Le clin d'œil

Jamais sans mes baskets !

Jamais sans mes baskets !

D.R.

Du temps où vous étiez encore une élève, dans votre vénérable collège de religieuses pour jeunes filles comme-il-faut, on appelait cela tout bêtement des « espadrilles » ou, plus vieillot encore, « des chaussures de sport ». Le modèle règlementaire imposé se devait d’être tout simple, sans fioriture aucune et obligatoirement blanc, l’école veillant farouchement à préserver la modestie toute monacale des petites jeunes filles qu’on lui avait confiées.

Vous détestiez ces chaussures-là. Enfermées à longueur d’année dans le placard sombre d’une salle de sport qui ne sentait pas la rose, elles vous servaient à grimper péniblement sur une corde sans nœuds qui vous écorchait horriblement les jambes, sous les cris de vos camarades surexcitées et d’un prof de sport vociférant, chronométrant inlassablement vos piètres performances. D’autres fois, vous chaussiez vos espadrilles pour les enfoncer dans le sable gluant du stade afin de lancer le plus loin possible de gros boulets d’acier qui vous retombaient inévitablement sur les orteils, ou encore pour une course à pied de grand fond, un marathon sans fin dans lequel vous finissiez invariablement par perdre votre chemin. Vous avez toujours pensé que les dites « épreuves sportives » portaient bien leur nom…

En bref, rien de glamour dans ces espadrilles-là, plus proches en ce temps-là de la chaussure orthopédique que du monde de la mode.

Vous avez découvert effarée, bien des années plus tard, que vos vieilles espadrilles ne s’appelaient nullement « espadrilles » ! En effet, cette dénomination, d’origine basque, est semble-t-il réservée aux chaussures de toile dont la semelle est composée d’une corde de jute tressée. L’élégante reine Letizia d’Espagne en raffole paraît-il et en impose même le port tout patriotique (faut bien amadouer les redoutables séparatistes basques !) à l’héritière du trône d’Espagne.

À votre grande stupéfaction, l’objet de vos tortures enfantines est devenu aujourd’hui un objet « iconique » de mode, selon la terminologie en vogue. Le premier choc vous a été porté à l’anniversaire de la toute mignonne fille de votre cousine. La maman, très élégante dans sa robe de grande marque, était étonnamment chaussée d’espadrilles – pardon de « baskets » – blanches et dorées, et ses copines, complètement sous le charme, lui demandaient toutes d’où elle les avait achetées ! Plus stupéfiant encore, au mariage très bobo-chic de la fille de votre meilleure amie, la mariée, ravissante dans sa robe en dentelle ancienne, était chaussée de « baskets » toutes simples qui auraient été, à votre avis, parfaites pour une partie de pêche !

Mais le summum a été atteint lorsque votre vieille tante Minerve, 85 ans bien sonnés et percluse de rhumatismes, s’est pointée au déjeuner de famille traditionnel de Pâques toute pimpante cette fois-ci, chaussée de baskets pailletées dernier cri ! Ça la repose paraît-il. Vous avez, on le sait, mauvais esprit. Vous pensez plutôt qu’elle est atteinte d’une crise aiguë de jeunisme.

On aura tout vu ! Vraiment tout !

Du temps où vous étiez encore une élève, dans votre vénérable collège de religieuses pour jeunes filles comme-il-faut, on appelait cela tout bêtement des « espadrilles » ou, plus vieillot encore, « des chaussures de sport ». Le modèle règlementaire imposé se devait d’être tout simple, sans fioriture aucune et obligatoirement blanc, l’école veillant farouchement à...

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