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Culture - Théâtre

« Two Heads and a Hand », le Shakespeare beyrouthin fait tourner les têtes

C’est une adaptation de « Titus Andronicus », la tragédie la plus... tragique de Shakespeare. Elle traite de ce cycle sans fin et infernal auquel nous sommes tous sujets, la vengeance. La troupe de Zoukak l’a rejouée à Beyrouth 9 ans après sa première représentation.

« Two Heads and a Hand », le Shakespeare beyrouthin fait tourner les têtes

« Two Heads and a Hand », une pièce de Zoukak présentée dans le studio de la troupe avant son envol pour l’Allemagne. Photo Marianne Kortbani

« C’était incroyable, mais à chaque fois que je vois une des pièces de Zoukak, je suis abasourdi », s’exclame Ralph, un spectateur habitué de la troupe Zoukak. Pour celles et ceux qui seraient passés à côté de Two Heads and a Hand en 2016, la pièce, ayant fait ses preuves au Liban et à l’international, est revenue à sa source pour deux représentations en arabe sous-titrées en anglais au studio Zoukak vendredi et samedi derniers.

Cette pièce est une adaptation de Titus Andronicus écrite par le redoutable William Shakespeare. Tirée de sa tragédie la plus violente, le parti pris est clair et assumé dès le début de la représentation. Les acteurs invitent le public à prendre de la distance par rapport à la violence présentée sur scène. Une fougue sanglante se matérialisant sur le plateau par des scènes comme figées dans le temps, clairement inspirées par le cinéma et les belles images qu’il nous propose. C’est simple, si l’envie vous prend de capturer l’instant avec une photo, elle sera tout bonnement magnifique, qu’importe le moment choisi. L’expression corporelle limitée par cette immobilité décevra peut-être les amateurs du mouvement scénique. Il ne faut pourtant pas s’y tromper, cela fait le charme de cette pièce et sert la critique véhiculée. Une critique des médias et de leur utilisation excessive de la violence graphique. « Nous voulons mettre fin à ce cycle de violence en la montrant », a déclaré à L’Orient-Le Jour Omar Abi Azar, qui a participé au processus créatif de la pièce avec les trois acteurs, Lamia Abi Azar, Junaid Sarieddine et Maya Zbib. Omar Abi Azar met l’accent sur la production collective du projet. « Nous sommes tous les metteurs en scène de cette pièce, nous ne voulons mettre personne en avant », ajoute-t-il.

Une fougue sanglante se matérialisant sur le plateau par des scènes comme figées dans le temps. Photo DR

« Regarder le public, c’est l’impliquer »

Revenons sur l’adaptation. La surprise du public était palpable à l’entrée des comédiens. Aucun d’eux ne regardait les spectateurs dans les yeux, leur regard se cachait derrière la paume de leur main. Comme ils l’expliquent si bien sur scène, « regarder le public, c’est l’impliquer dans notre violence ». Ainsi, le spectateur est invité à prendre du recul quant aux situations présentées. Elles sont à la fois sanglantes et touchantes, elles font un parallélisme ente l’histoire brutale de Titus Andronicus et la réalité de la guerre au Liban. Cette pièce parle de vengeance, une vendetta héritée de nos grands-parents et arrière-grands-parents, critiquée et moquée dans une fureur presque caricaturale tant elle est excessive. Elle est aussi brutalement coupée par des retours à la réalité nous présentant les acteurs préparant la mise en scène de leur œuvre. Ces scissions dans le spectacle appuient le caractère grotesque de ces talions infligés à autrui, dénonçant au passage le cercle vicieux qui en découle. La scène la plus marquante est la toute dernière montrant le fameux dîner de Titus. Macabre et émétique, l’on voit la tête de Sarieddine dans un bol rempli de gélatine rouge sang, tandis que la lumière écarlate vient camoufler le caractère… gélatineux de cette mixture, appuyant davantage le réalisme de cette scène. Une image cauchemardesque montrant le processus conceptuel de l’horreur graphique dénoncé par la troupe. Le tout n’est pas seulement de la montrer, mais d’expliquer cette chose essentielle à la brutalité dans la télévision, dans les journaux et particulièrement sur internet, l’élaboration. Derrière chaque exécution, chaque meurtre ou chaque atrocité, il y a des personnes. Des hommes ou des femmes ayant prémédité ces actions horrifiques. Ils ont réfléchi et n’attendent qu’une chose, leur médiatisation. En parlant d’eux, nous entrons dans le jeu et tombons dans leur piège sordide. Pourtant, la violence doit se partager et doit être visible, car elle est inhérente à l’humain. Il est important de ne pas encenser les auteurs de ces horreurs. Mais de les présenter tels qu’ils sont, des personnes répugnantes et un exemple à ne surtout pas suivre.La troupe Zoukak ne revendique pas l’intégralité du message, ses membres préfèrent montrer la violence pour l’amorcer sans impliquer son public dans ce cercle. Après avoir joué en France, en Allemagne et en Iran, et une petite parenthèse beyrouthine, ils retourneront à Dusseldorf en Allemagne pour le Shakespeare Festival les 17 et 18 mai. Une bonne occasion de présenter la réalité de notre pays à travers des thématiques communes à l’actualité libanaise et à la grande histoire de l’humanité.

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