À quelques enjambées de l’échéance présidentielle, nous voilà donc gros clans comme devant à taper le carton d’un vulgaire jeu de bonneteau pour se trouver un cobaye qui viendra succéder à l’Ancêtre du Château au Bois dormant. Et pourtant, ça se bouscule au portillon : un troisième Michel d’affilée, un Joseph bardé de galons et une Frangipane pur jus du Liban-Nord. Sans compter la kyrielle des seconds couteaux haletants qui font mine de se faire prier pour enfourcher cette République dépourvue de bananes, mais gorgée d’épluchures. Et en avant pour de nouvelles aventures…
Alors, un président de la République ? Surtout pas, puisque les Libanais s’étaient déjà habitués par le passé à vivre sans. Le mieux serait de faire du palais un musée payant. Il assurerait au moins quelques rentrées d’argent, au lieu d’en coûter avec un pensionnaire vautré dans un fauteuil qui passerait ses journées à aligner les visiteurs.
Un gouvernement présidé par l’actuelle Armoire à glace ? Complètement superflu puisqu’il perdra ses plumes au fil des mois, au point que Mikou ne trouvera bientôt plus personne à qui parler « des-problèmes-de-l’heure-à-la-lumière-des-derniers-développements ». Et hop, un parc d’attractions, payant lui aussi !
On y organisera des journées portes ouvertes, pendant lesquelles les curieux pourront admirer quelques ministres empaillés autour d’une table, sous les lambris et les mosaïques orientales.
Un Parlement ? Alors lui, il a décroché la palme de l’insignifiance : une élection bidon tous les quatre ans, une rallonge bricolée tous les deux, un élevage futile de neurones ramollis, qui en plus coûtent bonbon au contribuable.
Un pays qui a toujours fonctionné dans une opacité totale, au milieu d’un verbiage politique complètement abscons. Tout est furtif, ténébreux, impénétrable, hermétique. Les visites que se font les bouviers du haut du panier sont clandestines, les palabres occultes, les potins ultraconfidentiels, les cachotteries quasi ésotériques… Éternelle manie du secret, destinée à faire croire aux gueux qu’on leur cuisine un Liban intelligent.
Plus de trois décennies avec les mêmes éteignoirs ! On les a tous essayés : à tour de rôle, dans l’ordre, le désordre, en quinconce, façon gigogne et de travers. Et pas un seul n’a été fichu d’améliorer ne serait-ce que d’un iota une gouvernance bancale nappée de médiocrité.
Du Mollasson du Futur au Derviche tourneur de Moukhtara, en passant par le Tondu et ses Fleus, jusqu’à la corbeille d’agrumes amalo-barbue, citron vert et jaune avec un zeste d’orange… tous ont eu le loisir d’exercer leur talent, les uns en larmoyant sur le sort du Liban, les autres en tirant la gueule index au vent.
Ce sont ces derniers qui ont d’ailleurs fini par remporter le pompon en transformant le pays en carpette politico-financière. Et pointilleux, avec ça ! Ne se piquent d’indépendance et de souveraineté que quand se pointent les diplomates français et américain, oubliant que trente années durant, ils n’y allaient pas de main morte sur le lustrage des mocassins des sous-fifres du Baas voisin, puis aujourd’hui des babouches des chahs persans.
Mais ce n’est pas bien grave, on écoutera longtemps encore chez les uns et les autres chanter les sirènes de la « position de principe » et de la « ligne droite immuable ».
La route est droite certes, mais la pente est forte et le mur est droit devant.
gabynasr@lorientlejour.com
"cette République dépourvue de bananes, mais gorgée d’épluchures."... inégalable ... de plus nos polichinelles se partagent même ces épluchures...
03 h 54, le 29 octobre 2022