
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah prononçant son discours samedi. Photo tirée du site d’al-Manar
La réponse ne s’est pas fait attendre. Face au camp de l’opposition qui a abordé la première séance parlementaire pour élire un nouveau président de la République avec une logique de confrontation, le Hezbollah a mis des mots sur ses bulletins blancs. « Quiconque souhaite un nouveau président doit s’éloigner de la logique du défi », a lancé samedi le secrétaire général du parti chiite Hassan Nasrallah. Un message qui s’adresse non seulement aux partis de l’opposition qui ont soutenu la candidature du député de Zghorta Michel Moawad – connu pour ses positions critiques à l’égard du Hezbollah –, mais aussi à leurs soutiens extérieurs. À première vue, les propos du leader chiite sont porteurs d’un message dirigé notamment au chef des Forces libanaises Samir Geagea, bête noire du parti pro-iranien, qui avait ouvertement plaidé pour un président de confrontation face au Hezbollah et à ses alliés. Principal soutien du leader chrétien, l’ambassadeur d’Arabie Walid Boukhari avait lui aussi plaidé ces derniers jours, lors d’une tournée auprès des figures de l’opposition, pour une figure « souverainiste et ne relevant pas du camp du 8 Mars ».
Dans le fond, les déclarations du numéro un du Hezbollah prouvent aussi que celui-ci a tiré la leçon des législatives de mai dernier. Au sein de la nouvelle Chambre, aucun camp ne détient la majorité. Le Hezbollah est donc dans l’incapacité d’imposer son candidat comme il l’avait fait en 2016 pour faire élire Michel Aoun. Pareil pour le camp adverse. « La séance de jeudi est importante et a montré qu’aucun groupe ne dispose de la majorité parlementaire », a-t-il dit. Lors de cette réunion, les protagonistes de l’opposition, dont les FL, les Kataëb et le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, ont voté pour Michel Moawad qui a récolté 36 voix, alors que le Hezbollah et ses alliés, dont le CPL de Gebran Bassil et les Marada de Sleiman Frangié – deux présidentiables –, ont opté pour le vote blanc. Un choix interprété comme une volonté du parti jaune de ne pas « griller » une figure parmi ses alliés, notamment le leader de Zghorta, son favori non déclaré, lors d’une séance qui n’aboutira pas à l’élection du chef de l’État. Le chef du parti pro-iranien a ajouté que la session de jeudi « souligne la nécessité d’une concertation entre les forces politiques afin que nous puissions avoir un président le plus tôt possible ». C’est la seconde fois que Hassan Nasrallah s’oppose à l’option d’un président de défi et plaide plutôt pour l’entente telle que prônée par son allié, le président du Parlement Nabih Berry. Ce dernier avait levé la séance de jeudi sans fixer une date pour la prochaine, appelant les députés à s’entendre au préalable.
Raï persiste et signe
Quelques heures avant le discours de Hassan Nasrallah, son numéro deux Naïm Kassem a lui aussi critiqué le camp de l’opposition, mais sur un ton beaucoup plus dur. « Il n’est pas question que soit élu un président provocateur et fabriqué par les ambassades », a-t-il tonné dans une critique voilée à l’adresse de Michel Moawad, connu pour ses bons rapports avec Washington et appuyé par les principaux alliés locaux de Riyad. Mais l’opposition ne semble pas découragée pour autant. « Nous ne sommes pas là pour faire plaisir au Hezbollah et satisfaire ses demandes », affirme à L’Orient-Le Jour un député opposant qui a requis l’anonymat. « Nous poursuivons nos contacts pour nous unir autour d’une même candidature », dit-il, croyant savoir que des efforts seraient entrepris en direction des députés de la contestation pour qu’ils tendent la main aux partis de l’opposition. Le groupe de la thaoura n’avait pas voté Moawad, lui préférant l’homme d’affaires et actionnaire de L’OLJ Salim Eddé.
Face au tandem chiite, le patriarche Raï, lui aussi, ne semble pas prêt à lâcher prise. Dans son homélie hier, il a critiqué Nabih Berry qui détient un pouvoir discrétionnaire dans la convocation de la Chambre. « Nous craignons que la convocation à une séance demeure liée à une entente qui pourrait ne pas être atteinte », a prévenu Mgr Raï. « Si les députés ne se soulèvent pas contre eux-mêmes et n’élisent pas un président souverainiste, le peuple ne doit pas être blâmé s’il se soulève contre eux », a-t-il tonné. Le chef de l’Église maronite avait également évoqué le dossier présidentiel samedi. Dans des propos rapportés par des médias locaux, le prélat a affirmé que « le prochain président sera élu avant le 31 octobre ». Une éventualité que Hassan Nasrallah semble écarter, privilégiant le dossier gouvernemental, comme pour annoncer une longue période de vacance à la magistrature suprême. « Le temps presse, et nous espérons qu’un gouvernement sera formé dans les prochains jours », a-t-il dit samedi, soulignant que le futur cabinet devrait être mis en place, que le président soit élu ou pas.Entre-temps, le forcing international pour la tenue de l’échéance se poursuit. « L’élection présidentielle est une étape essentielle pour amorcer une sortie de crise au Liban. Il importe que cette élection intervienne dans le délai constitutionnel, soit avant le 31 octobre, afin d’éviter toute vacance du pouvoir », a déclaré samedi un porte-parole du Quai d’Orsay.
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09 h 41, le 04 octobre 2022