Bons baisers d’Assadie

Le printemps est là, les fleurs bourgeonnent, les insectes bourdonnent… Et au milieu de la nature riante et du pépiement des oiseaux, le tsar syrien Assadovitch a fait devant les ministres arabes à Amman le seul numéro qu’il connaisse, empilant serments et engagements, face à ceux qu’il y a quelques mois encore il qualifiait de « bouseux vendus à l’impérialisme ».

En gros, la feuille de déroute du Biberonné au jus de Baas s’est résumée en trois points : des promesses, des promesses et… des promesses. Tout n’est finalement qu’une question de temps. Et en Orient, le temps s’écoule peinard comme le sang qui ruisselle après un attentat. Il faut juste attendre que les ministres arabes digèrent les boas sur canapés qu’il leur a donnés à avaler, et qu’ils découvrent que les promesses du Tyranneau de Damas étaient du pipeau valant leur pesant de pistaches d’Alep. Ouf ! D’ici là, les poules auront perdu leurs dents et les petits Syriens d’aujourd’hui leur dentier de demain… Il n’y a pas à dire, de nos jours, le monde appartient à ceux qui se lèvent hâbleurs.

Le communiqué pondu à la fin de la réunion était à lui seul un morceau d’anthologie, constellé de vœux aussi pieux que creux. On y apprend ainsi :

– Un, que l’ophtalmologue à courte vue est d’accord pour un retour volontaire de millions de déplacés syriens. À lire le papyrus, on croirait que ces derniers menacent de se taillader les veines si on ne les laissait pas courir dans les bras de ce bon pasteur humaniste.

– Deux, qu’il a juré de mettre fin au trafic de « capte-à-cons » et d’en identifier les producteurs et distributeurs. Autant dire qu’entre son frère Maher, dit « le chimiste de la Ghouta », et sa belle-famille qui se goinfre depuis que le cousin maternel Rami a été déculotté, le Timonier syrien se farcit des déjeuners de famille animés. Pourquoi certains n’auraient-ils pas tout ? Y en a qui n’ont rien. C’est la loi de l’équilibre.

– Enfin trois, qu’il s’est essuyé les pieds sur les propositions arabes de règlement politique, vu que ses spadassins ont bouffé de l’opposant jusqu’à l’indigestion et que ceux qui restent ont failli se faire hacher menu si ce fils de Poutine n’avait pas eu entre-temps d’autres Ukrainiens à fouetter.

Mais le plus cocasse dans l’affaire reste le communiqué misérable de notre ministère des Affaires étrangères, qui s’est écrasé comme une limande en chantant les louanges de la fraternité arabe, alors que le Liban n’a même pas été invité à faire la vaisselle au pince-fesse de Amman. En vérité, le taulier du palais Bustros n’avait pas vu le coup venir et avec les peaux de bananes que l’ambassadeur d’Arabie et ses collègues du Golfe lui balançaient, il a eu largement de quoi monter une usine de traitement de déchets agroalimentaires.

Mais qu’à cela ne tienne notre ami s’est consolé en promettant de placer « toutes, vraiment toutes, les ressources du Liban » au service d’un règlement arabe global de la question syrienne. Tant de pouvoirs entre les mains d’un seul homme, n’est-ce pas effrayant ?

gabynasr@lorientlejour.com