
Un Airbus aux couleurs de la MEA en plein vol. Photo Mohammad Yassine
C’est un débat enflammé qui revient pendant les fêtes et la haute saison. Sur les réseaux sociaux, des voyageurs libanais partagent leur colère concernant les prix des billets d’avion à destination ou au départ de Beyrouth.
Après une longue période de calme relatif, Covid oblige, l’année 2023 marque le retour de cette polémique chronique. Comme souvent, une partie non négligeable des commentaires vise la compagnie aérienne nationale libanaise, la Middle East Airlines, dont l’actionnaire majoritaire n’est autre que la Banque du Liban, via la société Intra Investment.
Pour beaucoup de Libanais de l'étranger, les prix des billets d’avion ont nettement augmenté par rapport aux années précédentes, et ceux de la MEA encore plus que les autres. En face, la direction de la compagnie aérienne nationale réfute la seconde de ces affirmations, mais reconnaît que les prix de ses billets ont bien gonflé « de près de 18 % depuis 2019 », année de référence de la période pré-Covid, tout en restant en dessous « de la moyenne des prix mondiaux ». La MEA précise aussi que ses tarifs n’ont augmenté que de 1 % cette année par rapport à 2022.
Le directeur commercial de la MEA, Marwan Haber, dans son bureau. Photo P.H.B.
Du côté des voyageurs
Contraints de revoir leurs plans de vacances ou même de les annuler, tous les voyageurs interrogés s’accordent sur le fait que les tarifs de la MEA ont considérablement augmenté cet été.
« Un aller Paris-Beyrouth à plus de 1 600 dollars à bord de la MEA, c'est irréaliste ! » Serge Zamora ne cache pas sa colère : ce jeune consultant en data, qui travaille entre Paris, Londres et Beyrouth, a dû retarder son retour le mois dernier en raison des prix élevés. « Air France offrait un billet similaire à environ 1 000 dollars à la même date, mais j’ai fini par rentrer à bord de Pegasus à la moitié de ce prix, ce qui reste quand même cher pour un vol avec escale », poursuit-il.
Cet été, plusieurs expatriés ont été privés de vacances au Liban. Tel est le cas de Omar Rajab, consultant en cybersécurité à Paris. « Cette saison estivale est différente des précédentes, lorsqu’un aller-retour coûtait environ 1 000 euros. Cette année, la MEA affichait en juin des billets de 2 400 euros pour un aller-retour entre le 19 juillet et le 20 août, ce qui équivaut, pour une famille de quatre membres, à 9 600 euros », déplore-t-il.
Pour le jeune homme de 23 ans, la cherté des billets revêt aussi une dimension politique. « La BDL détient 99 % des actions de la MEA (…). La majeure partie de l'argent ne revient donc pas au gouvernement, mais à des voleurs et à des corrompus », spécule le consultant.
S’il reconnaît que l’augmentation « significative » des prix des billets de la MEA est probablement liée à l’inflation, Sami Bou Chalhoub, trader franco-libanais basé à Londres, considère qu’ils sont malgré tout « anormalement élevés », même réservés plus de six mois à l’avance. « J’ai déboursé 530 dollars en août dernier pour acheter un ticket Londres-Beyrouth pour novembre 2022. Cette année, le même billet coûte 760 dollars, bien que réservé huit mois à l’avance », affirme-t-il.
En y regardant de plus près, le problème semble même davantage lié à la destination Liban qu’à la compagnie nationale. « Si on les compare à ceux d’un vol Paris-Tel-Aviv, séparés par une distance relativement similaire (environ 3 200 km), les prix des billets Paris-Beyrouth valent presque le double le jour même », dénonce Serge. Des chiffres vérifiés par L’Orient-Le Jour : consulté le 4 juillet, le site de la compagnie Air France offrait le 10 juillet un aller Paris-Beyrouth à 1 372 euros, contre 673 pour Tel-Aviv.
Facteurs divers et instant « T »
Du côté de la MEA, la direction maintient que les prix pratiqués par la compagnie aérienne nationale ne sont ni les meilleurs du marché ni les plus chers. Son directeur commercial Marwan Habr, que L’Orient-Le Jour a rencontré, met en avant les résultats obtenus en lançant une requête sur le meta moteur de recherche Skyscanner.
Les recherches ont été faites mi-juin. Pour un vol direct aller-retour reliant Paris à Beyrouth entre le 18 et le 26 juillet 2023, la MEA affichait un prix de 1 340 dollars maximum, un peu moins cher qu’Air France (1 350 dollars), et environ 100 dollars plus cher que les low cost Transavia et Pegasus (le premier passant par Orly, le deuxième aéroport parisien ; et le second imposant une escale de quelques heures à Istanbul). Marwan Habr a fait le même exercice pour L’Orient-Le Jour avec les mêmes paramètres pour un aller-retour reliant Dubaï à Beyrouth : la MEA se retrouve une nouvelle fois en milieu de tableau avec un billet à 470 dollars, meilleur marché qu’Emirates (590 dollars) que la low-cost Air Arabia (520 dollars) et pas beaucoup plus cher qu’une autre low-cost, Flydubai.
Contacté, le président de l’Association des agences de voyages et de tourisme au Liban (Attal) Jean Abboud est sur la même longueur d’onde et place les tarifs de la MEA en milieu de tableau. Il appelle également les voyageurs à prendre en compte les facteurs qui font évoluer les prix des billets pour une même destination.
« À l’instant T, il y en a 3 qui prévalent : est ce qu’il s’agit d’un vol direct ou non ; le timing, c'est-à-dire à quelle période de l’année et à quels horaires ; et enfin, le rapport entre l’offre et la demande », explique-t-il. « Pour donner un exemple, pour une même destination à une même période, le prix du billet pourra varier suivant la réservation que recherche le voyageur, c'est-à-dire si elle commence à la veille d’un week-end ou en début de semaine », explique-t-il encore. Un voyagiste souhaitant rester anonyme pour des raisons professionnelles indique de son côté que la demande cette année pour les trajets directs Paris-Beyrouth a été particulièrement élevée, ce qui explique, selon lui, la hausse spectaculaire des prix sur ce segment cet été. De manière générale, la fréquentation de l'Aéroport international de Beyrouth est en nette hausse par rapport à 2022, soit +23 % au premier semestre pour 3,17 millions de passagers enregistrés, dont plus de 51 % à l'arrivée, selon les derniers chiffres officiels.
Marwan Habr rappelle que les prix des billets sont généralement beaucoup plus élevés pendant la haute saison, que ce soit pour les voyages au Liban ou ailleurs. « À titre indicatif, on peut dire qu’ils peuvent facilement être de 40 et 50 % plus élevés en moyenne, mais cette proportion n'est pas gravée dans le marbre », confirme-t-il. Les professionnels de ce secteur ont en effet pour habitude de modifier les prix tout le long de l’année pour combler les pertes des périodes creuses avec les bénéfices générés pendant celles où la demande est forte.
Jean Abboud rebondit sur ce point : « Généralement, les compagnies aériennes mettent en vente un certain nombre de sièges pour un trajet donné un an à l’avance à un tarif réduit. Une fois que ces sièges sont vendus, ils commercialisent une seconde série à des prix plus élevés, et ainsi de suite. Pour une destination prisée, il est donc difficile de trouver des prix bon marché en s’y prenant trop tard, et les prix disponibles un jour peuvent disparaître des radars le lendemain. »
Hausse globale
Mais même en tenant compte de ces spécificités, les professionnels et experts du secteur aérien dans le monde reconnaissent depuis plusieurs mois déjà que les prix dans le transport aérien ont énormément augmenté, comparés à la période pré-Covid. En France, la hausse était de plus de 32 % en moyenne à fin avril, selon la Direction générale de l'Aviation civile de ce pays.
Les causes de cette hausse sont multiples, étant toutefois principalement liées aux conséquences du Covid-19 et du conflit russo-ukrainien qui ont impacté l’activité dans le transport aérien (restrictions de voyage, suspension de lignes aériennes ou encore hausse des prix du carburant), mais qui ont aussi perturbé les chaînes d’approvisionnement au niveau mondial.
« D’un côté, la demande est plus forte qu’attendu », explique Marwan Habr, indiquant que le trafic devrait retrouver le niveau de 2019 dès le premier trimestre de l’année prochaine au lieu de 2025, comme initialement projeté par l’IATA. « En face, l’offre n’a pas suivi », poursuit-il, évoquant notamment les retards de livraison d’appareils. « Et pour conclure, les coûts des compagnies aériennes ont augmenté à cause de l’inflation mondiale qui ne s’est pas limitée au carburant », conclut-il. .
Le cadre cite notamment des hausses au niveau des redevances de survols imposées par les pays, des frais de manutention dans les aéroports, des coûts de maintenance, des services de restauration à bord et d’assurances, des salaires du personnel navigant ou au sol, etc. Tous ces éléments ainsi que la marge de la compagnie sont pris en compte pour le calcul du prix du billet. Selon Marwan Habr, le coût du carburant et les frais de manutention pèsent à eux seuls près de la moitié du prix.
Enfin, ultime facteur à prendre en compte pour expliquer la hausse actuelle : le fait que les compagnies aériennes ont accumulé entre 2020 et 2022 près de 190 milliards de dollars de pertes à cause de l’arrêt quasi total de l’activité suite aux restrictions adoptées mondialement pour lutter contre le Covid. Certaines ont vécu sur les réserves de leurs actionnaires, comme c’est le cas dans le Golfe, d’autres ont bénéficié d’aides massives de leurs États qu’elles ont dû rembourser, à l’image d’Air France-KLM, qui a fini de rendre au printemps dernier 3,6 milliards d’euros d’aides de l’État français.
Vous avez oublier de rappeler les gros déboires de la MEA ! La veille du confinement, pour rappatrier les libanais, ils ont doublé les prix des vols en prétextant de laisser des sièges vides par sécurité sanitaire, et les passagers ont découvert un vol blindé une fois sur place. Sans oublier l'incident sécuritaire du pilote poursuivi par des avions de chasse, ainsi que les repas périmés ... Pour tout cela, depuis 2020 je ne mets plus un doigt sur leurs vols. Transavia et Air France pour les Paris-Beyrouth sont excellents, et au moins leur argent ne va pas dans les poches de la famille Hout !
11 h 31, le 19 juillet 2023