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Sport - Qatar

Mondial 2022 : Les « faux fans » sont-ils vrais ?

Soupçonnés d’avoir été payés par les autorités qataries pour soutenir les différentes nations qualifiées, les supporters filmés dans les rues de Doha se défendent de toute facticité.

Mondial 2022 : Les « faux fans » sont-ils vrais ?

Des fans argentins originaires du sous-continent indien défilant dans les rues de Doha, tambours en main, dans le quartier touristique de Souq Waqif, lors de la semaine précédant le début de la Coupe du Monde 2022. Amr Abdallah Dalsh/Reuters

« Au Qatar, on n’est plus à un mirage près. » Tel est le genre de réaction instinctive qu’a dû traverser l’esprit de tout un chacun après le visionnage des images des artères de la capitale qatarie ces derniers jours. On y voit de belles et longues marées humaines, parfaitement ordonnées, aux couleurs de l’Argentine, de l’Espagne, de l’Angleterre ou encore du Brésil, défilant dans la joie et la bonne humeur au rythme de tambours traditionnels qui n’ont visiblement pas grand-chose d’européens ou de sud-américains.

Précision nécessaire : il ne s’agit nullement ici de sous-entendre qu’un fan de football originaire du sous-continent indien ne pourrait pas être un fervent supporter de la sélection d’un pays situé de l’autre côté du globe. Tout d’abord parce qu’il pourrait très bien y être né ou en avoir la nationalité, mais aussi et surtout car le phénomène n’a plus rien de surprenant à l’heure de la mondialisation (qui plus est au Liban où la Seleção et la Nationalmannschaft se partagent la majorité des cœurs des fans de ballon rond).

Cela fait bien longtemps que la polarisation des intérêts footballistiques s’est majoritairement braquée sur le Vieux-Continent, dont les clubs les plus prestigieux réunissent des fans d’Ushuaïa à Vladivostok. Mais il faut dire que l’on a tellement été habitué à trouver des coquilles vides derrière les attrayants emballages vendus par Doha que l’on en vient désormais à douter de tout.

Ce doute est d’ailleurs devenu tellement méthodique à la vue d’une vidéo provenant des services de communication à la solde du Qatar que l’on pourrait se surprendre à prendre des airs de René Descartes cogitant le soir devant sa bougie. Et sans prétendre que le « malin génie » (celui qui se jouerait de nos sens selon le célèbre mathématicien) se trouve à chaque coin de rue de cette nouvelle capitale du football, il paraît évident que les scènes en question relèvent plus de la tartufferie que d’une manifestation spontanée.

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Des supporters-ambassadeurs

L’opération semble d’autant plus douteuse qu’elle serait loin d’être inédite dans l’émirat. À en croire les dernières révélations publiées ces dernières semaines, le comité d’organisation du Mondial-2022 aurait tenté de « recruter » des centaines de supporters du monde entier à coups de billets gratuits, de nuits d’hôtel et de visas prépayés. Dans le but de redorer une image ternie par les controverses incessantes entourant la compétition et sa préparation, l’idée aurait donc été d’inciter ces influenceurs footballistiques à publier des contenus et des messages laudatifs à l’égard du pays-hôte et de l’organisation de la compétition.

D’après une enquête récemment publiée par l’AFP, de nombreuses personnes auraient été démarchées depuis 2020 dans le cadre d’un programme officiel leur proposant de devenir Fan Leaders. Autrement dit des ambassadeurs numériques du Mondial-2022 auprès des supporters et de porte-parole des fans auprès des organisateurs.

« Ils voulaient qu’on fasse leur promotion en devenant les influenceurs des supporters français, vendre auprès d’eux cette Coupe du monde au Qatar », explique Fabien Bonnel, porte-parole des Irrésistibles français, groupe de supporters de l’équipe de France. « On a immédiatement refusé, en s’étouffant à la lecture du document. Il fallait utiliser les réseaux sociaux pour promouvoir cette Coupe du monde au Qatar », ajoute-t-il.

Si ce genre d’opérations n’ont plus rien d’inhabituel dans les grands événements sportifs et culturels, elles ajoutent une couche d’embarras supplémentaire sur le dos des organisateurs qui se défendent de toute tentative de manipulation. Le PDG du Mondial, Nasser al-Khater, a déclaré que ces accusations étaient « sans fondement », dans une vidéo de l’agence de presse qatarie QNA. Il s’agit pour lui « d’une nouvelle tentative de diffamer et de mettre en doute la capacité du Qatar à accueillir » le tournoi.

Le Comité suprême d’organisation du tournoi a pour sa part jugé « décevantes mais pas surprenantes » ce genre d’allégations qui n’ont cessé de pleuvoir sur l’émirat à l’approche du coup d’envoi du tournoi qui sera donné ce dimanche 20 novembre.

« Aucun d’entre nous n’a été payé »

Les accusations formulées à l’égard de ces « faux fans » présumés, en majorité originaires du sous-continent indien, ont également fait réagir les principaux intéressés. « C’est dégradant et très frustrant », s’insurge Ameen Sharak, Indien habitant à Doha et fan de l’Angleterre.

Parmi les quelque 200 Indiens (pour une vingtaine d’Anglais seulement) venus accueillir la sélection anglaise devant son hôtel d’al-Wakrah, au sud de Doha, mardi soir, les discussions portaient essentiellement sur les commentaires sur les réseaux sociaux et les articles de presse britanniques, espagnols et français les qualifiant de « faux supporters ».

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Selon Sajidh, 29 ans, les Indiens du Qatar sont « indignés » qu’on imagine qu’ils aient été payés pour participer à ce défilé sur le front de mer de Doha, qui a réuni quelques milliers de personnes vêtues essentiellement de maillots de l’Argentine et du Brésil, vendredi.

« C’est purement et simplement de la désinformation et je voudrais dire haut et fort qu’aucun d’entre nous n’a été payé de quelque manière que ce soit », clamait-il. « Ça nous a fait beaucoup de mal », ajoutait Anas, qui suit la Premier League « tous les week-ends ». « Les gens ne réalisent tout simplement pas l’importance du foot au Kerala », l’État de la pointe sud de l’Inde dont étaient originaires la plupart des supporters présents devant l’hôtel des Three Lions.

Lors de la dernière Coupe du monde, une effigie de 25 mètres de l’attaquant Harry Kane avait même été érigée dans une ville de la province !

Mercredi soir, plusieurs dizaines d’Indiens sont également venus soutenir l’équipe de France à son arrivée à son hôtel, ont constaté des journalistes de l’AFP. Bien équipés (tambours, trompettes, maillots, drapeaux), ces fans évacuent aussi la polémique : ils sont membres du groupe French Football Fans Club India, suivi par 13 000 personnes sur Facebook et très actifs sur ce groupe depuis 2016.

« Nous avons commencé à suivre l’équipe de France après 1998, avec Zidane. Mais à l’époque, nous n’étions pas très nombreux », assure Fasalu Rahaman, un technicien de 36 ans, visiblement enthousiaste à la vue des champions du monde en titre.

Sur les 2,9 millions d’habitants que comptent le Qatar, près de 750 000 d’entre eux sont Indiens et 400 000 Bangladais. Véritable poumon économique du pays, ces travailleurs immigrés du sous-continent indien semblent donc de plus en plus nombreux à disposer de leur propre équipe de cœur.

Dans un magasin d’articles de sport du centre commercial tout proche, une vendeuse confirmait l’intérêt croissant des résidents locaux pour « les tee-shirts de l’Argentine et du Brésil surtout » ces derniers jours, ainsi que de quelques grandes équipes européennes.

Reste à savoir si ces derniers auront l’occasion d’être affichés en tribunes : « 800 riyals qataris (environ 210 dollars), c’est trop cher », concède Fasalu Rahaman devant le principal point de vente de tickets dans le quartier central de West Bay. « Mais nous reviendrons car les prix changent d’un jour à l’autre », espère-t-il en quittant la queue et sa farandole de maillots, dont le nombre n’est pas prêt de diminuer.

« Au Qatar, on n’est plus à un mirage près. » Tel est le genre de réaction instinctive qu’a dû traverser l’esprit de tout un chacun après le visionnage des images des artères de la capitale qatarie ces derniers jours. On y voit de belles et longues marées humaines, parfaitement ordonnées, aux couleurs de l’Argentine, de l’Espagne, de l’Angleterre ou encore du...

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