La République est en ébullition et son clapotis glutineux menace d’ébouillanter le trop plein de cuistots qui s’étripent autour du chaudron fumant. Faut dire que 14 milliards de neurones et autant de processeurs ne sont pas de trop pour régler des questions aussi universelles que celles de savoir si oui ou non Istiz Nabeuh et le Sayyed barbu vont s’échanger des mandales entre les maxillaires pour égayer le crépuscule du Salami finissant ; ou si le patron du parti des Mille et une barbes continuera à miser sur son candidat présidentiel fourré à la Frangipane… Maintenant y a plus qu’à attendre que le cirque des deux complices fasse son œuvre. « Turban or no turban », telle est la question. Un calice que la population devra boire jusqu’à l’hallali.
On l’aura compris depuis un bail : le Liban au quotidien est le pays rêvé pour des colonies de vacances. On y organise des visites guidées dans des cages à journalistes embastillés pour avoir osé roter dans le sens contraire des aiguilles de la montre du Basileus. Lequel continue de chanter les louanges d’un Aoun, tout en cassant du sucre sur le dos d’un autre Aoun, pour avoir eu l’outrecuidance de s’appeler pareil. On y retrouve aussi les yeux pétillants du Derviche tourneur de Moukhtara. Tu sais, celui qui a l’air gentil quand il pose près de Mohammad Raad. Sans oublier la présence des quelque 300 000 Palestiniens et du million et demi de Syriens encroûtés chez nous depuis des lustres, qui font que la poésie de l’implantation revient régulièrement comme une arme de distraction massive.
Aux grand-messes du Parlement, jamais autant convoqué que depuis qu’il n’y a plus de chef d’État, et sous la baguette magique du Grand-Duc de Berry, Aïn el-Tiné et leurs dépendances, la liturgie est aussi foireuse que les niaiseux qui officient. Mêmes bipèdes empressés, mêmes bouilles de papys compassées, même index brandi par les intervenants façon doigt de l’onaniste comme pour conjurer le vice qui flotte sur cette ménagerie en délire. Seules les dates changent, et encore ! Le manant qui reluque ce micmac à la télé a comme l’impression d’une pause sur une image figée dans le temps, l’espace et la médiocrité.
Le gouverneur de la Banque du Liban exhale entre-temps ses dernières circulaires, dont la cadence accélérée est proportionnelle à la cinétique des casseroles judiciaires qui lui collent aux miches. Entre les vacheries ingrates des uns et la timidité de rosière embarrassée des autres, tous sont finalement pour la reconduction du patron de la Mère des banques. La seule différence est que ses copains veulent reconduire son mandat, ses ennemis le reconduire chez lui. À l’en croire, son dossier est en béton… sauf qu’il a les pieds coulés dedans et qu’il a déjà touché le fond !
Bon, circulez, y a rien à voir !
Tout le monde fait des erreurs de jeunesse. Riad Salamé, lui, est resté jeune trop longtemps, c’est tout.
gabynasr@lorientlejour.com
Billet-documentaire impeccable de véracité! Merci.
15 h 52, le 16 juillet 2023