À peine commencée, la Coupe du monde est déjà pleine ! Et pour cause : les Libanais ne sont pas au rendez-vous pour cause de dèche avancée. Le Mikati mi-décati n’a même pas été fichu de chouraver cinq pauvres millions de dollars pour sa chaîne chauffe-bain antédiluvienne de Télé Liban, qui auraient permis aux fanas du foot de se rincer l’œil gratis. En tout cas, ça n’a pas empêché cette armoire à glace déguisée en Premier ministre de se fendre d’un numéro de lèche hors pair, tout ruisselant de soumission, à l’adresse du prince sans rire d’Arabie, après la victoire de son pays sur l’Argentine.
Mais à quelque chose malheur est bon : la punition collective permettra au moins de continuer à savourer les âneries débitées par nos chefs politiques, qui en temps de Mondial ordinaire auraient été étouffées par les instincts rustres de la foule. Mieux encore, comme tous les Libanais sont logés à la même enseigne, les martiens qui n’ont rien à cirer du ballon rond ne sont plus regardés cette fois en pestiférés, véritables moutons noirs au milieu de l’hystérie générale.
Évidemment, on pourra toujours se consoler à peu de frais en pensant que nous avons échappé dans l’ordre ou le désordre : aux télés branchées à tue-tête sur les vérandas, aux dégaines vautrées en pyjama en train de s’empiffrer de pistaches arrosées de bière, aux émanations quasi radioactives des narguilés parfumés à l’essence chimique de fruits virtuels… Sans oublier les cris de gorge à chaque fois que le ballon rentre dans le filet et le hurlement malade du commentateur qui se croit obligé d’aboyer « goooaaaal ! » à chaque but, estimant sans doute que son public est trop taré pour comprendre…
En revanche, pas d’orgie de drapeaux sur des bahuts roulant à tombeau ouvert. À près d’un million de livres le bidon d’essence, les carrioles sont cette fois sagement rangées.
Alors à défaut de pouvoir regarder les matches, on se rabattra sur les reportages interminables couvrant les différentes équipes et leurs champions ! Des heures de direct pour admirer des façades d’hôtels rutilantes à Doha, puis des bus aux vitres fumées filant à toute allure avec des joueurs invisibles dedans. Sans compter les scoops frémissants servis avec force trémolos dans la voix. Saviez-vous par exemple que les Mexicains et les Polonais prennent un petit déjeuner tous les matins ? Incroyable ! Que Kylian Mbappé ne voyage jamais sans son smartphone ? Rien que des révélations ! Sans compter les jus de crâne diplomatiques selon lesquels les matches sont bidon et qu’ils servent de prétexte à un rapprochement entre… Washington et Riyad. Le délire à l’état brut !
Bref, un festival ! Le ballon a beau être rond, il est des têtes qui tournent moins rond que d’autres.
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (10)
"...véritables moutons noirs au milieu de l’hystérie générale." Et comment! Pourquoi faire? Pour regarder 22 énergumènes courir comme des fous derrière un ballon pendant plus de 90 minutes, durant lesquelles on risque de ne voir aucun "gooooooaaaal"! Par contre, les chutes se succèdent par centaines, sans parler des coups de pied et des crocs-en-jambes. Au fait, si on comptait les chutes, quitte à faire gagner l'équipe qui en a fait le moins???
Georges MELKI
14 h 23, le 28 novembre 2022