À l'occasion du Dimanche de Pâques, le patriarche maronite Béchara Raï a plaidé une énième fois auprès des politiques libanais pour l'élection d'un nouveau président de la République, qui se fait attendre depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre dernier. Le cardinal a dans ce contexte appelé les dirigeants à "ne pas attendre un mot d'ordre" pour élire un nouveau chef de l'Etat, alors qu'au Liban cette échéance est souvent le résultat d'accords entre puissances internationales et régionales. Le pays fait face à de multiples blocages politiques qui se répètent ces dernières années, alors qu'il est en plein effondrement économique depuis 2019.
Pour sa part, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a affirmé que des "éléments incontrôlés et non Libanais" étaient derrière les tirs de roquettes qui ont visé Israël depuis le Liban-Sud, jeudi, poussant Tel-Aviv à riposter en lançant plusieurs projectiles contre le Liban vendredi à l'aube, mais sans faire de victimes. Israël avait affirmé que le Hamas palestinien au Liban était vraisemblablement responsable de ces tirs. Le Hezbollah, ennemi juré de l'Etat hébreu, a lui cautionné ces tirs sans toutefois les revendiquer.
"Sortez de votre confusion"
"Les dirigeants ne peuvent pas jouir indéfiniment du pouvoir s'ils ne font pas l'objet d'une confiance renouvelée, car cette confiance est la source de leur pouvoir. C'est d'un tel président de la République dont les Libanais ont besoin, afin qu'il pave le chemin vers la sortie de l'effondrement", a affirmé le patriarche maronite dans son message pascal à Bkerké, cité par divers médias locaux. "Cette confiance ne peut s'obtenir du jour au lendemain, ni à travers des promesses ou des conditions qu'on lui impose", a estimé le cardinal Raï. "Un président qui bénéficie de la confiance est celui qui l'a acquise à travers ses actions et ses accomplissements, indépendamment de l'élection présidentielle. Cherchez, vous les députés et les groupes parlementaires, une telle personne et élisez-la rapidement. Sortez de votre confusion et n'attendez pas qu'on vous transmette un mot d'ordre", a plaidé le patriarche maronite.
Depuis septembre 2022, et suite à onze séances électorales au Parlement qui ont toutes échoué faute d'accord politique, comme il est de coutume, le Liban est sans président de la République, alors que le gouvernement sortant de Nagib Mikati expédie les affaires courantes depuis mai 2022, suite aux dernières élections législatives.
Le 5 avril, la majorité des députés chrétiens avaient répondu présents à une invitation du patriarche Raï à une journée spirituelle durant laquelle il avait abordé la question de l'impasse présidentielle, interpellant les élus en leur demandant ce qu'ils avaient fait pour faciliter l'élection d'un nouveau chef de l'Etat.
Le tandem chiite Hezbollah-Amal soutient la candidature de son allié maronite Sleiman Frangié, chef du courant Marada et proche du régime syrien. Celui-ci n'a cependant toujours pas officialisé sa candidature. Les principaux partis chrétiens, à savoir les Forces libanaises, le Courant patriotique libre et les Kataëb s'opposent à Frangié, sans pouvoir s'entendre sur une alternative. Les députés issus de l'opposition et de la contestation populaire sont eux aussi en rangs dispersés face à cette échéance. Le député de Zghorta Michel Moawad, candidat officiel, n'a pas réussi jusque-là à obtenir un nombre de voix suffisant pour être élu, malgré le soutien de plusieurs partis de l'opposition.
Mikati, le gouvernement et les frappes depuis le Liban-Sud
Pour sa part, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a affirmé devant ses visiteurs au Grand Sérail, que la tenue d'un prochain Conseil des ministres "dépend de la finalisation de la question de l'ajustement des salaires dans la fonction publique et des aides qui peuvent être octroyées".
À l'ombre de la vacance à la présidence, le gouvernement est tenu de se limiter à l'expédition des affairs courantes. Mais le cabinet Mikati s'est déjà réuni à plusieurs reprises pour adopter une série de mesures, notamment liées à la crise économique, malgré le boycott de plusieurs ministres, notamment ceux affiliés au Courant patriotique libre de Gebran Bassil.
Concernant les tensions armées qui ont touché le Liban-Sud entre jeudi et vendredi, Nagib Mikati s'est défendu contre les critiques selon lesquelles le gouvernement libanais serait impuissant face à ces développements, selon des propos rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). "Tout ce qui se dit à ce sujet s'inscrit dans une campagne médiatique et des attaques gratuites", a dénoncé M. Mikati. "Depuis le début des incidents dans le Sud, nous avons mené des contacts en coulisses avec toutes les parties concernées, notamment les parties internationales, parce que ces questions ne peuvent être traitées de manière fracassante dans les médias ou via des déclarations. J'ai également demandé au ministère des Affaires étrangères de se mobiliser (...) et nous avons porté plainte auprès du Conseil de sécurité des Nations unies", a précisé le Premier ministre sortant.
"Le Liban refuse toute escalade militaire depuis son territoire ainsi que toute opération qui utiliserait le pays en portant atteinte à la stabilité en cours. L'enquête préliminaire menée par l'armée a montré que ce sont des éléments non Libanais et incontrôlés qui ont effectué les tirs de roquettes et qu'il s'agissait d'une réaction aux agressions israéliennes contre les territoires palestiniens, notamment Gaza", a-t-il ajouté.
L'armée israélienne avait affirmé avoir frappé vendredi à l'aube trois "infrastructures" appartenant au mouvement islamiste palestinien Hamas, dans la zone de Rachidiyé, où se trouve un camp de réfugiés près de Tyr au Liban-Sud. C'est la première fois qu'Israël confirme avoir attaqué le territoire libanais depuis avril 2022.
Les frappes israéliennes ont suivi des tirs de roquettes lancées depuis le Liban-Sud jeudi. Ces tirs ont eu lieu au lendemain de l'irruption violente de la police israélienne dans la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, troisième lieu saint de l'islam, afin d'en déloger des Palestiniens qui s'y étaient barricadés.
Vendredi matin, la situation était revenue à la normale dans le secteur, et un calme précaire prévalait dans les zones touchées par les frappes.
Réagissant à ces incidents, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, a déclaré que "tout l'axe de la résistance reste vigilant". Le chef du parti chiite, Hassan Nasrallah, a pour sa part annoncé vendredi soir qu'il allait commenter ces développements dans un discours vendredi prochain.
Dimanche, le Hezbollah a publié un communiqué dans lequel il annonce que les chefs du Hezbollah Hassan Nasrallah et du Hamas palestinien Ismaïl Haniyé se sont réunis au Liban et ont évoqué la "coopération" face à Israël, soulignant que "l'axe de la Résistance se tient prêt" face à Israël et que "ses composantes coopèrent" dans la région.
commentaires (8)
Pourquoi attend-on tout de nos voyous criminels de politiques et ne demandons-nous pas l’avis du peuple, pour une fois et n’élit-on pas le président par suffrage universel au lieu de laisser un parlement captif et corrompu de nous élire un président, chose qu’ils ne sont même plus capables de faire !
marwan el khoury
18 h 04, le 10 avril 2023