La centrale de Zahrani (Liban-Sud) est l'une des deux gérées par Primesouth. Photo d’archives Mahmoud Zayyat/AFP
La société Primesouth a commencé à mettre à l’arrêt, ce mercredi depuid 17h, les deux centrales électriques qu’elle opère pour le compte d’Électricité du Liban, à savoir celles de Deir Ammar (Liban-Nord) et Zahrani (Liban-Sud), conformément à ce qu’elle avait annoncé au fournisseur public plus tôt.
Circulant depuis le milieu d’après-midi, l'information a été officiellement confirmée par la direction d'EDL dans un communiqué publié en début de soirée dans lequel elle annoncé la mise à l’arrêt des deux centrales et ajouté qu’elle « tiendrait les citoyens informés de tout développement » à venir sur ce dossier.
Selon un porte-parole de son service de presse, le ministère de l’Énergie et de l’Eau, est en train de négocier avec toutes les parties prenantes – Primesouth, EDL, le ministère des Finances et la Banque du Liban – pour débloquer la situation. Le service de presse a indiqué que la situation avait des chances d’être réglée dans la soirée.
Défaut de paiement
Selon des informations que L’Orient-Le Jour a pu confirmer en cours de journée auprès des parties, Primesouth avait prévu de cesser ses opérations à la date et à l’heure indiquées et de rendre les clefs de ces infrastructures au fournisseur public, alors que son contrat, récemment prolongé, arrive à échéance en juillet 2024. Primesouth avait pris cette décision en réaction à l’accumulation des arriérés de paiement dus par EDL – et donc indirectement par l’État libanais – pour une ardoise dépassant les 100 millions de dollars, selon une source anonyme au sein d’EDL.
Si elle n’a pas évoqué le montant total des impayés, la direction d’EDL a fait savoir que Primesouth lui avait adressé un ultimatum dès la semaine dernière, assorti d'une demande d'un acompte sur les montants dus en dollars « frais » (les vrais dollars, pas ceux bloqués par les restrictions bancaires en place depuis le début de la crise et qui ne peuvent pas être retirés sans subir de décote).
La direction indique avoir sollicité la Banque du Liban pour tenter d’obtenir la conversion et le déblocage de 10 millions de dollars à partir des fonds en livres libanaises issus de la collecte des factures. Toujours selon EDL, ces fonds totalisent 2 517 milliards de livres, ou 37 millions de dollars convertis à un taux qui a été approuvé par le Conseil des ministres le « 26 mai » dernier.
Ne voyant rien venir, Primesouth a finalement commencé à progressivement mettre à l’arrêt les unités de production placée sous sa responsabilité, en coordination avec les services d’EDL chargés de gérer la distribution de courant.
L'absence d'un accord aurait pour conséquence de priver une nouvelle fois l’ensemble des Libanais d’électricité publique, les rendant ainsi totalement dépendants des générateurs privés. Elle aurait également interrompu l’approvisionnement en électricité publique d’infrastructures comme l’aéroport, le port ou les offices des eaux.
Des finances déjà fragiles
En plus d’être les plus importantes du pays, avec une capacité cumulée de 900 mégawatts soit plus de la moitié du total disponible, les centrales de Deir Ammar et de Zahrani sont pratiquement les seules à fonctionner depuis plusieurs mois au moins, même si ce n’est pas à plein régime.
EDL, dont les finances déjà fragiles ont été totalement asséchées depuis le début de la crise qui a éclaté en 2019, n’est en effet plus en mesure depuis plus de 4 ans d’acheter suffisamment de carburant pour alimenter toutes ses centrales, limitant ainsi la distribution à quelques heures de courant par jour.
Outre les quelques avances du Trésor qui lui ont été accordées ces quatre dernières années, le fournisseur n’a de fait pu compter que sur les livraisons de fuel fourni dans le cadre d’un accord de troc conclut en juillet entre le Liban et l’Irak. Selon la source à EDL que nous avons contactée, le chargement du mois, soit environ 30 000 tonnes de carburant, est justement programmé pour ces deux jours.
Société américaine spécialisée dans la gestion d’infrastructures énergétiques, Primesouth a remporté en 2016 l’appel d’offre pour la gestion et la maintenance des centrales de Zahrani et de Deir Ammar. Le 6 juillet 2022 l’opérateur avait mis les deux centrales thermiques concernées à l’arrêt à 17h avant de les remettre en marche deux heures plus tard après que des contacts ont eu lieu « au plus haut niveau » pour débloquer une partie des montants qui lui sont dus.
Ce n’était pas la première fois qu’EDL se retrouvait au bord du black-out complet depuis le début de cette crise marquée par une dépréciation de la monnaie de plus de 98 %, qui a réduit à néant les recette déjà maigres que le fournisseur public percevait via la collecte des factures, ses tarifs ayant été maintenus par la classe dirigeante, sur la base d’un baril à 23 dollars de 1994 à 2022.
Chez nous, tout se passe par "épisodes similaires" depuis que ces lumières de ministres occupent leurs postes. On les voit et entend dans tous les médias, nous débitant leurs explications éclairées par leurs capacités sans défaut. Nous, le petit peuple, sommes justes bons a payer sans rechigner nos factures de générateurs et d'EDL, n'est-ce pas ?!?!?! - Irène Saïd
11 h 20, le 17 août 2023