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Économie - Monnaie

La BDL resserre les vannes de Sayrafa

La livre libanaise a retrouvé hier soir le niveau qu’elle affichait avant le 27 décembre.

La BDL resserre les vannes de Sayrafa

Le dollar sur le marché libre est passé d’environ 43 000 livres dimanche soir à plus ou moins 46 000 livres dans l’après-midi d’hier. Photo d’archives AFP

Près de deux semaines après avoir totalement ouvert les vannes, la Banque du Liban a fini par restreindre à nouveau les modalités des opérations de conversion de livres libanaises en dollars « frais » au taux de sa plateforme Sayrafa, qui est généralement moins élevé que celui des agents de change. La mesure a secoué le taux du marché, qui gravitait depuis fin décembre entre 42 000 et 44 000 livres pour un dollar.

Encore à l’état de rumeur dimanche, l’information concernant le resserrement des modalités de ces conversions notamment autorisées par la circulaire n° 161 de la BDL a été confirmée hier à L’Orient-Le Jour par plusieurs banques. Bank Audi a ainsi évoqué des « instructions de la BDL transmises entre vendredi soir et hier matin » imposant que « les sociétés ne puissent plus bénéficier de Sayrafa » (donc convertir en dollars des montants en livres au taux de la plateforme) et fixant les plafonds autorisés aux particuliers à « 100 millions de livres par mois », alors qu’ils étaient en théorie illimités.

Le PDG d’AM Bank Marwan Kheireddine n’a pas fait plus de commentaires et une troisième source à Blom Bank a également rapporté les mêmes informations.

Changement de cap soudain

Une source à la BDL a confirmé le plafond de 100 millions de livres imposé aux particuliers. Certains établissements avaient d’ailleurs initialement choisi ce seuil pour limiter les opérations de conversion même quand la BDL avait supprimé les plafonds, tandis que d’autres avaient opté pour des limites beaucoup plus élevées. La procédure était en principe la suivante pour tous : les clients venaient d’abord déposer les fonds à convertir (tout le plafond en une fois) et devaient revenir un autre jour à la banque pour récupérer l’équivalent en dollars « frais ».

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Pour un autre banquier s’exprimant sous couvert d’anonymat, « le changement de cap soudain » de la BDL a obligé les banques à contacter les clients qui avaient déposé des livres jeudi (vendredi était férié à l’occasion de la Noël orthodoxe) pour leur demander de venir récupérer les fonds qui n’ont pas pu être convertis. « Il n’y a heureusement pas eu d’incidents, mais il aurait été préférable que la BDL prévienne à l’avance qu’elle allait fermer les vannes », a-t-il ajouté.

Taux stable en fin de journée

Le resserrement des modalités de Sayrafa s’est logiquement répercuté sur la demande de dollars auprès des agents de change, poussant le taux d’environ 43 000 livres dimanche soir à plus ou moins 46 000 livres dans l’après-midi d’hier, selon les plateformes indicatrices des taux Lirarate.org et Adde dollar (« À combien le dollar »). Bien que stable en fin de journée, le taux a finalement retrouvé un niveau proche de celui affiché avant le 27 décembre dernier, date à laquelle la BDL a supprimé temporairement les limites de conversion.

Actualisé tous les jours ouvrés selon un mécanisme dont la BDL garde le secret, le taux de Sayrafa est toujours fixé à 38 000 livres pour un dollar. Ce taux qui oscillait à un rythme plutôt lent a été brutalement relevé de près de 7 000 livres par la BDL le 27 décembre dernier. Il n’a toujours pas été modifié depuis.

Depuis la levée des plafonds, le volume des opérations au taux de Sayrafa rapporté chaque jour ouvré par la BDL a explosé tous les records, avec une moyenne de 233,4 millions de dollars sur cinq jours de traitement effectif des demandes entre le 28 décembre et le 5 janvier. L’opacité du marché des changes ne permet actuellement pas de mesurer à quel point les spéculateurs ont pu surfer sur la levée temporaire des plafonds en jouant sur les différences des taux (celui de Sayrafa et celui du marché).

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Dimanche soir, la BDL a sommairement expliqué que ces volumes, qui sont publiés en même temps que la mise à jour du taux de Sayrafa, comptabilisaient les dollars que l’institution avait « achetés et vendus » et « les achats et ventes de dollars effectués par les banques et les bureaux de change, qu’ils sont supposés enregistrer sur la plateforme ». Elle a jugé « normale » la hausse des volumes de ces derniers mais n’a pas fourni de détails sur la décomposition de ceux communiqués.

Les banques libanaises restreignent toujours l’accès d’une majorité de leurs clients à plusieurs dizaines de milliards de dollars de dépôts, des limites adoptées unilatéralement au début de la crise en 2019 et qui n’ont toujours pas été légalisées. Cette situation est à l’origine de la distinction de fait entre les dollars « frais » échangeables au taux réel du marché et les « dollars bancaires » coincés dans les banques.

En dehors des opérations au taux de Sayrafa, c’est auprès des changeurs légaux et illégaux que les différents acteurs du marché se fournissent en dollars. La demande de dollars est très forte, comme en témoigne la dépréciation de la livre, qui a perdu plus de 95 % de sa valeur depuis 2019 dans un pays surendetté, mal géré et qui importe l’essentiel de ses besoins.

Contrôle des capitaux : le projet de loi est presque prêt, selon Bou Saab

Les commissions parlementaires mixtes ont consacré une nouvelle réunion hier à l’examen du projet de loi établissant un contrôle formel des capitaux qui doit légaliser, en principe de manière équitable, les restrictions bancaires imposées aux déposants depuis 2019. S’exprimant sur son compte Twitter, le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab, qui préside également les commissions mixtes, a écrit que le projet amendé pourrait être adopté dès la prochaine réunion.

Dans une déclaration à l’agence al-Markaziya, il a ajouté que l’une des dispositions (l’article 6) prévoyait de permettre aux déposants dont l’accès aux comptes en devise a été restreint de retirer chaque mois au moins « 800 dollars », dont la moitié en devise et l’autre en livres libanaises au taux du marché. Une disposition qui ressemble à s’y méprendre à une version actualisée du mécanisme de la circulaire n° 158 de la Banque du Liban. Lancée en juin 2021, elle ouvre à certaines conditions la faculté à des déposants de retirer 400 dollars « frais » et l’équivalent au taux de 12 000 livres pour un dollar (200 en espèces et 200 utilisables uniquement par carte).

Si la BDL considère que ce type de dispositifs – elle en a activé d’autres similaires depuis le début de la crise – permet d’aménager les restrictions bancaires pour préserver une partie du pouvoir d’achat, ses détracteurs lui reprochent de chercher à les légitimer de manière insidieuse. Le projet de loi formalisant le contrôle des capitaux est lui loin de faire l’unanimité. Les critiques soulignent le fait qu’il consacre la distinction inique et anticonstitutionnelle entre « anciens » et « nouveaux » dépôts et qu’il absout les banques des violations à la loi et aux contrats les liant à leurs clients qu’elles ont commises depuis le début de la crise.

Près de deux semaines après avoir totalement ouvert les vannes, la Banque du Liban a fini par restreindre à nouveau les modalités des opérations de conversion de livres libanaises en dollars « frais » au taux de sa plateforme Sayrafa, qui est généralement moins élevé que celui des agents de change. La mesure a secoué le taux du marché, qui gravitait depuis fin décembre...

commentaires (2)

La politique de subvention de la BDL est vouée à l'échec. La BDL brûle de l'argent. Nous avons vu le résultat de la subvention de l'essence, de certains aliments, des médicaments qui ont surtout profité à nos voisins. Sayrafa n'est rien d'autre qu'une énième tentative de la BDL de réguler le marché, avec celui de la livre Libanaise maintenant. Le résultat est toujours le même : le prix revient à des valeurs de marché. Entre-temps la BDL a brulé des milliards pour rien.

K1000

02 h 49, le 10 janvier 2023

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Commentaires (2)

  • La politique de subvention de la BDL est vouée à l'échec. La BDL brûle de l'argent. Nous avons vu le résultat de la subvention de l'essence, de certains aliments, des médicaments qui ont surtout profité à nos voisins. Sayrafa n'est rien d'autre qu'une énième tentative de la BDL de réguler le marché, avec celui de la livre Libanaise maintenant. Le résultat est toujours le même : le prix revient à des valeurs de marché. Entre-temps la BDL a brulé des milliards pour rien.

    K1000

    02 h 49, le 10 janvier 2023

  • “ Les critiques soulignent le fait qu’il consacre la distinction inique et anticonstitutionnelle entre « anciens » et « nouveaux » dépôts”. Inique, vraiment? Faite moi grâce de votre populisme et soyons réalistes. Car c’est bien la seule solution pour à la fois allouer les pertes et espérer relancer l’économie.

    Akote De Laplak

    00 h 55, le 10 janvier 2023

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