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Nos Lecteurs ont la Parole

Le Canada, le Liban, un tour de vie et moi !

Le Canada, le Liban, un tour de vie et moi !

Le vieux port de Montréal. Photo d’illustration Bigstock

En hommage et en remerciements au Canada, mon pays d’accueil, ma lettre à mon amie Josée est écrite dans la langue de chez nous, le québécois.

Bonjour ma Josée ;

Ça fait un bout que je ne t’ai pas écrit, alors je me déguédine. On n’est pas sorti du bois par icit. L’envie d’accrocher tes patins et te dire c’est fini. On a beau s’astiner, on est accotés au pied du mur et, faute de pain, on mange la galette !

T’sais on a eu les élections législatives, une vraie bâdrie ! Les bafouilleux bagoulards sont sortis de leurs tanières pour nous mettre plein la vue avec leurs affiches colorées qui poussent comme des mauvaises herbes, une vraie compétition de qui aura les plus grosses pancartes avec les dents ben séchées. Un défilé de têtes enflées qui te regardent d’la haut avec leurs beaux costumes bien repassés. Y sourient tellement qu’on dirait qu’y vont éclater à tout moment. Pis, ils sont montés sur leur estrade avec leur air de bœuf et se sont mis à jaser ! À peine tu comprends c’qu’y disent avec leurs expressions creuses.

On s’est bien adonné, cette journée-là ! On était en masse de bonne heure sul’piton. Y’avait des files d’attente interminables, des bulletins de vote, pis des isoloirs où on se sentait pris comme dans un confessionnal. Pis, on sait jamais si notre vote a vraiment compté, parce qu’au bout du compte, rien n’a changé ! Ceux qui sont élus continuent de nous niaiser ! Figure toé, ils rempironnent au lieu de s’emmieuter.

Toujours pas de président de la République, de quoi se pitcher les murs !

On s’est fait encore passer un sapin. 128 copains étaient ben là, ils ont eu une montée de lait, ont chahuté, mais ils ont fini par s’y perdre ! Le 128e a disparu ! Ils l’ont cherché en vain dans tous les coins ! Il a dû se faire graisser et revirer de capot. Et pis on perd une voix et la voie. Alors le boss des bécosses est monté sur les rideaux et a tourné le dos. Impossible de lui calmer l’pompon. Les autres ont continué à parler à travers leurs chapeaux. Chez nous, chacun tire la couverture de son bord et nous, on se fait crosser en masse. C’est tous des épais écornifleurs qui chient la broue à pleine gueule. À chaque réunion parlementaire, on s’énerve le poil de la jambe inutilement. Ils nous prennent pour des valises, se fichent de nous comme de l’an quarante et concluent des bargagnes entre eux. C’est pas comme chez vous. Chez vous tout est si drette.

Pis les scandales. Y’en a tellement chez nous qu’on pourrait les collectionner. Corruption, fraude, abus... Nos chums ministres ont toujours une excuse bien rodée à nous servir. Il paraît qu’ils vont bientôt coffrer le gros bonnet qui va tous les balancer…

De nos salaires ? C’est à manger de la misère ! Viens-t’en par icit voir ces petites aumônes qu’on nous jette comme des miettes de pain. C’est un peu comme si on nous demandait de courir un marathon avec une jambe attachée dans le dos. D’abord, faut dire qu’on se fend le cul pour des peanuts, des salaires qui feraient pleurer une mouche affamée. On ne sait plus comment on est payé, tantôt avec des dollars frais comme une belle morue, tantôt avec des piastres libanaises pourries comme de la viande d’âne avariée. Alors avec ça on peut acheter juste une gomme avec la ficelle qui va avec ! On se sert donc les cordeaux, que veux-tu qu’on y fasse !

De l’explosion du port de Beyrouth ? Astie, ça nous pogne au cœur encore... C’t’un peu comme si on avait été touchés en plein cœur, même si on est à des milliers de miles de là. C’était une bombe, mais pas de celles qui font boum dans les films de ti-gars à Hollywood. C’était une bombe de négligence, de corruption et de malveillance pis de malchance qui a fait trembler jusqu’au chez vous.

Câlisse, faut dire que les images étaient choquantes. On aurait dit un film de science-fiction, une marde apocalyptique s’était abattue sur la ville. Il y’avait pas de super-héros pour sauver la mise, juste des gens ordinaires qui se sont retrouvés pris au piège d’une tragédie sans nom. De quoi virer à l’envers ! Pis là, les théories toutes croches y’en a eu en masse ! Y’a ceux qui disent que c’était un attentat, d’autres qui pointent du doigt l’insouciance des autorités et y’en a même qui parlent de l’implication d’extraterrestres ! On en a plein notre casque ! Y’a toutefoé une réalité claire : les victimes. Les innocents qui ont perdu la vie, les blessés qui se sont retrouvés dans la marde et les familles qui ont été déchirées. C’est un drame humain, des vies qui s’éteignent, des rêves qui s’envolent et des cœurs qui se brisent. L’explosion du port de Beyrouth, c’est une affaire sale qui ne tourne pas rond. Et puis le chat n’est pas encore sorti du sac trois ans après ! On est mélangé comme un sac de clous pour cette affaire cit. Chez vous, vous aurez fait tout un plat d’enquêtes, accouché de commissions de vérification. Vous aurez bourrassé haut et fort sans chier des briques sans avoir peur. Vous aurez mis des gars derrière les barreaux. Chez vous, les crimes sont punis. Vous êtes intelligents, vous n’êtes pas tombés de la dernière averse. Nous autres on devient épais comme des dictionnaires. Il commence à nous manquer des roues dans le cadran. On est tous en beau joual vert !

Et, depuis l’explosion du port et les réfugiés syriens qui campent toujours chez nous, les ONG poussent comme des champignons : ces champions du monde de la bureaucratie humanitaire et du gaspillage de ressources continuent de boulacrer ! C’est comme s’ils se disputent la médaille d’or du « rien faire en beauté » ! Pis faut pas oublier leurs budgets. Des ONG, y brassent des milliards de dollars. Y reçoivent des subventions, mais on se demande bien où tout cet argent finit par atterrir. On dirait qu’y sont les spécialistes de l’art de noyer le poisson dans un océan de paperasse. Ça fait du bruit, mais ça avance pas vraiment ! C’est un peu comme des illusions d’optique. Ça a l’air impressionnant au premier abord, mais quand on regarde de plus près, on se rend compte que c’est du cacassement.

Sinon, c’est le temps des mariages chez nous. Tout un show ! Pas juste une cérémonie intime dans un coin tranquille, non, c’est un spectacle grandiose où l’argent coule à flots pis les strass brillent comme des étoiles ! Faut parler des invitations : « Viens-t’en, tu vas voir de quoi on a l’air drette icitte ! » Juste pour te faire retrouver les quatre fers en l’air ! Et la robe de la mariée, faut qu’elle soit aussi bling-bling que possible ! Des cristaux à profusion, une traîne qui fait deux fois le tour de l’église, pis des perles qui pendouillent comme des cloches à vache. Faut que la mariée brille de mille feux, même si elle est plus capable de bouger. Et la réception, ben ça se passe dans un palace cinq étoiles avec des serveurs qui s’la pètent pis des plats qui ont plus de zéros dans le prix que dans le nombre de calories ! La cerise sur le sundae ? Un gâteau de mariage plus haut qu’une tour Eiffel ! Chez nous on beurre épais ! Au final, une véritable revue de variétés avec un spectacle de feux d’artifice qui te brûle les rétines. Les invités, habillés à neuf, tous très parés ! Pis évidemment, y’ont toujours des tireurs de portrait pour photos à poster sur Instagram pour te rappeler combien ta vie est insignifiante ! C’est too much, pour un pays qui vit sous le seuil de la pauvreté !

Malgré les apparences, on badtrippe dans l’pays. On est toujours coincé par l’intolérance, le fanatisme aveugle, la violence. Chez vous, c’est différent, pas à peu près. Vous vivez de tolérance, du respect de la différence, Dieu est parmi vous. Chez nous, Il n’est plus là. Et puis chez nous, on est de vrais licheux, alors tantôt on est France, tantôt on est États-Unis, maintenant c’est tantôt la Russie ou l’Ukraine, la Chine, l’Arabie ou l’Iran.

Ma flo est rentrée chez nous avec un diplôme gros comme un œuf. Elle a grandi icit, elle aime le pays. Elle veut bosser icit. Mais chez nous, ça sera une astie d’étrangère et des étrangers on n’en veut pas toujours par ici. Moi, j’peux rien faire ! Une femme ne transmet pas la citoyenneté à son enfant. Chez vous, un enfant a la citoyenneté de sa mère, celle qui l’a porté dans ses entrailles. Il peut même porter son nom…

L’amour ? Oublie ça ! Des pas cent watts pantout qui courent la galipote. T’as des têteux morons, des tarlà, des branleux, des têtes à papineau qui veulent t’achaler avec des leçons en montant sur leurs grands chevaux... ou encore les married but available, des sorteux qui te chantent la pomme, qui veulent changer d’air, histoire de s’amuser… Ils te font bretter ton temps. C’est tous des sans dessein à faire pitié ! Des diseurs de rien ! C’est ben de valeur !

Allez ma Josée, je me suis éclatée en t’écrivant, mais je crois cailler. Je vais canter.

J’ai oublié de te dire, bonne fête du Canada !

Je te donne plein de becs.

À tantôt.

Carole Georges CHELHOT

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

En hommage et en remerciements au Canada, mon pays d’accueil, ma lettre à mon amie Josée est écrite dans la langue de chez nous, le québécois.Bonjour ma Josée ;Ça fait un bout que je ne t’ai pas écrit, alors je me déguédine. On n’est pas sorti du bois par icit. L’envie d’accrocher tes patins et te dire c’est fini. On a beau s’astiner, on est accotés au pied du mur et,...

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