Rechercher
Rechercher

Banco au finish

Corruption, clientélisme, milices toutes-puissantes et flagrants dévoiements de la démocratie, criminelles négligences, trafics en tout genre, paralysie de la justice et évaporation des finances publiques : viciée à mort est la République, mais ça, vous le saviez depuis longtemps déjà. Loin de tout malveillant amalgame, c’est un tout autre sens que revêtira le mot de vice dans les lignes qui suivent. À tout seigneur, tout honneur : bienvenue dès lors, sur le podium de l’actualité, à ces fringants vice-gouverneurs de la Banque du Liban qui, à l’image des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, sont en réalité quatre.


Il y a peu, ces hauts fonctionnaires menaçaient de rendre solidairement leur tablier s’il n’était pas procédé à la désignation en règle d’un nouveau gouverneur : l’actuel, dont le mandat tire à sa fin, étant l’objet de poursuites judiciaires, tant internationales que locales. On apprenait peu après qu’il s’agissait là seulement d’alerter une autorité politique apparemment sourde à l’implacable tic-tac du chronomètre. Toujours est-il que les Quatre faisaient part, jeudi, à la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice de leur plan visant à redonner substance et vie à la monnaie nationale. Taux de change flottant mais maintenu sous contrôle, instauration du contrôle des capitaux, réformes budgétaires, ce ne sont là que quelques éléments du projet qui a été diversement jugé par les spécialistes : les commentaires allant d’ambitieux à carrément utopiques, compte tenu des réserves qu’il suscite déjà au sein d’une partie de l’establishment politique.


Il reste que pour le citoyen ordinaire, et donc peu initié à la savante valse des chiffres, le véritable problème est ailleurs. Car le Libanais moyen ne s’offusquera pas trop du chantage à la démission, pratique assez courante en politique comme en affaires et qui passe pour être de bonne guerre. Il est conscient aussi des réticences qu’il y à saisir au vol la patate brûlante lancée dans la nature par le gouverneur sortant de la BDL. Ce qu’il ne comprend pas cependant, le citoyen, c’est le timing choisi par le Quatuor pour entonner son hymne salvateur. Oui, pourquoi n’avoir réagi qu’en bout de course, à l’extrême bord du précipice, ne laissant d’autre choix qu’entre mauvaises solutions et solutions plus mauvaises encore : entre, par exemple, la désignation en pleine vacance présidentielle d’un gouverneur par un gouvernement démissionnaire et une reconduction en tout point impensable de l’actuel détenteur du titre ? Dès l’an 2020, nous assure-t-on maintenant, les assistants de Riad Salamé s’étaient désolidarisés de sa politique monétaire et en avaient signifié, mais sans autre suite, le ministre des Finances de l’époque. Mais pourquoi dans ce cas n’avoir pas pris à témoin l’opinion publique ? Quand les ingénieurs en second désapprouvent les ingénieries financières de leur chef, pourquoi donc attendre trois bonnes années pour se décider à tout déballer dans un pays notoirement livré au clientélisme, où même les grands commis de l’État – et jusqu’à de nombreux juges – doivent leur charge à tel ou tel leader politique ?


Du pain et des jeux, telle était la recette des empereurs romains pour endormir le peuple. Avec l’affaire de la BDL, c’est un nouveau thème de polémique qui est gracieusement proposé aux Libanais, entre pugilats sur les plateaux de télévision et braquages de banque à la chaîne.


Mais le pain, lui, où est-il passé ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Corruption, clientélisme, milices toutes-puissantes et flagrants dévoiements de la démocratie, criminelles négligences, trafics en tout genre, paralysie de la justice et évaporation des finances publiques : viciée à mort est la République, mais ça, vous le saviez depuis longtemps déjà. Loin de tout malveillant amalgame, c’est un tout autre sens que revêtira le mot de vice dans les...