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Culture - Entretien

Dans les pas de Roberto Bolle, le danseur étoile italien qui inaugure Baalbeck

Discipline de fer, corps d’acier et une passion viscérale pour la danse. La star qui donne le coup d’envoi, samedi 1er juillet, du prestigieux festival niché au cœur du temple du soleil dans la Békaa se confie à « L’Orient-Le Jour » lors d’un entretien téléphonique.

Dans les pas de Roberto Bolle, le danseur étoile italien qui inaugure Baalbeck

Le danseur privilégie la grâce et l’émotion. Photo Tiziano Ghidorsi

Il vient d’atterrir à Milan après un séjour de deux semaines à Buenos Aires. Au bout du fil, malgré la fatigue qui érafle sa voix, Roberto Bolle fait preuve d’une civilité extrême. Il se prête avec grâce au jeu des questions-réponses, mais garde une courtoisie qui frise un tantinet la langue de bois. Oui, il est content de rentrer, même s’il a beaucoup apprécié le dépaysement et l’accueil chaleureux que lui a réservé le public argentin.

Au bout de quelques minutes de conversation anodine, la star est enfin amadouée. Les cordes vocales se détendent, un rire communicatif fuse.

On imagine ses longues jambes étendues… Non, pas étendues, Bolle est italien, et au pays de Federico Fellini, les hommes maîtrisent à la perfection la pose des jambes croisées.

« J’ai hâte de me rendre au Liban, avance-t-il, la main sur le cœur. J’ai beaucoup entendu parler de Beyrouth, j’ai vu plein de photos, j’ai des amis libanais, aussi, donc je connais un peu déjà… »

Si le pays a des charmes touristiques et culturels indéniables, c’est surtout le site antique de Baalbeck, qui va accueillir le samedi 1er juillet son spectacle de danse, qui l’attire comme un aimant. Celui qui a illuminé les scènes de tous les grands théâtres, y compris le Mariinsky, le Royal Opera House et le Met, et qui s’est produit avec son gala Roberto Bolle and Friends dans des lieux exclusifs – comme le Colisée à Rome, la place Duomo à Milan, la place Plebiscito à Naples, la place Saint-Marc à Venise ou les thermes de Caracalla – contient à peine sa joie de fouler les marches du temple de Bacchus. Cette soirée, présentée sous les auspices de l’ambassade d’Italie au Liban et de l’Institut culturel italien, ferait ainsi un magnifique nouvel ajout à son tableau de chasse.

« Roberto Bolle and Friends est un gala reprenant le meilleur de la danse classique et contemporaine », résume le danseur italien avec son accent chantant. Son spectacle parcourt la planète depuis l’an 2000 et, comme son nom l’indique, il invite à chaque fois des vedettes internationales du monde du ballet, ainsi que des musiciens, à partager l’affiche. En plus d’interpréter certains morceaux, Bolle choisit lui-même les autres danseurs. Il sélectionne également les lieux, en vue d’amener le ballet « dans des endroits que personne n’aurait imaginé pouvoir utiliser comme parfait décor pour accueillir la danse ».

Son spectacle est ensuite diffusé le soir du réveillon sur la télévision Rai Uno, devant 4 millions de téléspectateurs. Bientôt une rediffusion sur les plateformes numériques ? « Je suis très ouvert à cette possibilité, ces médias sont aujourd’hui très importants et à considérer pour aider à la promotion de l’art de la danse. »

Outre sa volonté de démocratiser la danse, Roberto Bolle souhaite également démontrer à travers son spectacle itinérant comment cet art, bien que fugace et éphémère, fait autant partie du tissu de nos vies que les espaces dans lesquels il est exécuté.

« Lorsque j’ai commencé à danser il y a 40 ans, il n’était pas commun qu’un garçon fasse du ballet. Aujourd’hui, l’idée est mieux acceptée. Les médias traditionnels et les réseaux sociaux ont beaucoup aidé dans cela. C’est bien que la culture ait changé », soupire le danseur.

« Laissons-le essayer, il va sans doute se lasser »

Roberto Bolle s’en souvient comme si c’était hier. C’est le jour où, à l’âge de 7 ans, celui qui est né le 26 mars 1975 à Casale Monferrato, dans la région du Piémont, exprime haut et fort sa volonté de s’inscrire à un cours de danse classique. Ses parents accueillent la nouvelle sans grand enthousiasme. « Mes parents n’étaient pas issus d’un milieu artistique, mais ils n’ont pas objecté. Ils ont dû se dire : laissons-le essayer, il va sans doute se lasser dans quelques mois. » À l’époque, le petit Roberto suit également des cours de natation plusieurs fois par semaine, et pratique d’autres activités sportives qui remplissent un emploi du temps très chargé.

Il fait ses premiers pas de deux à l’école de danse de son village, puis, deux ans plus tard, fréquente une académie dans une ville voisine. À partir de là, les choses progressent rapidement.

À l’âge de 12 ans, il rejoint l’école de ballet de la Scala de Milan. Et là, le chemin devient très clair. Trois ans plus tard, le légendaire Rudolf Noureev donne à Bolle le rôle de Tadzio dans Mort à Venise. Le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.

Bolle reconnaît toutefois avec le recul que « le ballet est incroyablement éprouvant physiquement et psychologiquement, ce qu’un enfant de dix ans ne peut pas savoir ». Avec cela, il estime qu’il est essentiel de commencer très tôt.

« On apprend tôt à faire des sacrifices. Et on apprend le sens du mot. À 12 ans, j’ai déménagé seul à Milan, loin de ma famille. J’ai sacrifié mon temps, une partie de ma vie, pour atteindre un idéal.

Certains jours étaient très difficiles, et le doute s’est maintes fois installé. »

La charge de travail est intense et implacable.

C’est un travail d’ascète. La star admet que la pression psychologique de la formation au ballet peut être aussi intense que le stress physique, si ce n’est plus.

« Vous savez, le niveau auquel je veux me maintenir exige beaucoup d’efforts et de discipline. De moi-même, mais aussi des gens qui m’entourent. Ils sacrifient du temps et de l’énergie pour me mettre dans les meilleures conditions.

C’est à la fois stimulant et difficile pour tout le monde. Mais c’est à ce prix qu’on réussit », affirme Bolle. Pour lui, la discipline vient avec la passion.

Il est vrai qu’il y a ce mythe selon lequel les danseurs cherchent à atteindre la perfection, quitte à s’y brûler les ailes, parfois.

« C’est vrai, acquiesce l’artiste, il y a cette recherche de l’idéal, nous savons toutefois qu’il n’est pas possible d’atteindre la perfection. Il y aura toujours quelque chose qui nous rend insatisfaits. Si vous pensez que vous pouvez atteindre la perfection, alors vous serez constamment frustré. Le plus tôt on apprend cette leçon, le mieux c’est. »

Pour Bolle, quand on est jeune, « on veut apprendre la technique à la perfection.

Mais plus on avance, plus on réalise que dans cette forme artistique, le plus important, c’est l’émotion. De pouvoir faire de son mieux – en faisant parfois des erreurs –, mais de donner le mieux de soi, d’atteindre le public avec la classe, l’élégance et le cœur. Voilà l’essence de la danse ».

L’artiste envisage son art comme une leçon de vie. « Il vous apprend que le travail assidu au quotidien vous permet d’atteindre quelque chose de grand. »

Car le monde du ballet classique peut être extrêmement gratifiant pour celles et ceux qui y excellent, comme Roberto l’a fait, lui qui a dansé sur les plus grands ballets, pour les plus grands et dans les plus grandes salles.

Le danseur étoile italien Roberto Bolle. Photo Andrej Uspenski

Étoile à Milan et premier danseur à New York

Nommé étoile en 2004 à la Scala, il a en effet dansé dans les plus grands théâtres du monde avec les plus prestigieuses compagnies (l’American Ballet Theatre qui l’a nommé premier danseur en 2009, l’Opéra national de Paris, le Bolshoi Ballet, le Mariinsky-Kirov Ballet et le Royal Ballet).

Il a campé les héros du ballet comme le prince Désiré de La Belle au bois dormant, Siegfried du Lac des cygnes, l’Albrecht de Giselle sans oublier pour autant le répertoire contemporain.

Bien évidemment, les scènes du monde entier se l’arrachent. Il s’est produit à l’Opéra national de Paris, au Royal Opera House de Londres, à Berlin, Vienne, Munich, Tokyo, au Bolshoi de Moscou… et a intégré la troupe de l’American Ballet Theater comme premier danseur.

Pendant 10 ans, de 2009 à 2019, il tiendra ce rôle en même temps que celui de danseur étoile à la Scala de Milan. Comment est-il arrivé à concilier les deux responsabilités ?

« D’abord, il faut savoir que les deux pays sont très différents. Et j’ai beaucoup appris de ces deux expériences.

La manière de danser, de penser la scène, la pression, les conditions sont beaucoup plus difficiles aux États-Unis. En Europe, il y a des répétitions sur scène, avec les costumes, avec l’orchestre. Aux États-Unis, l’ABT ne possède pas de théâtre. Nous avions à peine le temps de faire une répétition in situ durant la journée avant d’ouvrir le spectacle le soir même. »

« Aux États-Unis, il faut être très brave », avoue le danseur en riant. Parmi ses succès, son interprétation de Roméo dans Roméo et Juliette, pour lequel il fut primo ballerino (premier danseur). « Roméo, c’est le rôle de mes débuts en tant que danseur principal. Il y a tout dans ce rôle : la passion, la tragédie, l’amour. » Dix ans plus tard, il a campé Armand dans La Dame aux camélias. « J’avais plus de maturité. J’étais capable de mieux découvrir toute la passion, l’émotion, et j’ai toujours aimé ces rôles qui ont un large éventail d’émotions. »

Récemment, il dit avoir beaucoup apprécié son rôle dans Onegin, plus noir, et qui demande plus de maturité.

En piochant dans les moments forts de sa carrière, il cite également sa collaboration avec le Ballet Bejart Company à travers le Boléro de Ravel.

Les accomplissements de la star italienne transcendent le milieu de la danse : en 1999, il est désigné ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef puis, treize ans plus tard, il est honoré du titre de Cavaliere dell’Ordine al Merito della Repubblica italiana pour sa contribution à la vie culturelle de son pays.

En 2015, Bolle publie un étonnant livre de photographies intitulé Viaggio nella bellezza (Voyage au cœur de la beauté). Dans cette magnifique collection d’images, le corps de Bolle semble presque faire partie des monuments les plus emblématiques d’Italie.

L’année dernière, des rumeurs ont circulé sur une éventuelle intention de sa part de prendre sa retraite de la scène. Il roucoule. La question l’amuse, mais l’agace un peu aussi. « Je ne veux pas prendre ma retraite ! » lance-t-il.

« Je me considère très privilégié. Le corps que j’ai reçu est un grand cadeau, mais j’ai la chance de pouvoir choisir mon propre répertoire et les rôles que j’aime danser. Les rôles que j’ai joués à 20 ans, je ne veux pas les rejouer aujourd’hui. Je veux danser des rôles plus intéressants, qui demandent plus de maturité. »

« I am happy to go on until I can’t (Je suis content de poursuivre la danse jusqu’au moment où je ne le pourrai plus) », conclut-il en riant.

Samedi soir, il réserve aux festivaliers de Baalbeck un programme métissé de ballet classique et de danse contemporaine.

Il cite à titre d’exemple le Don Quichotte de Ludwig Minkus sur une chorégraphie de Marius Petipa, avec les danseurs Liudmila Konovalova et Bakhtiyar Adamzhan. Ou encore la Sinatra Suite chorégraphiée par l’Américaine Twyla Tharp.

Bref, un spectacle sur ses pas et son parcours, entre l’Europe et les États-Unis, et qui devrait ravir à la fois les néophytes et les plus exigeants.

https ://www.facebook.com/BaalbeckInternationalFestival/videos/roberto-bolle-at-baalbeck-international-festival-2023/919504655946098/

« Roberto Bolle and Friends » : le programme du 1er juillet

Alma porteña

Chorégraphie : Massimiliano Volpini

Musique : Astor Piazzolla

Artistes : Anna Tsygankova, Roberto Bolle

Solo violon : Alessandro Quarta

Don Quixote

Choréographie : Marius Petipa

Musique : Ludwig Minkus

Artistes : Liudmila Konovalova, Bakhtiyar Adamzhan

Les Indomptés

Chorégraphie : Claude Brumachon

Revisitée par : Benjamin Lamarche

Musique : Wim Mertens

Artistes : Roberto Bolle, Travis Clausen-Knight

Esmeralda

Chorégraphie : Marius Petipa

Musique : Cesare Pugni

Artistes : Yolanda Correa, Ricardo Castellanos

In your black eyes

Chorégraphie : Patrick de Bana

Musique : Ezio Bosso

Artiste : Roberto Bolle

Dying Swan

Chorégraphie : Michel Fokine

Musique : Camille Saint-Saëns

Artiste : Liudmila Konovalova

Sinatra Suite

Chorégraphie : Twyla Tharp

Musique de Frank Sinatra avec appréciation au Sinatra Enterprises et la Fondation Frank Sinatra

Costume original par Oscar de la Renta

Artistes : Anna Tsygankova, Roberto Bolle

« I »

Chorégraphie : Philippe Kratz

Musique : Soundwalk Collective

Artistes : Casia Vengoechea, Travis Clausen-Knight

Sphere

Chorégraphie : Mauro Bigonzetti

Music : Alessandro Quarta

Artistes : Roberto Bolle

Violon solo : Alessandro Quarta

Lumière : Valerio Tiberi

Billets en vente sur Virgin Ticketing.

Il vient d’atterrir à Milan après un séjour de deux semaines à Buenos Aires. Au bout du fil, malgré la fatigue qui érafle sa voix, Roberto Bolle fait preuve d’une civilité extrême. Il se prête avec grâce au jeu des questions-réponses, mais garde une courtoisie qui frise un tantinet la langue de bois. Oui, il est content de rentrer, même s’il a beaucoup apprécié le...

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