Malgré la révolution de 2019, "la pression politique est plus forte que jamais" sur les médias libanais. C'est ce que dénonce l'association Reporters sans frontières, qui milite pour la liberté de la presse, en parallèle de la publication de son classement international pour l'année 2022, dans lequel le Liban se retrouve à la 130e place sur 180, après une chute de 23 places par rapport à 2021.
Dans ce nouveau classement annuel, qui se base d'une part sur un relevé des exactions à l'encontre des professionnels des médias et d'autre part sur un questionnaire proposé à des spécialistes, le Liban obtient un score de 46,58 sur 100, ce qui le place dans la catégorie des "situations difficiles" pour les médias. En 2021, son score était de 65,07 %.
"Alors que les médias pensaient en avoir fini avec les figures médiatiquement intouchables lors de la révolution d’octobre en 2019, la pression politique est plus forte que jamais", écrit RSF dans son analyse de la situation, rappelant que le marché médiatique est "contrôlé par quelques individus directement affiliés à des partis ou appartenant à des dynasties locales". "Le paysage médiatique se caractérise par la mainmise des partis politiques sur les médias, qui dépendent des investisseurs, et reflète la structure politique libanaise. On retrouve dans la presse les divergences politiques et communautaires du pays, comme la tutelle confessionnelle qui pèse sur les médias. Le journalisme s’est ainsi transformé en arme à part entière du conflit politique", commente l'organisation.
"Instrumentalisation de la justice"
RSF s'inquiète en outre d'une inquiétante instrumentalisation de la justice, qui condamne régulièrement des médias et journalistes à payer des amendes ou à de la prison par contumace", en se basant notamment sur une "définition très large" de la diffamation et de la calomnie, considérées comme des infractions pénales. L'association souligne par ailleurs les difficultés rencontrées par les médias et journalistes en raison de la "crise financière historique" que traverse le pays et des conséquences de la double explosion au port de Beyrouth.
Elle relève encore la misogynie et le racisme "qui ne sont pas rares" dans les médias et le fait que "les femmes journalistes font souvent l’objet de campagnes de diffamation". "Les militants politiques participent à des campagnes d’intimidation, en particulier les loyalistes du Hezbollah, qui utilisent Twitter pour menacer les journalistes", critique également RSF. Enfin, l'organisation rappelle que, depuis octobre 2019, "les reporters qui travaillent pour les médias proches du pouvoir sont malmenés par les manifestants".
Dans son commentaire sur la situation régionale au Moyen-Orient, RSF estime que "le chemin sera encore long avant que (la région) devienne un eldorado pour les journalistes". Rappelant l'assassinat du journaliste et analyste politique Lokman Slim en 2021, l'association soulève le fait que "les attaques en ligne et les menaces de mort contre les journalistes se multiplient et se matérialisent aussi dans la vie réelle". "Face à l’inaction des autorités, plusieurs d’entre eux ont été contraints de fuir à l’étranger", déplore-t-elle.
Début février, un an tout juste après l'assassinat de l'analyste politique, cinéaste, éditeur et opposant au Hezbollah, RSF avait annoncé saisir l'Onu sur ce crime, afin de demander à l'organisation internationale de s'assurer que les autorités libanaises "prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et la protection" des journalistes.
A l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, qui tombe le 3 mai, l'ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo, a estimé, dans un tweet, que "dans cette période difficile, le Liban a que jamais besoin d'une presse libre, indépendante et responsable".
Nos chefs de tribus jeunes ou vieux sont toujours présents . Comment donc ne pas vivre alors leurs pressions politiques et l’injustice sociale dans toutes ses formes . Pauvre pays
18 h 36, le 03 mai 2022