En l'espace de 48h, deux médias libanais ont été convoqués par les services de sécurité pour interrogatoire : le média en ligne Megaphone News a vu l'un de ses fondateurs interpellé par la Sécurité de l'État jeudi, et la rédactrice en chef du média de journalisme d'investigation The Public Source a été convoquée vendredi par le bureau de lutte contre la cybercriminalité afin d'être interrogée le 6 avril prochain.
Dans la première affaire, Megaphone affirme que le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate est à l'origine d'interpellation de Jean Kassir, l'un de ses deux fondateurs. Celle-ci serait due selon le média à une publication datée du 1er mars et intitulée : "Le Liban gouverné par des responsables recherchés par la justice", dans laquelle figure le nom de M. Oueidate. Quant à The Public Source, le média a indiqué vendredi que le Bureau de lutte contre la cybercriminalité a convoqué Lara Bitar, rédactrice en chef, "après une plainte des Forces Libanaises", le parti de Samir Geagea, qui lui reprocheraient la publication d'un article publié en août dernier sur les présumés crimes environnementaux des FL pendant et après la guerre civile libanaise (1975-1990)
Interpellé au volant de sa voiture
"Voilà les méthodes employées par l'establishment pour faire taire les gens", réagit un membre de l'équipe de Megaphone, contacté par L'Orient-Le Jour et qui a requis l'anonymat. Dans sa publication de vendredi, le site affirme que Jean Kassir a été interpellé par deux officiers de la Sécurité de l'État jeudi, qui l'ont informé qu'il était convoqué vendredi matin. "Il était au volant de sa voiture, et deux agents habillés en civil ont frappé sur son véhicule, l'ont sommé de s'arrêter et l'ont informé de sa convocation", poursuit le membre de Megaphone.
Le média affirme également que c'est le procureur Ghassan Oueidate qui "a donné l'ordre d'enquêter sur les propriétaires" du site, "très probablement parce que son nom apparaît dans la publication (du 1er mars) comme l'une des personnes accusées par le juge Tarek Bitar dans l'affaire du port". Le membre de Megaphone indique qu'il n'y a pour l'instant "aucune plainte ni aucune poursuite" engagée contre le site par M. Oueidate.
Le magistrat n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de L'OLJ pour commenter les informations relayées par Megaphone.
Chargé de l'enquête sur l'explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août 2020, le juge Tarek Bitar avait annoncé en janvier reprendre le contrôle de ce dossier et avait engagé des poursuites contre M. Oueidate. Celui-ci avait répliqué en ordonnant la libération des 17 suspects détenus dans cette affaire, et a poursuivi à son tour M. Bitar pour "rébellion contre la justice" et "usurpation de pouvoir".
"Oueidate viole la loi une fois de plus"
Dans sa publication de vendredi, Megaphone affirme que l'avocate du média, Diala Chehadé, s'est rendue à la convocation à la place de Jean Kassir le jour même. "Les services de sécurité ne sont pas habilités à enquêter sur les journalistes", ajoute le média. "M. Oueidate viole ainsi la loi une fois de plus, car le ministère public ne peut agir dans les affaires de diffamation sans une plainte personnelle de la victime, à moins qu'il ne s'agisse d'une diffamation à l'encontre du président de la République", souligne Megaphone. Ce n'est pas la première fois que Megaphone est menacé de procédures judiciaires. En janvier dernier, le ministère libanais de la Justice avait annoncé qu'il allait porter plainte contre le média pour une information publiée sur Instagram. Mais un porte-parole du média avait affirmé que ni la plateforme ni ses avocats n'avaient reçu de notification d'une action en justice.
"Les FL nous avaient déjà menacés"
Quant au site The Public Source, sa rédactrice en chef Lara Bitar raconte avoir été convoquée par téléphone dans la matinée de vendredi. "J'ai été surprise, car l'article mis en cause date du mois d'août et cette convocation arrive maintenant", lance-t-elle à l'OLJ. "Mais les FL nous avaient déjà menacés au moment de la sortie de l'article, comme quoi ils lanceraient des procédures contre nous", poursuit-elle.
Contacté, le porte-parole des FL Charles Jabbour est très clair : "Bien sûr qu'il y a une plainte. La liberté d'expression, c'est une chose ; la propagation de fausses informations en est une autre", dit-il. "Ils doivent comparaître pour répondre de leurs allégations."
Sur son compte Twitter, The Public Source a affirmé vendredi que "le gouvernement utilise une agence de sécurité qui n'a aucune compétence envers la presse, pour harceler des journalistes qui font leur métier". Le texte ajoute néanmoins que les représentants du site se rendront à la convocation prévue le 6 avril prochain à 10h.
Dans un communiqué publié dans la soirée de vendredi, le syndicat du journalisme alternatif a appelé à une manifestation en soutien à la liberté de la presse pour le 3 avril prochain devant le Palais de justice de Beyrouth. "Nous rappelons aux juges que leur rôle est de rendre la justice et de protéger les droits des gens, pas de porter atteinte aux libertés", dénonce le texte.
L'avocat Antoine Bazerly, avocat du groupe L'Orient-Le Jour, indique qu'un journaliste ne peut être interrogé que devant le Tribunal des imprimés ou un juge d'instruction, "et en aucun cas par la police judiciaire".
Les journalistes ont le droit d’écrire et de relater n'importe quelle information qui leur sied ou qu'ils jugent opportunes et utiles au publique. Cependant, ceux qu'ils incriminent ont, eux aussi, le droit de réagir en saisissant la justice. C'est ce que les FL ont fait. Nulle part dans l'article il est mentionné qu'elles ont menacé qui que ce soit autrement que de saisir la justice et c'est ce qu'elles ont exactement fait dans les normes de la loi et des pratiques légales. Concernant les déchets chimiques le scandale avait bel et bien éclaté a l’époque mais personne n'a pu prouver quoi que ce soit contre les FL. Si le média en question a des preuves, eh bien le procès intenté par les FL est l'occasion rêvée de faire éclater la vérité et les incriminer. Ayant, elle même saisie la justice elles pensent n'avoir rien a se reprocher. Quand a la pluie et le "mauvais" temps, il est a présent démontré, prouvé et certifié que c’était les meilleures années du Liban libre, souverain et indépendant que nous avions jamais connu. Avec elles, le Liban avait gardé sa dignité et son honneur chose que nous ne pouvons plus dire depuis 1989-90 avec l'apparition de Tapioca dans le paysage politique. Les Libanais de tous bord venaient dans les zones FL pour y passer du bon temps "Libre" de toutes oppressions qu'elles aient été politiques, étrangères, religieuses, sociales ou économiques. Alors les commentaires haineux gratuits, du weekend ou des bacs a sable on s'en balance comme de l'an 40.
09 h 17, le 03 avril 2023