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Nos Lecteurs ont la Parole

L’exode des médecins néphrologues vers l’étranger : une bombe à retardement du secteur sanitaire au Liban

Je suis fièrement médecin femme libanaise. J’ai poursuivi mes études de médecine au Liban et celles de spécialité en France. Je suis rentrée au Liban avec un grand bagage qui mêle l’enthousiasme aux nouvelles connaissances que j’ai acquises pendant ma formation en Europe.

Il y a quelques mois, j’ai fait la connaissance d’une femme qui travaille dans le secteur du journalisme. « Quelle est votre spécialité ? » me demanda-t-elle. « Je suis néphrologue », répondis-je fièrement. À mon énorme surprise, elle ne savait même pas de quoi il s’agissait. Cette jeune femme a 46 ans ; presque l’âge de la néphrologie au Liban !

La néphrologie est la spécialité médicale visant à prévenir, diagnostiquer et soigner les maladies des reins. La mort des patients en insuffisance rénale était inévitable jusqu’aux années 70 au moment du développement de cette spécialité au Liban, avec les premiers néphrologues revenant de l’Europe et des États-Unis. La reconnaissance de la spécialité de néphrologie par l’ordre des médecins du Liban a eu lieu avec le Dr Antoine Stephan, le premier inscrit en 1973 – et par la suite avec la création de la Société libanaise de néphrologie et d’hypertension artérielle à l’initiative des professeurs J. Naffah et E. Shwayri.

Le nombre de néphrologues est passé de huit en 1970 à 180 en 2019. Le nombre de facultés de médecine enseignant la néphrologie a augmenté ainsi que le nombre de spécialistes libanais. Une étude faite en 2015 a montré que le nombre de diplômes de néphrologie décernés par les universités libanaises, depuis l’initiation de la néphrologie au Liban jusqu’en 2015, était de 61, dont 29 par l’AUB (depuis 1984), 12 par l’USJ (depuis 1997), dix par l’UL (depuis 2000), sept par Balamand (depuis 2007) et trois par l’USEK (depuis 2013)

Ce n’est qu’en 1979 que la prise en charge des séances d’hémodialyse est devenue totalement remboursable par décret présidentiel (n° 1786).

En 2022, on ne comptabilise que 160 néphrologues au Liban. Plus que 25 % des médecins néphrologues qui pratiquent dans les hôpitaux ont dépassé l’âge de la retraite. Les nouveaux diplômés des facultés de médecine libanaise poursuivent leurs études en Europe ou aux États-Unis pour s’y installer pour de bon et ne plus revenir.

La crise économique et politique l’emporte. L’exode des médecins libanais est effrayant. « Ceux qui partent sont pour la plupart âgés de 35 à 55 ans ; ils représentent la colonne vertébrale du secteur de la santé. Et malheureusement, ceux qui partent, une fois qu’ils se seront installés avec leurs familles et leurs enfants, ne reviendront pas facilement au Liban. C’est une perte énorme », affirme l’ancien président de l’ordre des médecins, le professeur Charaf Abou Charaf

Les néphrologues qui sont remboursés par les tiers payants d’une somme ne dépassant pas 1 dollar pour la séance de dialyse, somme payée après deux ans, n’ont d’autre choix que chercher leur pain ailleurs.

Les conséquences sont dramatiques : qui va suivre les patients hémodialysés ? Leur destin sera-t-il la mort inévitable comme dans les années 60, avant la création de cette spécialité ?

Le secours des patients et celui de leurs médecins ne sont pas dans les horizons immédiats…

Périr ou fuir ? N’est-ce donc pas la seule alternative ?

Professeure adjointe de médecine au département de néphrologie du LAU Medical Center-hôpital Rizk

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Je suis fièrement médecin femme libanaise. J’ai poursuivi mes études de médecine au Liban et celles de spécialité en France. Je suis rentrée au Liban avec un grand bagage qui mêle l’enthousiasme aux nouvelles connaissances que j’ai acquises pendant ma formation en Europe. Il y a quelques mois, j’ai fait la connaissance d’une femme qui travaille dans le secteur du journalisme....

commentaires (1)

Super article! Très réaliste! Comment joindre svp l’auteur pour ma sœur Prof Karine Hadaya , néphrologue à Genève.

Hadaya cherine

09 h 23, le 05 octobre 2022

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Commentaires (1)

  • Super article! Très réaliste! Comment joindre svp l’auteur pour ma sœur Prof Karine Hadaya , néphrologue à Genève.

    Hadaya cherine

    09 h 23, le 05 octobre 2022

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