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Duel aux chandelles

Pour plus d’une raison, il faut saluer le très insolite sit-in amorcé jeudi au Parlement par deux députés de la contestation.


La première est qu’il en était grand temps. Grand temps en effet de voir ces élus de fraîche date, atypiques, non conventionnels, faire preuve enfin d’esprit de corps au lieu de se scinder en groupes disparates. Ce navrant éparpillement s’est d’ailleurs traduit par l’évaporation en pure perte – et parfois même en franche invalidation ! – de leurs bulletins de vote lors des précédents rounds du scrutin présidentiel. Or, s’obstiner à voter inutile, à tirer à blanc juste pour faire pan-pan, n’est-ce pas en somme, consciemment ou non, faire le jeu des saboteurs de scrutin armés de bulletins de cette même, et faussement innocente, couleur ?


Pour les adeptes du changement, à ce titre envoyés par les électeurs siéger à l’Étoile, il était grand temps aussi de faire preuve d’esprit d’innovation, de sortir des sentiers battus. Retranchés dans l’hémicycle jusqu’à ce qu’élection présidentielle s’ensuive, brandissant à l’appui de leur geste les claires dispositions de la Constitution, Melhem Khalaf et Najate Saliba sont rien moins qu’assurés, bien sûr, de toucher le jackpot. Mais leur initiative aurait de bonnes chances de faire boule de neige, de peser sur la balance, s’ils étaient rejoints ou relayés par leurs compagnons d’armes, mais aussi, pourquoi pas, par les partis d’opposition. Car se contenter d’aller sur place proclamer soutien et appui devant les caméras de la télévision, n’est-ce pas seulement voler au secours de l’évènement, du happening, du spectacle ?


Parlant de spectacle, si ce sit-in est fort bienvenu, c’est enfin – et même surtout – par le bien-fondé, la justesse de son casting. Le mauvais rôle y est, en toute logique et équité, résolument dévolu au président de l’Assemblée : l’homme précisément censé veiller au respect de la Loi fondamentale et rappeler à l’ordre récalcitrants et contrevenants. Nabih Berry est sans doute le seul chef de législatif au monde à avoir, de longs mois durant, interdit aux représentants du peuple ne serait-ce que l’accès au Parlement, géré comme on le ferait d’une propriété privée. Le sit-in, un Berry méprisant n’y avait vu que bêtise ; mais comment donc qualifier son ahurissante décision de faire couper le courant électrique aux singuliers grévistes? Quid aussi du report de la prochaine séance électorale, décrété par caprice, par pur dépit et défi ? Le résultat de ces outrances est là : des images-choc qui font la une des journaux écrits et télévisés, et où l’on a vu les rebelles et leurs visiteurs bivouaquant dans l’hémicycle et s’éclairant à l’avaricieuse lumière de leurs lampes de téléphone portable.


De cet inégal et extravagant duel aux chandelles, les grévistes ont décidément remporté la première manche ; et, comme de juste, c’est le camp d’en face qui se fait barbouiller de noir : le noir le plus intégral, le plus absolu. Le noir Électricité du Liban. Le même noir enveloppant l’humiliation essuyée hier par notre pays, privé de droit de vote à l’ONU pour défaut de paiement…

Issa Goraieb
igor@lorientlejour.com

Pour plus d’une raison, il faut saluer le très insolite sit-in amorcé jeudi au Parlement par deux députés de la contestation. La première est qu’il en était grand temps. Grand temps en effet de voir ces élus de fraîche date, atypiques, non conventionnels, faire preuve enfin d’esprit de corps au lieu de se scinder en groupes disparates. Ce navrant éparpillement s’est d’ailleurs...