Quelle chance inouïe que d’être libanais en 2023 ! Une République déglinguée, une classe politique dont la corruption le dispute à l’ignorance et gagne, une chambre d’enregistrement pompeusement appelée Parlement et infoutue de mettre bas un président de la République par une claire et franche élection… Tout cela pendant que l’épargne des Libanais est coupée à la hache, que la population est mise à la diète et que le pays vagit sous le poids de la crise.
Pour l’heure, les couteaux sont tirés et ça halète sec pour savoir qui du vieux briscard Franju ou du Bleu Azour ira pendre la crémaillère au Château. Premiers à grimper sur les rideaux, les sous-fifres du Parti barbu qui tirent plus vite que l’ombre de leur maître. L’un d’eux est même allé jusqu’à prédire que le prétendant de l’opposition n’atteindra même pas les jardins du Palais. À croire qu’il compte l’attendre tapi derrière un bosquet pour le flinguer.
Sur un mode plus teigneux, Istiz Nabeuh a entrepris avec application de tresser des lauriers au hobereau de Zghorta, déjà bichonné par ses propres serfs sur ses terres. Forcément, puisqu’en tant que Taulier haut perché de la Chambre, il ne peut pas officiellement mettre en joue son adversaire, un jongleur de la finance bardé de diplômes.
Même l’Amer Michel, ex-Orangina Ier, a voulu mettre son grain de pili-pili sur la plaie, mais en sens contraire, en allant chouiner chez le Tyranneau de Damas, dont il voulait jadis casser la gueule du père. Raté, comme d’habitude, dans la droite ligne de tout ce que Mongénéral a entrepris jusque-là. C’est ce qui s’appelle la poisse par absence de veine chez un homme sans gain. Chapeau, l’artiste !
En attendant le rassemblement, la semaine prochaine, de la basse-cour parlementaire, le bal des intrigants a bel et bien démarré avec ses palabres en tapinois, comme jadis au temps des seigneurs et des soubrettes, pendant que les grouillots des uns et des autres se donnent des airs de comploteurs investis de dons divinatoires. Si fait que seuls les gens profondément atteints frétillent encore dans l’attente des incongruités bavées par les chaînes télé à l’heure du bulletin.
En tout cas, les paris sont ouverts ! Les parrains et leurs poulains sont alignés devant la mangeoire et l’on s’excite de savoir lequel des cobayes ira végéter six ans durant à enfiler les visiteurs dans un salon. Car point n’est question ici de bureau, évidemment, vu que cela fait des lustres qu’on n’a plus vu chez nous un chef d’État assis derrière une table en train d’écrire. Le plus bidonnant, c’est que personne ne parle plus d’élire tout simplement le futur président, pas même de le tirer au sort. « Quand viendra le moment, on vous fera savoir ce qu’on aura pensé puis choisi à votre place... Allez, du balai ! »
Peuple bêlant, toujours prompt à applaudir ses roitelets locaux et à leur tendre la trique pour se faire battre. Pour l’instant, seul le Barbu en chef assure l’animation martiale qui donne la chair de volaille aux derniers de ses mutants. Sonnez, missiles, résonnez, roquettes ! Éternelles fanfaronnades sur fond de pays raté…
gabynasr@lorientlejour.com
Quelle chance inouïe que d’être libanais en 2023 ! Une République déglinguée, une classe politique dont la corruption le dispute à l’ignorance et gagne, une chambre d’enregistrement pompeusement appelée Parlement et infoutue de mettre bas un président de la République par une claire et franche élection… Tout cela pendant que l’épargne des Libanais est coupée à la hache,...
commentaires (5)
Nul besoin de trop de mots ; J'apprécie vos billets d'humeur....... Merci, mais prenez aussi soin de Vous.....
Loup Christian
10 h 30, le 11 juin 2023