Critiques littéraires

Amours dérisoires

Il y a un certain type d’amour dont les romanciers parlent très peu. Il ne s’agit évidemment pas de l’amour-passion, qui est l’un des sujets privilégiés de la littérature romanesque, mais de ce qu’on pourrait appeler l’amour-passe-temps, celui qui ne provoque ni ivresse ni souffrances, auquel l’on ne croit qu’à demi et qui sert tout simplement à tuer le temps.

Amours dérisoires

Fursa ligharām akhīr (Une chance pour un dernier amour) de Hassan Daoud, Éditions Nawfal, 2022, 240p.

Dans son nouveau roman, Une chance pour un dernier amour (Fursa ligharām akhīr), Hassan Daoud met en scène trois personnages qui, pour se désennuyer, s’adonnent à ce divertissement amoureux. En pleine pandémie de Covid-19, Ezzat, confiné dans son appartement à Beyrouth, passe son temps à scruter la rue devant chez lui, presque toujours vide, à épier les habitants de l’immeuble d’en face et à téléphoner à Tamer, son voisin du sixième, pour lui raconter en détail tout ce qu’il a pu observer durant la journée. Toutefois, ce qu’il observe est dérisoire : une voiture qui passe toutes les vingt ou trente minutes ; un homme qui, pour se dégourdir les jambes, sort marcher sur son balcon…

Or un jour, Ezzat remarque qu’une femme de l’immeuble d’en face est en train de l’épier ; comme d’habitude, il en fait part à Tamer qui, intrigué, le pousse alors à entrer en contact avec elle. Ainsi s’établit un triangle amoureux qui n’a rien de dramatique ni de sérieux, les trois personnes qui y sont impliquées n’ayant d’autre visée que de tromper leur ennui.

Pour eux tous en effet, les enjeux sont tellement faibles. Ezzat veut combler le vide qu’a laissé le départ de sa femme pour l’Australie juste avant le confinement ; Tamer, romancier qui a arrêté d’écrire, essaye de trouver un substitut à la création littéraire ; et Elsa (la femme de l’immeuble d’en face), dont le mari est parti en Afrique et y a disparu, cherche à briser la monotonie de sa vie.

Ezzat et Elsa couchent ensemble plusieurs fois et puis se lassent l’un de l’autre. Tamer, encouragé par Elsa, tente alors de prendre la place de Ezzat, mais il hésite, il se sent trop vieux, il a peur et il finit par faire marche arrière. Ainsi retournent-ils tous à leur solitude initiale, ce qu’ils ont vécu s’avérant être un simple intermède sans conséquence. Elsa savait cela dès le début ; elle ne voulait que se divertir. Tandis que Tamer et Ezzat, tous deux ayant dépassé la soixantaine, avaient cru voir en Elsa, qui n’a que 35 ans, une chance pour un dernier amour. Mais au bout du compte, ils comprennent que, à l’instar d’Elsa, ils ne cherchaient qu’à échapper à l’ennui.

C’est donc une sorte de comédie romantique que nous livre Hassan Daoud, une comédie romantique plus amère que comique et par laquelle il réussit à capter la morosité du confinement, de cette période qui s’est avérée transitoire et éphémère, un intermède vite oublié, alors que beaucoup, au moment-même, l’avait comparée à une apocalypse. Avec beaucoup d’humour, ce roman de Daoud nous rappelle que la pandémie de Covid-19, et ce malgré toute la panique qu’elle avait générée, n’avait rien d’une apocalypse ; c’était un rêve terne, gris et fastidieux, dans lequel tout semblait irréel et dérisoire, même les amours.


Fursa ligharām akhīr (Une chance pour un dernier amour) de Hassan Daoud, Éditions Nawfal, 2022, 240p.Dans son nouveau roman, Une chance pour un dernier amour (Fursa ligharām akhīr), Hassan Daoud met en scène trois personnages qui, pour se désennuyer, s’adonnent à ce divertissement amoureux. En pleine pandémie de Covid-19, Ezzat, confiné dans son appartement à Beyrouth,...

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