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Politique - Éclairage

Les enjeux du retour de Fayçal Karamé dans l’arène politique

« J’ai des liens d’amitié, de voisinage et d’alliance avec les Frangié », affirme le député de Tripoli à « L’Orient-Le Jour ».

Les enjeux du retour de Fayçal Karamé dans l’arène politique

Fayçal Karamé célèbre sa réélection avec des sympathisants à Tripoli. Photo fournie par notre correspondant Michel Hallak

C’est la revanche du « efendi ». Après que le Conseil constitutionnel (CC) a accepté jeudi deux recours en invalidation concernant les élections de mai, dont celui de Fayçal Karamé contre Rami Fanj, le zaïm tripolitain fait son grand retour au Parlement. Plus de six mois après sa défaite aux législatives, qui avait été perçue comme une gifle au camp pro-Hezbollah, et surtout à l’influence de Damas au Liban, le grand retour du neveu du Premier ministre assassiné, Rachid Karamé, ne laisse pas indifférent. C’est d’autant plus le cas que la scène sunnite connaît un vide important depuis le retrait de Saad Hariri de la vie politique en janvier dernier, et que les forces politiques essayent en vain d’élire le quatorzième président de la République depuis le mois dernier.

Majorité pour le Hezbollah ?

La défaite de Fayçal Karamé, issu d’une famille politique prestigieuse – son père et son oncle étaient Premiers ministres –, a été perçue comme une victoire importante du 17 octobre contre les figures traditionnelles. D’autant plus que l’ancien député est un proche allié de Damas au Liban. Son retour au sein de l’hémicycle est donc une victoire pour le Hezbollah et le camp du 8 Mars. « Karamé est, et restera, un pion de la formation pro-iranienne, qui le finance et lui donne les moyens de continuer à exister », tranche un ancien député de Tripoli issu du 14 Mars, qui a requis l’anonymat. Dans ce contexte, certains accusent le Conseil constitutionnel d’avoir succombé aux pressions du Hezbollah. « Je pense qu’il s’agit d’une décision politique, car les formations traditionnelles sont irritées par mes positions souverainistes et réformistes. J’ai demandé au Conseil constitutionnel plus de clarifications, et je présenterai toutes les preuves au public au début de la semaine prochaine », avance Rami Fanj, contacté par L’Orient-Le Jour. Le député de la contestation a été l’un des premiers de son bloc à soutenir la candidature de Michel Moawad, le principal candidat du camp anti-Hezbollah pour l’élection présidentielle.

L'édito de Issa GORAIEB

Accoutumances

Même son de cloche du côté du député de Tripoli Achraf Rifi, qui estime que « vu la façon dont les membres du Conseil constitutionnel sont nommés, il est difficile de dissocier la politique de leur décision ». Pour rappel, cinq des dix membres du CC sont nommés par le Conseil des ministres tandis que les cinq autres sont élus par le Parlement. « L’objectif derrière la décision du CC est simple : le Hezbollah et ses alliés veulent modifier les équilibres au sein du Parlement à leur avantage », ajoute Achraf Rifi. Les élections de mai 2022 avaient accouché d’un Parlement sans réelle majorité. Si le camp pro-Hezbollah possède désormais 63 députés au Parlement, il peut compter parfois sur le soutien ponctuel de 13 « gris », principalement indépendants, qui prennent leurs décisions à la carte.Le retour de Fayçal Karamé est-il donc un moyen pour le Hezbollah de solidifier son influence au sein de la vie politique libanaise, d’autant que le pays est en pleine élection présidentielle ? « Le Hezbollah n’a fait que gagner une voix supplémentaire pour son camp, il est encore très loin des 86 (2/3 du Parlement) nécessaires à l’élection d’un président », estime l’ancien député du 14 Mars. N’importe quel tiers des députés peut en effet bloquer l’élection en privant la séance électorale de qorum. « Avec ou sans Karamé, le Hezbollah peut avoir la majorité absolue en piochant parmi les députés sunnites haririens. Avec ou sans Karamé aussi, le Hezbollah n’a pas les deux tiers », ajoute-t-il. Même son de cloche du côté du parti de Dieu. « Dans le contexte actuel, l’obtention de la majorité est très difficile pour quiconque », dit Kassem Kassir, un analyste proche de la formation pro-iranienne.

Scène sunnite

S’il n’est pas nécessairement décisif pour le Hezbollah, le retour de Fayçal Karamé pourrait lui permettre de jouer un rôle significatif sur la scène sunnite, surtout en l’absence de Saad Hariri. « Déjà, en la présence de Saad Hariri, dont nous ne nions pas le statut au sein de la communauté, nous avions établi un leadership sunnite alternatif avec mes collègues de la Rencontre consultative (sunnites du 8 Mars pro-Hezbollah, NDLR). Aujourd’hui, je compte également jouer un rôle rassembleur au sein de la communauté et du pays », déclare-t-il à L’Orient-Le Jour. Du côté du Hezbollah, on espère que le zaïm tripolitain pourra exercer un rôle qui leur serait favorable sur la scène politique. « Fayçal Karamé pourrait représenter un contrepoids à Tripoli contre Achraf Rifi, mais aussi au niveau sunnite national, même si la scène reste éparpillée au sein de cette communauté », suppute Kassem Kassir. Si le patron du Courant de la dignité et ses alliés semblent y croire, tout le monde ne l’entend pas de la même oreille. « Être issu d’une grande famille politique ne veut absolument rien dire. Les sunnites n’accepteront pas un nouveau leader simplement parce qu’il est de la famille Karamé », affirme l’ancien député du Nord. « Il a obtenu 8 % des voix lors des dernières élections… qu’il arrive à convaincre sa propre ville de son leadership, et on verra ensuite s’il peut être un leader national », ajoute-t-il.

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C’est également ce que pense une figure politique de la ville. « La scène sunnite n’acceptera pas un leader issu du 8 Mars », tranche-t-elle. Car pour se positionner au centre la communauté, le nouveau député devra sortir des alignements politiques rigides. Et il en est conscient. « Les gens me classent dans le camp du 8 Mars… Ce n’est pas vrai, le 8 Mars n’existe même plus. Je suis ouvert à toutes les composantes politiques et suis favorable à l’union nationale », affirme-t-il. Ce n’est d’ailleurs pas qu’au niveau local que Fayçal Karamé souhaite s’afficher comme une figure ouverte. Au cours de cette année, il a rencontré à plusieurs reprises l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari. « J’ai d’excellentes relations avec Riyad », affirme-t-il, alors que la capitale saoudienne est un passage obligé pour quiconque souhaite exercer une influence sur la scène sunnite au Liban. Dans le passé, le fils de Omar Karamé a également essayé d’entamer un rapprochement avec Ankara pour consolider sa position au sein de la deuxième ville du Liban, sans que cela ne se concrétise. En plus d’avoir un impact sur l’équilibre au sein de la scène sunnite, le retour de Fayçal Karamé pourrait également avoir des répercussions positives sur le pari présidentiel de Sleiman Frangié. Le nouveau député est en effet un allié solide du leader des Marada, perçu comme le favori du tandem chiite pour l’élection présidentielle. « J’ai des liens d’amitié, de voisinage et d’alliance avec les Frangié », affirme-t-il à L’Orient-Le Jour. Votera-t-il pour lui lors de la huitième séance électorale prévue jeudi prochain ? « Je ne veux pas griller le nom de mon ami. Je vais attendre qu’un compromis se dessine », affirme-t-il. C’est dans ce cadre que M. Karamé compte rendre visite lundi au président du Parlement Nabih Berry. « Le président Berry a appelé à un dialogue et je souhaite contribuer à sa réalisation », ajoute-t-il, promettant de lancer après cette réunion des efforts pour fonder un bloc parlementaire. « Je ne sais pas encore qui sera membre, mais il s’agira d’un front de sauvetage national qui dépasse les confessions », imagine-t-il. Dans le passé, M. Karamé était dans le même bloc que les députés des Marada de Sleiman Frangié.

C’est la revanche du « efendi ». Après que le Conseil constitutionnel (CC) a accepté jeudi deux recours en invalidation concernant les élections de mai, dont celui de Fayçal Karamé contre Rami Fanj, le zaïm tripolitain fait son grand retour au Parlement. Plus de six mois après sa défaite aux législatives, qui avait été perçue comme une gifle au camp pro-Hezbollah, et...

commentaires (6)

Le Liban…roi du recyclage de pourritures…

Charles Ghorayeb

14 h 22, le 30 novembre 2022

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Commentaires (6)

  • Le Liban…roi du recyclage de pourritures…

    Charles Ghorayeb

    14 h 22, le 30 novembre 2022

  • Pourquoi la censure? Il. ‘Y a pas pour en racheter l’autre tous des pourris puants et incultes.

    Sissi zayyat

    14 h 00, le 28 novembre 2022

  • QUAND JE DIS QUE TOUS S,ACHETENT ET SE VENDENT AU LIBAN. CHACUN A SON PRIX. C,EST LE CAS PROBABLEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 20, le 27 novembre 2022

  • L’entité néo-safavide avait absolument besoin d’un sunnite à sa botte au parlement. Mais il n’arrive pas à la cheville d’Achraf Rifi. Le conseil constitutionnel a commis une grande erreur en acceptant de tels recours, car que dire de la régularité du vote dans un caza comme Baalbeck-Hermel où les armes illégales font la loi au quotidien et sont le moyen principal de pression et d’oppression sur les électeurs. Pas étonnant de la part d’une institution dont les membres ont été nommées par le précédent gouvernement et le précédent parlement, définition même de l’état profond. Par principe Mr Fanj ne devrait donc pas accepter la décision du CC. Les Tripolitains non plus. Et demander immédiatement une réélection partielle, en mobilisant la rue pour cela. En attendant la mobilisation populaire pour des législatives anticipées complètes qui sont la seule voie de salut pour le Liban.

    Citoyen libanais

    08 h 37, le 26 novembre 2022

  • Et nous, nous considérons Faycal Karame comme un pion acquis à la Syrie et à l’Iran dont les intérêts sont contraires à ceux du Liban. Nous refusons tout dialogue avec ce genre de personnage avant qu’il ne fasse une allégeance inconditionnelle au Liban

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 34, le 26 novembre 2022

  • No Comment !

    Sarkis Dina

    01 h 45, le 26 novembre 2022

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