La Sainte Vierge, Allah et moi

Je suis une musulmane âgée de 30 ans, et je n’ai pas le souvenir d’avoir un jour ressenti un quelconque éveil spirituel, avant d’avoir été à Notre-Dame de Lourdes en France.

J’avais déjà entendu parler de Lourdes, et je savais qu’il s’agissait d’un lieu de pèlerinage populaire pour les catholiques, mais je n’avais jamais envisagé de visiter l’endroit moi-même. Lorsque l’ordre de Malte Liban m’en a parlé et m’a proposé d’accompagner le groupe dans son pèlerinage international pour aider à transporter des personnes malades, j’ai certes été intriguée, mais sans trop y réfléchir, et malgré mes réserves – car j’ignorais si je me sentirai à l’aise dans un environnement aussi fortement catholique –, je me suis lancée dans l’aventure.

À mon arrivée, j’ai d’abord été frappée par la beauté de cette petite ville qui a un certain charme, un je-ne-sais-quoi que je ne saurais expliquer.

J’ai regardé les pèlerins, de tous âges et de toutes nationalités, prier, pleurer et allumer des cierges, et je ne pouvais m’empêcher de ressentir un sentiment d’émerveillement devant la dévotion dont j’étais témoin.

En marchant vers la grotte de Massabielle, j’ai ressenti une paix indescriptible m’envahir, et j’ai alors compris que j’étais dans un lieu spécial. Debout devant la Sainte Vierge, j’ai fermé les yeux et j’ai commencé à prier. Petit à petit, j’ai senti une chaleur se répandre dans tout mon corps ; c’était comme si on retirait un poids de mes épaules… et j’ai été submergée par l’émotion.

Les larmes ont coulé sur mon visage alors que je ressentais une profonde connexion avec Allah, et j’ai réalisé que ce moment représentait un tournant dans ma vie. Ce fut pour moi un puissant rappel que malgré nos différentes croyances et religions, en fin de compte, nous recherchons tous la même chose : une connexion avec le divin.

Au moment de la messe, assise sur les bancs de l’église et regardant le prêtre effectuer les rituels, j’ai été frappée par la beauté et la solennité du service. Les cantiques m’ont emmenée vers un sentiment de sérénité, et lorsque la cantatrice a entamé un hymne à la Vierge particulièrement émouvant, quelque chose en moi s’est brutalement fissuré, comme une fêlure interne qui a permis de faire passer la lumière. Mes yeux se sont vite embués et les larmes se sont mises de nouveau à couler sur mes joues : je ressentis un profond désir de recherche et de rapprochement avec Allah.

C’était comme si l’hymne avait déverrouillé quelque chose en moi que je ne peux expliquer, j’ai simplement été submergée par une très forte émotion que je n’avais jamais ressentie auparavant.

De nature très pragmatique, face à ce torrent d’émotions, j’ai décidé de ne pas me poser de questions. Je sais simplement que ce moment précis a été un tournant dans mon parcours spirituel, une révélation, celle que le pouvoir de la foi transcende la religion, et que nous sommes tous connectés. Je suis reconnaissante pour les larmes que j’ai versées dans cette église, car elles ont ouvert mon cœur et mon esprit à une compréhension plus profonde du divin.

Bien que je ne puisse peut-être jamais pleinement expliquer l’expérience spirituelle que j’ai vécue lors de mon pèlerinage avec l’ordre de Malte à Notre-Dame de Lourdes, je sais qu’elle m’accompagnera toute ma vie. Ce n’est que le début d’un voyage de découverte et de croissance, et je ne peux qu’avoir un profond sentiment de gratitude pour toutes les leçons que j’ai pu apprendre à travers cette expérience.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.