
Hussein Baarini, 37 ans, pris en photo avec la dépouille de son fils dans les bras. Photo fournie par Michel Hallak
Au Akkar, une scène effroyable a témoigné cette semaine des pratiques surréalistes dans certains établissements hospitaliers depuis que la crise sévit au Liban : un père de famille dont le nouveau-né est mort à l’hôpital, a été contraint de laisser sur place sa voiture en guise de garantie afin de pouvoir récupérer le corps de son nourrisson mort. La photo de Hussein Baarini, 37 ans, marchant dans la rue avec dans les bras un nouveau-né enveloppé d’une couverture, a suscité un vif émoi sur les réseaux sociaux et relancé le débat sur l’accès des Libanais aux hôpitaux en période de crise et le traitement parfois « inhumain » réservé à ceux qui ne peuvent pas payer les factures exigées en dollars « frais » par le système de santé, depuis que la livre libanaise a commencé à perdre de sa valeur.
Dans les faits, après avoir été maintenu en couveuse pendant 25 jours, le nouveau-né est décédé en début de semaine. L’hôpital Habtour, à Hrar, dans le Akkar, a alors demandé à Hussein Baarini de s’acquitter de la somme de 2 400 dollars avant de pouvoir récupérer le corps de son enfant. « Je n’avais que 400 dollars sur moi. La comptable a alors exigé que je laisse ma voiture sur place en guise de garantie. Elle a ensuite demandé à un médecin qui passait par là, et qui n’avait rien à voir avec notre histoire, de lui donner une estimation du coût de la voiture. Ce dernier a dit qu’il pensait qu’elle valait 2 000 dollars », raconte M. Baarini à L’Orient-Le Jour. « J’ai accepté cette proposition. N’ayant plus de moyen de locomotion, j’ai dû marcher jusqu’à l’autoroute avec le corps de mon fils dans les bras, puis j’ai pris un taxi jusqu’au village », poursuit-il.
Hussein Baarini, qui travaille comme gardien dans une école du village de Fneideq, est conscient d’avoir été « traité de manière inhumaine ». « Ils ont agi comme si j’étais un ennemi ou un étranger. Je touche 1 700 000 livres par mois (environ 40 dollars au prix du marché parallèle). J’avais donc besoin d’un peu temps pour pouvoir récolter 2 400 dollars auprès de ma famille ou de mes amis », soupire-t-il.
Mesures disciplinaires à l’encontre de l’employée
Construit en 2016 par l’homme d’affaires émirati Khalaf Habtour, l’hôpital privé où s’est déroulé l’incident est l’un des rares centres de santé de cette région qui souffre d’une absence presque totale de projets de développement. Contacté par L’OLJ, Rabih Samad, directeur général de l’hôpital, assure que l’établissement « a pris des mesures disciplinaires à l’encontre de l’employée qui a demandé au père du nourrisson d’hypothéquer sa voiture » pour récupérer la dépouille de son enfant. « Elle aurait dû consulter l’administration avant de prendre une telle décision. Elle est en arrêt jusqu’à la fin de notre enquête », indique le Dr Samad. Il assure avoir appelé Hussein Baarini pour lui présenter ses excuses.
Le directeur général de l’hôpital estime toutefois que le père « est issu d’une famille aisée et a les moyens de payer ». « Nous avons quand même trouvé un donateur qui était prêt à couvrir sa facture. Nous lui avons demandé de récupérer sa voiture », poursuit le directeur.
Hassan Baarini, lui, dit ne pas avoir voulu récupérer le véhicule. « Je n’ai pas accepté l’aide de l’établissement. Je n’ai besoin de personne. J’ai réussi à me débrouiller », lance-t-il.
Réagissant à l’incident, le député du Akkar Walid Baarini, qui est issu du même village que le père de l’enfant, a appelé la direction de l’hôpital à « revoir sa manière de traiter avec les patients ». « Nous appelons l’hôpital à faire preuve d’indulgence envers les familles. Certains établissements traitent de manière scandaleuse avec les patients », a affirmé M. Baarini, dans une déclaration rapportée par notre correspondant Michel Hallak
commentaires (9)
Décidément je ne portais jamais m’habituer à l’horreur de ces situations qui existaient déjà bien avant la crise … L’accès aux soins et les familles qui jonglent avec endettement et vente de biens Je ne compte plus les nouveaux nés pris en otage dans des couveuses le temps que les parents puissent trouver de quoi régler les factures .. Aujourd’hui les gens braquent des banques pour se soigner Ce pays a plus que souvent marché sur la tête mais on n’en parlait pas Bravo Zeina
Noha Baz
18 h 39, le 11 décembre 2022