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Société - Double explosion au port

La reprise de l’enquête semble renvoyée aux calendes grecques

La reprise de l’enquête semble renvoyée aux calendes grecques

Des familles de victimes de l’explosion au port de Beyrouth manifestant contre la destruction des silos endommagés par la déflagration, le 14 avril 2022, et pour demander que justice soit faite. Matthieu Karam/Photo d’archives

Les Libanais qui ont récemment espéré une prochaine reprise de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth par le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar déchantent. Deux députés berrystes, Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil, mis en cause dans l’affaire, ont porté le 19 octobre une action en responsabilité de l’État pour « fautes lourdes » contre Jean-Marc Oueiss. Ce juge avait été chargé quelques jours plus tôt par le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, de statuer sur un recours en dessaisissement de M. Bitar, présenté en décembre dernier par ces mêmes députés. Effet immédiat : le juge Oueiss ne peut plus se pencher sur le recours contre Tarek Bitar. Celui-ci ne peut donc pas espérer être libéré de ce qui l’empêche aujourd’hui de poursuivre son enquête sur ce drame qui a fait plus de 220 victimes et des milliers de blessés, le 4 août 2020. Pour que Tarek Bitar reprenne l’enquête, il faut d’abord que le recours pour « fautes lourdes » de M. Oueiss soit rejeté par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, compétente en la matière. Or l’assemblée plénière est paralysée, ayant perdu son quorum en janvier dernier. Ses chances pour se réunir sont pour l’instant très minimes car le ministre des Finances, Youssef Khalil, proche du chef du Parlement Nabih Berry, refuse de signer le décret de nomination de juges qui viendraient la compléter.

Date indéfinie

Les obstacles sont donc plus que jamais infranchissables. Une lueur d’espoir était pourtant apparue il y a quinze jours. Le président de la 1re chambre civile de la Cour de cassation, Naji Eid, qui faisait lui aussi l’objet d’un recours pour « fautes lourdes » présenté en février par les mêmes Zeaïter et Khalil pour l’empêcher d’examiner un recours en dessaisissement contre Tarek Bitar qu’ils avaient pourtant eux-mêmes intenté, avait finalement souhaité de se désister du dossier. Il en a fait la demande au président du CSM, qui l’a déférée à la 6e chambre de la Cour de cassation, présidée par Souheir Haraké, laquelle l’a acceptée. Souheil Abboud a alors nommé par intérim Jean-Marc Oueiss à la tête de la 1re chambre civile de la Cour de cassation pour examiner le recours en dessaisissement contre Tarek Bitar. Mais c’était sans compter les manœuvres judiciaires auxquelles MM. Zeaïter et Khalil ont pris l’habitude de recourir. Voici à présent les mains du juge Oueiss liées jusqu’à une date indéfinie.

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Outre le recours contre M. Oueiss, les deux députés ont dans le même temps présenté des recours similaires contre Naji Eid, Souheil Abboud et Souheir Haraké.

Interrogé par L’Orient-Le Jour sur les « fautes lourdes » reprochées à chacun de ces juges, Samer Hajj, l’un des avocats des deux députés, s’explique d’abord sur le cas de Naji Eid. « Le juge Eid n’avait pas le droit de demander de se désister de l’examen du recours en dessaisissement contre Tarek Bitar que nous avions présenté contre lui. Ayant fait ensuite l’objet d’une action en responsabilité pour fautes lourdes, intentée de notre part, il ne devait prendre aucune décision concernant le recours en dessaisissement. » Même si la décision est de vouloir se récuser du dossier, comme le demandent les deux députés ? « Oui, parce que ce n’est pas à lui de prendre une décision liée à un dossier sur lequel il n’a plus de mainmise », avance M. Hajj.

Quant au président du CSM, l’avocat de MM. Zeaïter et Khalil affirme qu’« il a commis deux fautes, l’une en déférant la demande de désistement de Naji Eid à une chambre de cassation, et l’autre en chargeant un juge de remplacer ce dernier ».

Enfin, pour ce qui est de la « faute lourde » reprochée à Souheir Haraké, il s’agit pour la juge d’avoir accepté la demande de désistement du juge Eid, indique Samer el-Hajj. « En résumé, la demande de Naji Eid est entachée de nullité, ainsi que toutes les décisions qui lui sont liées », ajoute l’avocat. « Tout acte construit sur un acte nul est nul », avance-t-il.

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Son argumentation est fustigée par un magistrat haut placé, qui réfute toute idée de « faute lourde ». Interrogé par L’OLJ, ce juge affirme que Naji Eid a un droit « absolu et sacré » de demander sa récusation. « Nul ne peut l’empêcher d’avoir un sentiment d’embarras qui le pousse à abandonner le dossier », affirme-t-il. « Concernant les décisions prises par Souheil Abboud et Souheir Haraké, elles sont administratives. Or seules les décisions judiciaires sont susceptibles de faire l’objet de recours en responsabilité de l’État pour fautes lourdes », ajoute-t-il. Quant à Jean-Marc Oueiss, « il a simplement pris en main un dossier que son supérieur hiérarchique lui a transféré. Il n’a rendu aucun jugement », fait-il observer. Il déplore plus généralement « le galvaudage d’une loi par des individus qui ne respectent pas les conditions restrictives pour la présentation de tels recours, qui doivent rester exceptionnels ».

Les plaintes contre les magistrats précités sont perçues comme faisant partie des démarches des responsables mis en cause visant à geler l’enquête de Tarek Bitar, alors que le président du CSM tente par tous les moyens légaux de la faire avancer, notamment en s’opposant à l’ingérence politique.

L’action de Souheil Abboud dans la promotion de l’indépendance judiciaire est d’ailleurs saluée à l’international. Au cours de sa réunion annuelle tenue à Paris vendredi dernier, le bureau de l'AHJUCAF (Association des Hautes Juridictions de Cassation des pays ayant en partage l'usage du Français), regroupant 50 cours suprêmes judiciaires de la francophonie, lui a exprimé son appui pour sa mobilisation dans « la défense du pouvoir judiciaire face à la crise institutionnelle, économique, et sociale que connaît son pays ».

La motion de soutien de l’AHJUCAF salue dans ce cadre les efforts de Souheil Abboud « pour faire respecter le principe constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire qui, seul, peut garantir la confiance des citoyens dans la justice ».

Cet article a été modifié le mardi 25 octobre 2022 à 12h46.

Les Libanais qui ont récemment espéré une prochaine reprise de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth par le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar déchantent. Deux députés berrystes, Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil, mis en cause dans l’affaire, ont porté le 19 octobre une action en responsabilité de l’État pour « fautes lourdes »...

commentaires (7)

Pourquoi tous les coupables qui refusent de répondre aux convocations sont épargnés et leurs recours sont reçus et traités alors qu’ils font l’objet de poursuites judiciaires pendant que les juges et autres magistrats sont stoppés net dans leurs actions sous prétexte de respecter les lois qui ne régissent plus ce pays? Il y a comme un hic à conserver et renouveler le mandat des vendus à leurs postes pour prêter main forte à ceux qui bloquent, et aux fossoyeurs du pays par les membres de l’appareil judiciaires lui même qui pleurnichent par la suite et se plaignent de ne pas pouvoir faire leur travail. Du foutage de gueule en veux tu en voilà.

Sissi zayyat

13 h 49, le 25 octobre 2022

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Commentaires (7)

  • Pourquoi tous les coupables qui refusent de répondre aux convocations sont épargnés et leurs recours sont reçus et traités alors qu’ils font l’objet de poursuites judiciaires pendant que les juges et autres magistrats sont stoppés net dans leurs actions sous prétexte de respecter les lois qui ne régissent plus ce pays? Il y a comme un hic à conserver et renouveler le mandat des vendus à leurs postes pour prêter main forte à ceux qui bloquent, et aux fossoyeurs du pays par les membres de l’appareil judiciaires lui même qui pleurnichent par la suite et se plaignent de ne pas pouvoir faire leur travail. Du foutage de gueule en veux tu en voilà.

    Sissi zayyat

    13 h 49, le 25 octobre 2022

  • Cette enquete finira dans 100 ans

    Tina Zaidan

    12 h 57, le 25 octobre 2022

  • QU,EN FUT-IL DES ENQUETES SUR TOUS LES MARTYRS DES ATTENTATS DES CRIMINELS BIEN CONNUS ET DES TRAFICS DIVERS ? CE MEGA ATTENTAT A LE MEME DESTIN. DES ABRUTIS INCOMPETENTS CORROMPUS ET VOLEURS ET PLUS QUE POLICHINELLES GOUVERNENT CE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 42, le 25 octobre 2022

  • Malheureusement c’est les corrompus qui font la loi au Liban. La vérité sur les deux explosions ne sera jamais dévoilée.

    Elias

    09 h 50, le 25 octobre 2022

  • Tous ces avocats qui présentent des recours abusifs devraient être radiés du barreau.

    Yves Prevost

    07 h 08, le 25 octobre 2022

  • Ça devient risible…

    Gros Gnon

    05 h 50, le 25 octobre 2022

  • Apparement au liban le calendrier jalali mène directement aux calendes grecques ...

    Wlek Sanferlou

    03 h 24, le 25 octobre 2022

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