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Culture

Beit Tabaris, là où la musique fleurit

Beit Tabaris, là où la musique fleurit

Le pianiste et chambriste Georges Daccache en récital à Beit Tabaris. Photo DR

Le printemps musical de Beit Tabaris était, cette saison, placé sous le signe des compositeurs libanais, sujet de prédilection des fondateurs de cette résidence musicale située à Beyrouth et qui s’est donné pour mission d’offrir des masterclasses de qualité aux jeunes musiciens libanais. Et avec à la clé deux créations mondiales.

Pour commencer, le compositeur et organiste Naji Hakim, que l’on ne présente plus, a donné un cycle d’une semaine consacré aux matières théoriques : analyse, orchestration, composition, improvisation. Enseignement pointu et fondamental, dont l’austérité et la rigueur étaient toutefois tempérées par l’extrême pédagogie et l’humour décapant du maître. Il faut savoir que son Traité d’analyse est la « bible » des musiciens occidentaux et que son cours au Conservatoire de Boulogne-Billancourt a, pendant des années, attiré des étudiants du monde entier. Une douzaine de jeunes compositeurs, venus de tout le Liban, littéralement passionnés, ont suivi la masterclass, certains rameutant même leurs amis, afin de bénéficier de son précieux enseignement. Et quelles ne furent la surprise et l’émotion des organisateurs (qui en sont restés bouche bée) quand, à la fin de la semaine, les jeunes réclamèrent le retour de Naji Hakim dans les plus brefs délais, disant qu’ils étaient prêts à se cotiser pour financer une seconde semaine de cours. Alors qu’ils souffrent tant de la crise économique ! Cette semaine intense s’est clôturée par un concert inédit (et pour lequel les organisateurs ont dû refuser une trentaine de personnes par manque de place) : Naji Hakim au piano et notre excellent premier violon de l’Orchestre philharmonique du Liban, Mario Rahi, pour un programme d’œuvres du maître, dont une création mondiale, Variations sur un menuet de Jean-Sébastien Bach pour violon solo, très bien interprétée par le violoniste. Le programme comportait également des Variations sur un thème de Sayyed Darwich pour piano solo, deux pièces pour violon et piano Our Lady Minstrel’s et, pour clôturer, la Sonate. Le dialogue qui s’est instauré entre ces deux remarquables musiciens était d’une intensité tangible. Respect et admiration mutuels teintaient leurs échanges. Le public était pris à la gorge.

La soprano Caroline Solage avec la pianiste Sirvart Sabounjian. Photo DR

Le deuxième récital offert par Beit Tabaris a mis à l’honneur le répertoire pianistique libanais du XXe siècle. Georges Daccache, excellent pianiste et chambriste qui, depuis plus de douze ans, porte à bout de bras le patrimoine musical libanais, offrait un récital consacré aux « Compositeurs précurseurs ». Tout d’abord, le père fondateur, Wadia Sabra (1876-1952), dont la Valse orientale est en passe de devenir, grâce à Georges Daccache, un « tube ». Puis Anis Fuleihan (1900-1970), qui a passé sa jeunesse aux États-Unis, y a fait une brillante carrière de pianiste et de compositeur avant de venir prendre les rênes du Conservatoire national à Beyrouth de 1953 à 1962 à la demande du président Camille Chamoun. Pour l’anecdote, ce compositeur, qui fut extrêmement prolixe lors de ses années américaines, ne composa plus une ligne de musique pendant son mandat au conservatoire ! Vient ensuite le « trio fondamental » composé de Toufic Succar (1922-2027), Georges Baz (1926-2012) et Boghos Gelalian (1927-2011), contemporains et amis qui ont jeté les fondamentaux d’un véritable courant de musique savante libanaise dont le langage musical se situe à la croisée des traditions libanaise et arménienne et des influences occidentales. Enfin, Georges Daccache a tenu absolument (avec raison) à faire connaître Stephan Emiyan (1930-1994), compositeur libanais d’origine arménienne dont l’œuvre, au langage musical romantique et qui se nourrit du folklore arménien, reste injustement méconnue. Présente dans la salle, la Dr Laure Akiki, qui fut la professeure de Georges Daccache et l’élève de Stephan Emiyan, a livré un témoignage fort émouvant au sujet du compositeur trop tôt disparu.

Le troisième concert de la saison donnait la parole à un compositeur libanais bien vivant et en pleine possession de ses moyens musicaux et techniques !

Naji Hakim en masterclass à Beit Tabaris. Photo DR

Élia Koussa, né en 1978 et formé en Allemagne, manie un langage musical novateur, parfois expérimental, mais dont l’émotion n’est jamais absente. Sa musique se pose tantôt avec délicatesse, tantôt avec violence, sur un texte du poète Adonis, Histoire qui se déchire sur le corps d’une femme. Cet opéra, dont des extraits ont été présentés en création mondiale ce soir-là, a été spécialement écrit pour la voix ample et bouleversante de la soprano Caroline Solage à qui il va comme un gant. Il est toujours intéressant d’être en présence d’un compositeur qui donne vie à son œuvre, là, devant vous, pour la première fois. Et le moment était chargé d’une grande intensité. En première partie de ce dernier concert, Caroline Solage avait offert au public deux airs extraits d’opéras de Massenet et Tchaïkovski, accompagnée au piano par Sirvart Sabounjian dont le toucher sensible, allié à la vélocité, s’accorde parfaitement au répertoire romantique.

Mission accomplie pour cette saison grâce au précieux soutien des partenaires de Beit Tabaris : l’Institut français, Naïla Jacques Saadé et Ferial Mitri Assha. Rendez-vous à la fin du mois de juin pour d’autres aventures musicales !

Le printemps musical de Beit Tabaris était, cette saison, placé sous le signe des compositeurs libanais, sujet de prédilection des fondateurs de cette résidence musicale située à Beyrouth et qui s’est donné pour mission d’offrir des masterclasses de qualité aux jeunes musiciens libanais. Et avec à la clé deux créations mondiales. Pour commencer, le compositeur et organiste Naji...

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Excellent article Fier d’être libanais

william semaan

02 h 51, le 11 mai 2023

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Commentaires (1)

  • Excellent article Fier d’être libanais

    william semaan

    02 h 51, le 11 mai 2023

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