La secrétaire d'État adjointe aux affaires du Proche-Orient Barbara Leaf a annoncé mercredi que l'administration Biden envisageait la possibilité d'imposer des sanctions aux responsables libanais, si un chef d'État n'est pas élu. L'information, qui avait été confirmée mercredi à L'Orient-Le Jour par une source proche du dossier, a pu être vérifiée jeudi en consultant une vidéo de l'audition de Mme Leaf disponible sur le site de la commission sénatoriale des Affaires étrangères.
Pression
La diplomate répondait à une question de la sénatrice démocrate Cynthia Jeanne Chaheen, qui demandait s'il était possible que Washington "en fasse plus pour trouver des moyens d'encourager et dissuader" les institutions libanaises à prendre des mesures pour éviter que le Liban ne devienne réellement un "Etat failli".
Mme Leaf a répondu que le blocage politique au Liban est "une source d'énorme frustration" pour l'administration américaine, qui coopère avec des "partenaires régionaux et européens pour pousser le Parlement libanais à faire son travail". Critiquant "les élus qui ne font pas leur travail" et le président du Parlement, Nabih Berry, "qui n'a pas convoqué de séance électorale depuis janvier", la secrétaire d'Etat adjointe a affirmé que Washington "cherche des moyens" de sanctionner les responsables du blocage, sans fournir plus de détails. Elle a encore affirmé "mettre la pression" sur les parlementaires libanais qu'elle est amenée à rencontrer lorsqu'ils sont en visite aux Etats-Unis.
"Le Liban est dans une situation terrible", a en outre reconnu la diplomate qui a indiqué que les Etats-Unis ont pris pour y remédier "une série de mesures, qui vont au-delà de l'aide humanitaire". "Nous avons utilisé une grande variété d'outils, dont des aides individuelles aux membres de l'armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure, deux institutions qui bénéficient encore de la confiance des gens", a-t-elle ajouté.
Le statu quo n'est pas acceptable
Plus tard en soirée, deux membres de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants des États-Unis, Michael T. McCaul, président de la commission et Gregory Meeks, ont exprimé dans une lettre adressée au chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, leur "profonde inquiétude alors que le Liban est aux prises avec une crise politique et économique dévastatrice", appelant les États-Unis et leurs partenaires européens à appliquer "des sanctions ciblées à l'encontre d'individus spécifiques contribuant à la corruption et empêchant le progrès du pays, afin de faire comprendre à la classe politique libanaise que le statu quo n'est pas acceptable".
"Pour sortir le Liban de cette crise, il faut un président qui s'engage à faire respecter l'autorité de l'État, y compris les garanties énoncées dans la Constitution libanaise, et à faire avancer les réformes attendues depuis longtemps, en particulier les réformes économiques cruciales exigées par le Fonds monétaire international (FMI)" peut-on lire dans le texte. "Malgré des mois de négociations pour tenter de nommer un président, le Liban continue d'être dirigé par un gouvernement démissionnaire dont l'autorité est limitée pour faire avancer les réformes dont le pays a désespérément besoin. Le vide politique qui en résulte exacerbe la crise économique du Liban, entraînant une hyperinflation et des niveaux records de pauvreté dans tout le pays" poursuit le texte. Il contribue également à l'aggravation des problèmes de sécurité, "le Hezbollah, le parti terroriste mandataire de l'Iran, cherchant à renforcer son emprise sur le pays" énonce le document. Les deux élus ont encore réclamé que l'administration fasse pression pour réclamer justice pour l'explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020 et soutienne "une enquête indépendante sur les malversations financières du gouverneur de la Banque du Liban", Riad Salamé.
Le Liban reste sans président depuis la fin du mandat de Michel Aoun, le 31 octobre 2022. Depuis, plusieurs pays dont la France, les États-Unis, l'Arabie saoudite et d'autres puissances mondiales et régionales essaient d'aider le pays à sortir de cette impasse.
Mardi, le président français Emmanuel Macron s'était entretenu à Paris avec l'influent patriarche maronite Béchara Raï, dont il a soutenu les "efforts face à l'impasse politique" au Liban, appelant toutes les forces du pays à en sortir "sans délai". Le président français avait également estimé que "le blocage de l'élection d'un chef de l'Etat faisait obstacle aux réformes sans lesquelles il ne peut y avoir de redressement et de stabilité durable dans le pays".
Mercredi, le chef des Forces libanaises (FL) Samir Geagea a réaffirmé que le Courant patriotique libre (CPL), dirigé par son rival chrétien Gebran Bassil, s'est engagé à soutenir la candidature de Jihad Azour, ancien ministre des Finances et actuel responsable au sein du FMI à la présidentielle au Liban. Il a aussi indiqué que ce dernier pourrait obtenir "plus de 65 voix si le CPL maintient sa position". Mardi, le groupe parlementaire aouniste avait évité de se prononcer clairement au sujet de M. Azour, tout en se montrant prêt à avaliser toute annonce d’un candidat défini après accord avec l’opposition.
Gebran Bassil avait été placé sur la liste noire du Bureau de contrôle des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control – OFAC) le 6 novembre 2020. M. Bassil était accusé d'actes de corruption dans le secteur de l'énergie, qui ont "aidé et encouragé" les opérations du Hezbollah.
Washington impose régulièrement des sanctions à des cadres et membres du parti chiite, ainsi qu'à des personnes considérées comme lui apportant un soutien financier et logistique, et à des dirigeants accusés de corruption. C'est dans ce cadre que le Trésor américain avait imposé en octobre 2021 des sanctions contre le député libanais Jamil Sayyed, proche du régime Assad, et les entrepreneurs Jihad el-Arab et Dany Khoury, accusés d'avoir "contribué au délitement de l'Etat".
Pourquoi nous avons du mal à croire toutes ses déclarations mainte fois déclarées et annoncées qui sont toujours restées sans suite? Les malfrats n’y croient plus non plus. La preuve, ils ont réussi à les faire s’assoir avec eux autour de la table pour négocier. Si ça n’est pas ubuesque. Cela relève du syndrome de Stockholm que les états puissants refusent de l’admettre.
10 h 01, le 02 juin 2023