La livre fait des montagnes russes, colère dans la rue

Après avoir atteint une dépréciation record de 143.000 LL sur le marché parallèle mardi matin, la livre libanaise s'échangeait en soirée aux alentours de 108.000 LL, une semaine après que le seuil symbolique des 100.000 livres a été franchi. Cette variation soudaine s'explique en partie par la hausse du taux de la plateforme Sayrafa par la Banque du Liban (BDL), qui l'a fixé à 90.000 LL.

Selon certaines plateformes en ligne, le dollar s'achetait à 108.000 LL et se vendait à 105.000 LL vers 20h30. 

Une remontée du taux qui a suivi, après l'annonce de l'intervention de la BDL, celle de l'Association des banques du Liban (ABL) comme quoi la grève des établissements bancaires serait suspendue à partir de mercredi, pour une période indéfinie. 

De nombreux changeurs sur le marché parallèle refusaient mardi matin de servir des clients, selon des témoignages parvenus à L'Orient-Le Jour. La dégringolade de la livre s'est accompagnée d'une flambée des prix des carburants, en forte hausse dans la matinée, avant qu'une baisse significative ne soit enregistrée dans l'après-midi.
Cette situation a poussé les propriétaires des stations services à tenir une réunion urgente mardi après-midi, durant laquelle ils se seraient mis d'accord sur une tarification en dollar au taux du marché parallèle, outrepassant ainsi la tarification quotidienne officielle du ministère de l'Energie.

Quant aux pharmacies, elles ont été appelées par leur Ordre à la fermeture sur tout le territoire. Une décision sur laquelle est revenue l'Ordre en fin de journée, après avoir trouvé un accord pour le paiement des factures aux importateurs de médicaments. 

Routes fermées

Sur le terrain, de nombreuses routes ont été fermées à travers le territoire. A Beyrouth, des protestataires ont bloqué à l'aide de conteneurs la route de Corniche Mazraa et celle de Cola, dans le sud de la capitale.

Des manifestants bloquant l'accès au rond-point de Cola, dans le sud de Beyrouth, le 21 mars 2023. Photo Mohammad Yassine

À Tripoli, dans le Nord, des manifestants ont bloqué un tronçon de l'autoroute avec des bennes à ordures et des pierres, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). "On demande au pouvoir de partir et de trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard", a scandé l'un des manifestants.

Lire aussi

Pourquoi les crises bancaires libanaise et américaine n’ont presque rien en commun

Dans la Békaa, à Baalbeck, des chauffeurs de camionnettes ont bloqué la route pour protester contre la dépréciation de la livre et la forte augmentation des prix des carburants, indique également l'Ani. D'autres manifestants ont également bloqué l'axe Taalbaya-Chtaura.

Au Liban-Sud, des manifestants ont également bloqué l'autoroute Saïda-Beyrouth au niveau de Jiyeh et la route Tyr-Naqoura, indique notre correspondant dans la région Mountasser Abdallah.

Début mars, la livre libanaise avait franchi le seuil record de 90.000 LL, avant de subitement remonter à 80.000 LL à la suite d'une série de mesures annoncées par le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, qui avait relevé entre autres le taux Sayrafa à 70.000 LL. Le taux actuel de Sayrafa a été fixé à 90.000 LL mardi après-midi, alors qu'il était de 83.500 LL la veille.

Le taux officiel de la livre est de 15.000 LL contre le dollar, après avoir été maintenu pendant 25 ans à 1.500 LL.

En plus de trois ans de crise économique au Liban, la monnaie nationale s'est dépréciée de plus de 98 % de sa valeur par rapport à l'ancien taux officiel. Pendant ce temps, sans président ni gouvernement de plein exercice, les autorités libanaises piétinent dans l'adoption des réformes nécessaires pour enrayer l'effondrement économique et financier.