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Économie - Crise au Liban

Les banques reprennent le travail mais en adaptant les conditions d’accueil

Le PDG de BLOM Bank, Saad Azhari, reproche aux autorités d’avoir trop longtemps reporté l’adoption d’une loi sur le contrôle des capitaux.

Les banques reprennent le travail mais en adaptant les conditions d’accueil

Une branche de la BLOM Bank fermée à Beyrouth, le 22 septembre 2022. Photo ANWAR AMRO / AFP

Dix jours après la vague inédite de braquages entrepris par des déposants contestant les restrictions bancaires en vigueur dans un Liban en crise, l’Association des banques (ABL) a annoncé dimanche que les établissements allaient reprendre le travail à partir de lundi, mais en adaptant leurs procédures au contexte sécuritaire. Leurs agences étaient quasiment toutes fermées depuis lundi dernier.

Dans un communiqué publié dimanche matin, l'association a ainsi annoncé que les banques allaient assurer les services bancaires de base aux particuliers et entreprises via les réseaux de distributeurs automatiques de billets, mais que les clients ayant des requêtes urgentes pouvaient “contacter le siège ou le service client.”

Se passer des agences

”L’ABL a estimé que cette décision était le fruit d'un compromis entre la nécessité de servir les clients - au cours d’une semaine pendant laquelle seront versés les salaires d’une majorité de fonctionnaires - et celle d’assurer la sécurité de leurs employés". Le communiqué suggère que chaque banque soit libre de choisir les procédures qui lui conviennent pour accueillir ses clients. Ce qui veut dire en filigrane que les agences vont soit rester fermées, soit ouvrir pour accueillir des clients sur rendez-vous. Cela veut aussi dire que l’ABL estime n'avoir toujours pas reçu de garanties de la part des autorités que la sécurité serait assurée aux abords des agences.

Une source bancaire a confirmé à L'Orient-Le Jour dimanche après-midi qu'au moins une des enseignes du pays a armé ses effectifs affectés à la sécurité, tandis qu’une autre a fait appel à une société privée de protection armée.

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Le collectif d'avocats Mouttahidoun ("Unis", en arabe) a critiqué dimanche cette décision de l'ABL, affirmant que la réponse des déposants aux "abus" des banques se fera par des "actions".

Selon plusieurs sources bancaires, la décision de maintenir les agences fermées était prise depuis vendredi, tout comme celle d’organiser le travail pour se passer au maximum des agences. “Certaines enseignes vont affecter une partie du personnel dans quelques unes de leurs agences pour exécuter certaines opérations, voire recevoir des clients sur rendez-vous. Le reste sera réparti entre les sièges des banques et les distributeurs automatiques de billets”, a expliqué l’une d’entre elles, rappelant que la Banque du Liban restait ouverte.

Les réseaux d’ATM seront donc en principe toujours alimentés, les transferts internationaux continueront d’être exécutés dans un sens comme dans l’autre (la Banque du Liban étant elle toujours ouverte), le traitement des salaires sera assuré, tout comme les opérations de retrait au taux de la plateforme Sayrafa. Le volume de ces dernières opérations enregistré par la BDL la semaine dernière a d’ailleurs affiché des niveaux normaux, même s’il est difficile de tirer des conclusions à partir de ces chiffres qui ne montrent pas la répartition entre les transactions effectuées via les banques et celles auprès des agents de change.

Le reproche aux autorités

Figurant parmi les rares dirigeants de banques à s’être exprimé en public depuis le début de cette nouvelle phase de la crise, le PDG de BLOM Bank et membre du conseil d’administration de l’ABL, Saad Azhari, a reproché à la classe dirigeante d’avoir “failli à son devoir et préféré satisfaire les instincts populistes plutôt que d’adopter les mesures urgentes nécessaires à la protection des intérêts de tous les citoyens". Contacté par L’Orient-Le Jour, Saad Azhari a indiqué avoir insisté “dès le premier jour de la crise”, et en accord avec l’ABL, pour que soit adoptée une loi sur le contrôle des capitaux qui aurait réglementé les restrictions bancaires mises en place de façon informelle par les banques depuis l’automne 2019 et qui affectent surtout l’accès des déposants à leurs comptes en devises.

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L’adoption d’un contrôle des capitaux est préconisée par le Fonds monétaire international, avec qui le Liban a conclu en avril dernier un accord préliminaire pour potentiellement débloquer un programme d’assistance financière. Un projet de loi a été envoyé par le gouvernement au Parlement, mais les commissions parlementaires mixtes en ont suspendu provisoirement l’examen fin août. Selon plusieurs experts, le texte devrait de toute façon être modifié pour être plus équitable vis-à-vis des déposants.

Saad Azhari a également exprimé son “appui inconditionnel à l’adoption d’une loi qui vise à rapatrier toutes les sommes transférées à l’étranger depuis octobre 2019 afin d’assurer un traitement égal entre tous les déposants". Se défendant de chercher à “justifier” les actions du secteur, il souligne néanmoins que ceux-ci ont été “abandonnés à leur sort face à la crise”, avec des capacités de réaction diminuées par la baisse de leurs liquidités en devises provoquée, selon lui, par les “circulaires de la BDL qui ont entraîné une forte concentration des dépôts des banques en dollars auprès de cette dernière”. Des dépôts que ses réserves de devises sont actuellement loin de pouvoir couvrir.

Mea culpa

Le dirigeant de banque a aussi reconnu le fait que “certaines” enseignes s’étaient bien rendues responsables de “pratiques discriminatoires” en autorisant une partie des clients à transférer leur argent à l’étranger ou à retirer des devises de leurs comptes, alors que le commun des déposants subissait des restrictions. Saad Azhari a toutefois assuré que son enseigne n’avait “jamais accepté” de jouer ce jeu, même en faveur “de ses actionnaires et des personnalités politiques influentes”. Il s’est enfin dit surpris de la réaction de l’un des déposants ayant entrepris de récupérer ses fonds par la force auprès d’une agence BLOM Bank dans le quartier de Sodeco (Beyrouth), Sali Hafez, assurant que ni elle, ni sa sœur n’avait présenté les documents attestant de l’urgence médicale motivant leur volonté de retirer leur dépôt pour payer des soins.

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Pas moins de sept agences bancaires ont été attaquées par des déposants il y a dix jours. Les banques ont condamné ces actions, tandis qu’une partie de l’opinion ainsi que des associations de déposants les ont soutenues. Les hypothèses assimilant les braquages à une action coordonnée ont également fait leur apparition dans le débat public, mais sans éléments tangibles pour les accréditer.

Les restrictions bancaires au Liban peuvent être comparées sur le fond à celles imposées à Chypre ou en Grèce pendant les récentes crises financières qui ont frappé ces pays. Le problème, c’est qu’elles ne sont avalisées par aucune loi, mais que la BDL les a indirectement validées via des circulaires et que les autorités ont laissé la situation courir pendant trois ans.

Dix jours après la vague inédite de braquages entrepris par des déposants contestant les restrictions bancaires en vigueur dans un Liban en crise, l’Association des banques (ABL) a annoncé dimanche que les établissements allaient reprendre le travail à partir de lundi, mais en adaptant leurs procédures au contexte sécuritaire. Leurs agences étaient quasiment toutes fermées depuis...

commentaires (12)

C'est trop tard pour un "mea culpa"... il est aussi fautif que tous les autres qu'il accuse. Un seul mot: Tfeh!

Elias Nouhad EL-CHEMALI

17 h 24, le 27 septembre 2022

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Commentaires (12)

  • C'est trop tard pour un "mea culpa"... il est aussi fautif que tous les autres qu'il accuse. Un seul mot: Tfeh!

    Elias Nouhad EL-CHEMALI

    17 h 24, le 27 septembre 2022

  • Mais pour qui il se prend, ce rigolo. Apres avoir vole les deposants, rien de constructif ne peux emaner des crapules bancaires. Ils feraient mieux de se taire. Et de se terrer.

    Michel Trad

    11 h 04, le 26 septembre 2022

  • J'espère qu'il dit la vérité. Si oui c'est bon

    Massabki Alice

    10 h 05, le 26 septembre 2022

  • Mr Azhari dit la vérité. Bien que la vérité soit difficile à avaler. Assez de populisme!

    Akote De Laplak

    00 h 34, le 26 septembre 2022

  • Mais comment les banquiers n’y avaient pas pensé plus tôt ? Chacune de leurs arnaques (envers les déposants) surpasse la précédente, on se dit « Non, ce n’est pas possible, ils ne vont pas oser » , eh bien, ils osent quand même et passent illico à l’arnaque suivante ! La filouterie du jour : fermer leurs branches et empêcher les déposants de se rendre à leurs agences habituelles, les obliger à ne retirer leur argent en liquide qu’à partir des ATM installés dans la rue. Outre l’évident problème de sécurité qui se posera (des petits malins armés braqueront immédiatement les déposants retirant du cash depuis l’ATM) , cela permettra également et surtout à ces établissements voyous de se débarrasser de leurs guichets, du personnel œuvrant dans ces guichets et du reste des chargés de clientèle parfois bien utiles pour démêler des situations confuses ou inextricables. Je crois bien que, jusqu’ici, aucune banque d’aucun pays au monde n’a encore appliqué les Retraits de cash en « ATM only», il fallait bien commencer quelque part, c’est à dire dans notre pays sans foi ni loi ….

    DC

    20 h 41, le 25 septembre 2022

  • Il me fait rire ce Saad Azhari. n'est ce pas lui, qui a permis la conversion des comptes de ses petits copains de livres libanaises en dollars au taux de 1500 alors que la livre était deja à plus de 12.000 pour 1 dollar ?! et je ne parle pas de compte de petits déposants mais des gros comptes. quand un de mes amis qui en pu bénéficier m'en a parlé alors j'ai su que les carottes étaient cuites. si Saad Azhari me lit alors qu'il n'hésites pas à me demander des précisions, je me ferait un plaisir lui citer les noms des heureux bénéficiaires.

    Rod PAris

    19 h 06, le 25 septembre 2022

  • Monsieur Azhari. Vendez les actifs de BLOM Bank Pais, Genève et Londres et rendez l’argent des déposants aux déposants sans aucun justificatif. Vous voulez jouer au plus malin, je vous signale que c’est vous personnellement et pénalement en tant que mandataire social de la BLOM qui êtes responsable de l’illégalité la plus totale et que si vous menacez de fermer des comptes ou de déclarer la banque en faillite, vous serez mis en cause pour faillite frauduleuse suite à une mauvaise gestion de votre banque. Un conseil, ne jouez pas au jeu du plus intelligent, vous risquez de vous casser les dents et de perdre tout ce que votre père a construit pendant des dizaines d’années.

    Lecteur excédé par la censure

    18 h 19, le 25 septembre 2022

  • Mort aux Banques Libanaises ...la seule solution c'est que toutes ces crapules ferment et que Des Banques étrangères viennent au Liban

    Emile G

    18 h 07, le 25 septembre 2022

  • Encore une fois de plus, Monsieur Azhari répète ce qu'il avait déjà annoncé. En résumé, depuis octobre 2019, sa banque n'a permis aucun transfert illégal à l'étranger. Le problème, comme il le précise, ce sont les circulaires de la BDL qui a asséché les devises, et qui est incapable de les rendre.

    Esber

    17 h 44, le 25 septembre 2022

  • Les crapules bancaires ne souhaitent qu'une seule chose : une loi de capital control qui justifie, absoud et perenise leurs pratiques illegales depuis trous ans. Voleurs, cupides vereux et menteurs.

    Michel Trad

    16 h 48, le 25 septembre 2022

  • Il n’y a pas à être surpris M Azhari ! Et le déposant, quel qu’il soit, n’a rien à vous justifier. Il vous a confié son argent, vous l’avez fait fructifier et transféré à vos branches étrangères où vous ne pouvez pas vous permettre les mêmes pratiques qu’au Liban… hélas! Du moment où toutes les parties sont fautives vous l’échappez belle.

    ISSA Antoine

    15 h 07, le 25 septembre 2022

  • Il est certainement moins dangereux et plus payant de braquer une banque, plutôt que de demander des comptes au zaim qui a volé l’état, transféré ses comptes à l’étranger et qui a acheté notre vote avec notre argent… Ces Robins des Bois se trompent d’adresse…

    Mago1

    14 h 30, le 25 septembre 2022

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