De passage à Beyrouth, William Bourdon, fondateur de l’association Sherpa, a indiqué mercredi que le procès en France du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, pourrait débuter dès l’année prochaine.
L'association française de lutte contre la corruption avait déposé, avec le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban, une plainte contre X devant la justice française en mai 2021 pour soupçons de blanchiment, recel et association de malfaiteurs. « L’instruction judiciaire française en cours est assez rapide. Elle pourrait s’achever vers la fin de l’année, avant que s’effectue, dès 2024, une ordonnance de renvoi devant le tribunal compétent », a précisé Me Bourdon, lors d’une conférence de presse organisée à la Maison de l’avocat par le bâtonnier de Beyrouth, Nader Gaspard, et la Commission de protection des droits des déposants (CPDD) au sein de l’ordre.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Me Bourdon a estimé que le cours de l’enquête ne serait pas ralenti par une permutation prochaine de la juge d’instruction en charge du dossier, Aude Buresi, qui serait remplacée par une autre magistrate.
« Mafia d’État »
Sur l’effet judiciaire de la non-comparution de M. Salamé devant la justice française – le gouverneur ayant été interdit de voyager le 24 mai dernier par l’avocat général près la Cour de cassation, Imad Kabalan –, le fondateur de Sherpa a déclaré que « le procès devrait se dérouler en présence de ses avocats, et le jugement serait rendu in absentia ». En cas de condamnation, les biens saisis par la justice (120 millions de dollars) seraient alors confisqués, selon l'avocat. « Ces biens seraient versés au Liban, en vertu d’une loi française d’août 2021, qui organise les modalités de restitution aux populations appauvries par l’acquisition de biens illicites par des personnes ayant des mandats publics », a-t-il ajouté.
Pour sa part, Amélie Lefèvre, qui accompagnait son confrère, a indiqué que « la récupération de la valeur de ces biens est toutefois soumise à la condition que l’État libanais mette en œuvre des projets dédiés à l’amélioration de la vie des Libanais ». Dans ce cadre, le président de la CPDD, Karim Daher, a déploré qu’« un fond souverain pour la restitution des fonds, créé par la loi libanaise 214/2021, attend toujours sa mise en œuvre ».
Lanceurs d’alerte
William Bourdon a par ailleurs indiqué à L'OLJ que Sherpa étudiait la possibilité de déposer plainte contre plusieurs établissements bancaires libanais présents en France – l'ONG ayant déjà attaqué, fin 2022, la filiale française de Bank Audi pour complicité d’organisation frauduleuse d’insolvabilité. « Des filiales de banques sont soupçonnées d’avoir falsifié des écritures comptables pour masquer le transfert massif de capitaux à l’extérieur du Liban », a-t-il expliqué. « Nous préparons également des recours contre des têtes d’affiches », a-t-il ajouté, en référence à des personnes ayant des mandats publics, qui seraient impliquées dans des flux financiers illicites. « Le temps n’est plus l’allié des membres de la mafia d’État et de la voyoucratie. »
Me Bourdon a exhorté toute personne qui détient des informations utiles pour la lutte contre la corruption, à coopérer avec la plateforme de lanceurs d'alerte ALB-Alerte Liban. « Notre plainte contre Riad Salamé avait été fondée sur des informations autour de son patrimoine, recueillies sur la plate-forme », a-t-il indiqué, insistant sur les garanties d’anonymat offertes aux usagers.
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La justice est lente partout, c’est à peu près normal, mais lorsqu’une seule personne détient tant de leviers de pouvoir comme la présidence du Conseil central de la Banque du Liban, la Commission bancaire supérieure, la Commission spéciale d’enquête sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et l’Autorité des marchés de capitaux ainsi qu’être membre du conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international (FMI) et du Fonds monétaire arabe (FMA). Et comme cette personne a été nommé à tous ces postes par divers gouvernements successifs depuis les années 90, l’on peut s’attendre à quoi ?
TrucMuche
17 h 54, le 23 juin 2023