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Culture - Spectacle

La Guerre froide s’installe à l’Opéra de Paris

Renée Fleming, l’une des plus célèbres sopranos américaines, incarne Pat Nixon face au baryton Thomas Hampson dans le chef-d’œuvre de John Adams « Nixon in China ».

La Guerre froide s’installe à l’Opéra de Paris

Renée Fleming à Paris le 10 mars 2023. Julien de Rosa/AFP

Quel est l’opéra le plus approprié à voir en pleines tensions entre Washington et Pékin ? Nixon in China, chef-d’œuvre de John Adams, fait son entrée aujourd’hui samedi à l’Opéra de Paris, avec une résonance particulière.

Créé en 1987, quinze ans après la visite historique du président américain en Chine, cet opéra avait connu des débuts controversés avant de devenir un classique aux États-Unis. Trente-six ans plus tard, il est à l’affiche d’au moins cinq maisons d’opéra en Europe, où il est moins connu.

« On le prend de nos jours au sérieux d’autant plus qu’on parle de la Chine et les États-Unis aux infos tous les jours, un signe de la fragilité de la paix mondiale », commente Renée Fleming, l’une des plus célèbres sopranos américaines.

La star interprète pour la première fois le rôle de Pat Nixon, l’épouse du président (elle est revêtue sur scène d’un manteau rouge, semblable à celui célèbre porté par la Première dame lors de la visite). À ses côtés, son compatriote, le baryton Thomas Hampson qui campe un Nixon plus vrai que nature.

L’affiche de l’opéra « Nixon in China » à l’Opéra de Paris. Photo DR

La métaphore du ping-pong

À la prégénérale lundi – qui a coïncidé avec le jour de la visite du président chinois Xi Jinping à Moscou –, le livret d’Alice Goodman résonnait étrangement avec l’actualité.

« Votre main tendue, les signaux que nous fait la Russie, tout cela paraît ambigu », chante le personnage de Zhou Enlai (Premier ministre chinois sous Mao Tsé-toung) à l’adresse de Nixon qui appelle à la paix.

« Cet opéra résonne comme un rappel de la nécessité de la diplomatie entre les puissances en cette période d’incertitude », affirme le baryton Xiaomeng Zhang, qui incarne Zhou Enlai.

S’inspirant de la diplomatie du ping-pong, ces échanges de joueurs américains et chinois dans les années 1970, la metteuse en scène argentine Valentina Carrasco transforme les artistes du chœur de l’opéra en joueurs de tennis de table ou se lançant des balles des deux côtés des tribunes.

« Ça évoque la Guerre froide, un monde bipolaire, avec un filet au milieu et les deux camps se rejetant la responsabilité », explique Mme Carrasco.

Plus de 30 ans après la première mise en scène de Peter Sellars, « on peut se permettre de faire une mise en scène moins littérale et plus symbolique », ajoute-t-elle.

Parmi les autres symboles : l’aigle américain et le dragon chinois, le Petit Livre rouge, les uniformes des gardes rouges, mais aussi la répression en Chine, avec un tableau saisissant où le plateau est surélevé pour montrer, comme dans une prison souterraine, des scènes de censure de livres et de détenus battus.

Sur un grand écran, apparaissent de nombreuses photos de la visite, de même qu’un mini-documentaire sur la répression des musiciens qui jouaient de la musique occidentale au moment de la Révolution culturelle.

Au-delà de la mise en scène, que pense aujourd’hui le compositeur de son œuvre à la musique somptueuse ?

« J’ai créé cet opéra il y a tellement longtemps que j’ai l’impression que c’est quelqu’un d’autre qui l’a écrit », plaisante John Adams, 76 ans, joint par téléphone de Paris.

Il rappelle les débuts « très controversés » de l’opéra, un des rares à traiter de politique contemporaine. « Les opéras ont toujours été à propos de mythes grecs, de dieux nordiques ou de mélodrames comme les œuvres de Puccini », explique-t-il. Mais l’attitude du public « change avec le temps et fait qu’il apprécie l’œuvre ».

S’il confie ne pas « avoir la main » sur les différentes mises en scène, il a tenu à ce que les chanteurs interprétant les Chinois soient d’origine asiatique (John Matthew Myers pour Mao, Kathleen Kim pour Mme Mao, etc.).

En 2021, une polémique avait éclaté autour d’une production en Écosse accusée de yellowface (grimage en jaune).

Rana MOUSSAOUI/AFP

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