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Culture - Festival de Baalbeck

Al-Kindi réenchante les cœurs

Malgré la crise qui exacerbe toutes les sensibilités, le public libanais est venu nombreux, dimanche 2 juillet, assister à une messe mystico-religieuse peu conventionnelle en présence des derviches tourneurs de Damas.

Al-Kindi réenchante les cœurs

Avec la danse extatique des derviches tourneurs de la confrérie soufie mawlawiyya, Al Kindi offre un spectacle d’une grande spiritualité et d’une musicalité exaltante. Press Photo Agency

Il est 20h en ce dimanche 2 juillet à Baalbeck. Les appels à la prière retentissent à la tombée du jour, tandis que des lumières bleutées et orangées distillent une atmosphère allégorique sur les marches du temple de Bacchus, dédié au vin et à l’extase à l’époque antique grecque.

« Buveur de vin, buveur d’amour », entonne un des virtuoses des « qudud» alépins de l’ensemble de musique soufie al-Kindi, déjà accueillis à Baalbeck en 2000 et 2003. S’ensuivent les pièces du nouvel album Transe soufie des derviches tourneurs de Damas, sorti en 2023 pour célébrer les 40 ans d’al-Kindi, mais surtout rendre hommage à Julien Weiss, fondateur du groupe, décédé en 2015 des suites d’un cancer.

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En dépit de l’atmosphère lourde et hostile qui plane ces temps-ci sur les relations entre les deux pays et les deux peuples, le public libanais est venu en nombre ce soir-là pour entendre la quintessence de l’art musical syrien porté par les chants soufis de l’hymnode damascène, le cheikh Hamed Daoud, et voir les fascinants derviches tourneurs de la grande mosquée des Omeyyades de Damas.

À contre-courant
En 1983, lorsque Julien Weiss (qui ne s'appelait pas encore Jalaleddine) fonde un petit trio de musique arabe traditionnelle qu'il baptise du nom d'al-Kindi, en hommage au grand philosophe, mathématicien et théoricien de la musique, Abou Youssouf al-Kindi, il n’imagine pas que, quarante ans plus tard, ce nom deviendrait celui d’un des meilleurs ensembles de musique arabe, une référence du genre mystico-religieux.

Avec ses compagnons de route, Ziad Kadi Amin, de Damas, au nay (flûte en roseau), Mohammad Qadri Dalal, d’Alep, au oud, et Adel Chamseddine, d’Alexandrie, au riqq (percussion à cymbalettes), l’ensemble n’a cessé d’explorer les richesses de la musique arabe classique dans l’espoir de propager l’idée de coexistence pacifique entre les peuples.

La quintessence de l’art musical syrien, porté par les chants soufis de l’hymnode damascène Cheikh Hamed Daoud, et les derviches tourneurs de la Grande Mosquée des Omeyyades de Damas. Press Photo Agency

Sous la direction musicale de Adel Chamseddine et autour du noyau d'origine, un nouvel ensemble s'est formé avec, comme voix soliste, le cheikh Hamed Daoud, hymnode de la grande mosquée des Omeyyades de Damas, et la Tunisienne Khadija el-Afritt au qanun, auxquels se sont joints deux choristes, Dia' Daoud et Mohammad Hussam Takrori.

Transe soufie des derviches tourneurs de Damas (2023) est le premier album de l’ensemble al-Kindi depuis la disparition de Julien Jalaleddine Weiss, mais aussi le premier opus du cheikh Hamed Daoud. Héritier de la tradition transmise par son père, le grand chantre Suleiman Daoud, il interprète avec une parfaite maîtrise vocale le répertoire de la liturgie soufie de Damas.

Avec la danse extatique des derviches tourneurs Hatem et Yazan al-Jamal de la confrérie soufie Maoulawiyya, présente à la grande mosquée des Omeyyades, al-Kindi offre un spectacle d’une grande spiritualité et d’une musicalité exaltante.

« Buveur de vin, buveur d’amour » entonne un des virtuoses du qudud alépin de l’ensemble de musique soufie Al-Kindi. Press Photo Agency

Les pièces de « wasla » s'enchaînent comme autant de tableaux, entraînant le public dans un voyage poético-musical, entre prière, invocation et chant de louange à Allah et Son Prophète. La présence féminine de Khadija el-Afritt, joueuse de qanun tunisienne, occupant la place de feu Julien Weiss, dans un répertoire traditionnellement interprété par des hommes, manifeste la volonté du groupe de donner la priorité à la maîtrise et à l’inventivité plutôt qu’aux règles fixées par la tradition.

Entre profane et religieux
Baptisée « derviches tourneurs » en Occident, la confrérie mystique sunnite des soufis Maoulawiyya a été fondée par le grand poète persan Jalal el-Din el-Roumi (1207-1273) à Konya, en Anatolie, et se perpétue de père en fils depuis des générations. Affiliés à la grande mosquée des Omeyyades, les Maoulawiyya reprennent au sein de leur « takiyya », centre de confrérie, l’art musical damascène des « wasla » (suites) et des « maqâm » (modes), accompagnés de rythmes originaux.

L’ensemble Al-Kindi a fait revivre au public du Festival international de Baalbeck des émotions intenses, magnifiées par la danse extatique des derviches. Press Photo Agency

Cependant, leur rituel ne peut être interprété dans les mosquées où l'instrumentarium est interdit, sauf pour les percussions, généralement jouées dans les cours. Certaines grandes mosquées, comme celle des Omeyyades de Damas, possèdent un répertoire vocal particulier, composé de suites sacrées appelées naouba. Généralement accompagnés d'un chœur masculin (bitâna), les récitants interprètent le samaa’ (concert sacré) en intégrant des extraits du répertoire de la grande mosquée, des rituels d'invocation de Dieu (dhikr) et des extraits de la Nativité du Prophète (mawlid).

Leur sereine expressivité (hiss), subtilement inventive et réglée rythmiquement de manière rigoureuse, mène progressivement l’assemblée vers la transe (inkhitâf) ou la méditation (ta'ammul). C'est ainsi que l’ensemble Al Kindi a fait encore une fois vivre au public du Festival international de Baalbeck des émotions intenses, magnifiées par la danse extatique des derviches. 

Il est 20h en ce dimanche 2 juillet à Baalbeck. Les appels à la prière retentissent à la tombée du jour, tandis que des lumières bleutées et orangées distillent une atmosphère allégorique sur les marches du temple de Bacchus, dédié au vin et à l’extase à l’époque antique grecque.« Buveur de vin, buveur d’amour », entonne un des virtuoses des « qudud» alépins de...

commentaires (1)

Merci pour cet article si descriptif, que l'on se sent faire partie de la soirée magique, et pour la traduction des termes en Arabe; vous suis bien reconnaissante.

Irene Souki

17 h 04, le 04 juillet 2023

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Commentaires (1)

  • Merci pour cet article si descriptif, que l'on se sent faire partie de la soirée magique, et pour la traduction des termes en Arabe; vous suis bien reconnaissante.

    Irene Souki

    17 h 04, le 04 juillet 2023

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