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Culture - Cinéma

Bienvenue dans le monde fabuleux des frères Zarazir

Leur court métrage « Les Sœurs de la rotation » (Saydet al-Barmeh) a été sélectionné au prestigieux festival South by Southwest (Austin, Texas). Portrait de deux réalisateurs/producteurs émergents et discrets à suivre assurément.

Bienvenue dans le monde fabuleux des frères Zarazir

Michel et Gaby Zarazir : « Deux têtes valent mieux qu’une. » Photo DR

Nous avons eu l’occasion (très belle d’ailleurs) de voir cette pépite cinématographique à l’invitation de l’ALBA, avant que le film de Michel et Gaby Zarazir ne soit sélectionné au festival South by Southwest qui récompense entre autres le milieu de la musique et des films de télévision et de cinéma. Les Sœurs de la rotation parle, comme son nom l’indique, de certaines habitudes de la vie cléricale. Mais il traite aussi des disputes entre les communautés et questionne surtout le pouvoir, le lavage de cerveau, et le poids de la religion ainsi que les extrémismes en tous genres qui sont devenus tellement communs à l’échelle mondiale.

Zoom sur image

Au milieu d’un paysage sauvage enneigé dans les Cèdres de Tannourine, des religieuses, ayant de différentes conceptions de la foi et de la religion, entretiennent des rapports tendus. Tourné non sans difficultés au début de la pandémie du Covid en 2021 alors que personne ne connaissait encore le comment et le pourquoi de cette maladie, Les Sœurs de la rotation est une comédie noire, loufoque qui raille les choses les plus sérieuses et tourne en dérision le genre humain, sans critiquer une communauté précise. « Nous avions écrit le scénario en décembre 2020, après la catastrophe de l’explosion du port, et dans les pires moments du Covid, alors qu’il n’y avait pas de vaccin encore et qu’il fallait remplir une fiche pour sortir de chez soi. Même que la préproduction s’est faite sur Zoom, confient tour à tour Gaby et Michel. Nous avions décidé, début février, qu’il fallait commencer le tournage en mars, or il n’avait pas encore neigé. La neige, pour nous, était essentielle. Elle était autant cadre de l’action qu’actrice elle-même. Soudain, une tempête souffla et nous devions nous empresser de monter aux Cèdres de Tannourine avant que la neige ne fonde », témoignent les réalisateurs.

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Ce fut dix jours de course folle contre la montre, d’efforts conjugués d’une équipe dévouée et d’une directrice de production, Joy Zeinoun, ainsi que d’un producteur exécutif, Imad Creidi. « Heureusement qu’on avait les noms des actrices principales à l’esprit : Betty Taoutel et Zeina Sfeir », soufflent les frères Zarazir. L’aventure pouvait donc commencer.

Betty Taoutel en mère supérieure. Photo DR

Ping-pong et couture

Le cinéma du duo Zarazir est pétri d’échange et de partage. Michel et Gaby réfléchissent ensemble, écrivent ensemble, réalisent et produisent ensemble. « Deux têtes valent mieux qu’une », disent-ils en rigolant. Et Michel d’ajouter : « Nous écrivons ensemble comme un jeu de ping-pong. Nous discutons les idées jusqu’à ce que nous tombions d’accord et nous les développions à deux. » Et de préciser : « Il y a beaucoup de coscénaristes qui ne s’entendent pas. Ce n’est pas notre cas. De plus, il est également intéressant d’être à la fois producteur et scénariste. Notre casquette de réalisateurs nous aide en tant que producteurs et vice versa. Si nous rentrons dans le projet des autres depuis le début, nous intervenons beaucoup en donnant des idées. Pour choisir les projets, nous prenons en considération d’abord le côté humain. Il faut ensuite que l’idée aboutisse à une mise en forme originale. Ainsi nous sommes ouverts à toutes les possibilités locales ou arabes. Pour ne pas tomber dans le piège des publicités pour les travaux alimentaires, nous pouvons également être producteurs exécutifs d’un film, faire une estimation sans s’impliquer dans le projet. » Le cinéma de ces deux jeunes trentenaires est aussi confection. Penser aux habits des protagonistes, s’inspirer de la nature pour dessiner les comportements humains, aller à la quête d’un artisan qui coud de vraies barbes en Ukraine, mais aussi braver les intempéries et les routes fermées en pleine neige, les Zarazir n’ont reculé devant rien et brodent leur film avec minutie. « Nous aurions tout fait pour le projet. Nous n’avons pas de limites. Il suffit de patienter et de ne pas faire de concessions pour que le film soit une réussite. Après tout, malgré toutes les difficultés de ce tournage, c’était une formidable expérience. »

Zeina Sfeir pour son premier rôle au cinéma interprète une religieuse rebelle. Photo DR

Travelling arrière

Comment ces réalisateurs diplômés de l’ALBA à quelques années d’intervalle ont-ils, avec beaucoup de discrétion, su se dessiner un plan de route ? « Lorsque j’étais déjà en classe de brevet, raconte Gaby, mon père m’a offert un caméscope avec lequel je m’amusais à filmer entre autres les présentations d’études. Plus tard, lorsque je voulais rentrer à l’école militaire et Michel souhaitait devenir ingénieur agronome, c’est lui aussi qui nous poussa à faire des études de cinéma. Il avait décelé en nous un certain talent. Et pourtant, il n’est issu d’aucun milieu artistique. Ayant tous deux fait nos études chez les sœurs de la Croix, le seul film qu’on avait vu était Marcellino Pane Vino. » « Dès les bancs de l’ALBA, renchérit Michel, nous avons commencé à travailler ensemble. Ainsi, sur mon film de master, j’étais réalisateur et mon frère était producteur et vice versa. »

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Après les études universitaires, le tableau était clair pour les deux frères. Ils travailleraient leurs films ensemble de l’écriture à la réalisation jusqu’à la production. Pour ce dernier volet, ils créeront leur propre maison de production qui porterait le nom également sorti de l’ordinaire tout comme leur travail. « Madame le Tapis », un nom dont ils taisent le secret de son origine. L’ambiance des frères Zarazir ? C’est assurément l’humour noir qui évoque tantôt l’art de Nani Moretti, de Jacques Tati ou d’Ettore Scola. Selon. Mais ils avouent que leurs seules influences proviennent du réel. « Nous ne voyons pas beaucoup de films pour demeurer un terrain vierge. Nous ne pouvons pas nous promener dans les rues du Liban sans avoir des milliers de sources d’inspiration et y puiser des récits absurdes que nous pouvons raconter. De plus, si nous faisons des comédies, ça ne veut pas dire que nous n’aimons pas le drame, mais le 7e art ouvre la possibilité de transformer le drame en comédie. » En tant que scénaristes et réalisateurs, leur monde est teinté d’humour noir, voire de fantastique mais dès lors qu’ils sont sur un projet de production qui n’est pas le leur, ils diversifient leurs choix. Ainsi, actuellement, ils travaillent sur deux projets en postproduction documentaire, leur long métrage de fiction en phase de financement Trip to Jerusalem*, et des courts métrages en financement ou en distribution comme Saydet el-Barmeh qui commence sa tournée dans les festivals.

Si les principaux sujets abordent le milieu clérical (Saydet al-barmeh ou Sous les soutanes – 2016), « c’est parce qu’au sein de notre famille, nous avons beaucoup côtoyé les religieux et c’est parce que ce milieu est un vivier de réflexions qui crée une satire assez imagée. Nous ne parlons pas des religions en tant que croyances mais nous traitons des humains qui sont derrière la soutane qui mangent, rentrent aux toilettes… »

Le film Les Sœurs de la rotation a fait sa première au festival Red Sea à Djeddah. Le long métrage Trip to Jerusalem (en phase de financement) était également au marché de ce festival. Il a gagné deux prix et son tournage doit commencer l’automne prochain. Gaby et Michel Zarazir ne chôment pas. « Moteur, ça tourne et action. »

Bande annonce :

TRAILER - Sisters of the Rotation from madame le tapis on Vimeo.

*Pour participer au financement du film « Trip to Jerusalem » : https://www.filmindependent.org/programs/fiscal-sponsorship/trip-to-jerusalem/

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