – qui bénéficie par ailleurs de soutiens, collaborations et partenariats avec des collectifs artistiques, des ONG et des instituts culturels – s’annonce donc comme une expérience enchanteresse, un voyage au croisement du cinéma, de la nature, de la culture et du patrimoine ruraux à découvrir.

Le programme est disponible sur les pages Facebook et Instagram de REEF et sur son site web : www.ruralencounters.org