Nouvelle polémique à la suite de propos tendancieux de la part du mohafez (gouverneur) de Beyrouth Marwan Abboud lors du lancement lundi d'un programme de protection contre... le harcèlement sexuel. Le programme, conçu en partenariat avec l’Unicef après un examen complet des directives internationales et des lois libanaises, vise à contrer les abus à l'aide d’un mécanisme de signalement dont l'objectif est d'aborder, de prévenir et de répondre à l’exploitation ou au harcèlement sexuels au sein de la municipalité. Une initiative importante alors que le Liban, qui s’est doté d’une loi contre le harcèlement sexuel en décembre 2020 (entrée en vigueur en janvier 2021), est très à la traîne sur le sujet.
Sauf que, lors de la présentation du programme, Marwan Abboud a tenu des propos misogynes et machistes. « Certaines femmes se plaignent de harcèlement, alors qu’elles portent parfois des jupes de 10 cm, et s’étonnent des conséquences », a déclaré le mohafez sur un ton très sérieux. Marwan Abboud a ensuite appelé (les femmes) à ne pas « mettre le feu aux poudres ». Il a ensuite évoqué le fait qu’il faille détecter les cas de « faux harcèlement ».
Ces propos, passés inaperçus durant la semaine, sont remontés à la surface après le partage sur les réseaux sociaux d’une vidéo prise lors du discours du mohafez de Beyrouth.
محافظ بيروت القاضي مروان عبّود يبرر #التحرّش الجنسي بالنساء علناً، ضمن مشروع خاص عن مكافحة التحرش. ويقول: "ما تحط نار حد البارود".
— Sobhiya Najjar صبحية_مع_الناس@ (@Sobhiyanajjar) September 23, 2022
بدنا نلبس شو ما بدنا وكيف ما بدنا. اذا القضاة هيك. pic.twitter.com/Tjy3GcRQwB
Appelée à réagir, la députée Inaya Ezzeddine, présidente de la commission de la Femme et de l’Enfant au Parlement, qui a été à l’origine de la loi contre le harcèlement, désapprouve un tel discours. « On ne doit absolument pas lier la tenue vestimentaire à la question du harcèlement. Il est certain que dans chaque institution, au Liban, comme à l’étranger, il y a un code vestimentaire, mais si une femme ne porte pas une tenue jugée décente, cela donne-t-il automatiquement le droit à un homme de lui sauter dessus ? » lance la députée, interrogée par L’Orient-Le Jour. « Au regard de la loi, la victime ne doit pas être considérée comme la coupable quelle que soit sa tenue », martèle Inaya Ezzeddine.
« Protéger les hommes de la tentation »
Appelé par L'OLJ à clarifier ses propos, Marwan Abboud estime qu'ils ont été « tronqués » dans la vidéo. Et d'expliquer qu’il souhaitait distinguer les « faux cas de harcèlement des vrais ». « Il y a parfois des comportements qui peuvent ressembler à du harcèlement sexuel mais qui n’en sont pas », dit-il. « Quand je dis qu’il ne faut pas mettre le feu aux poudres, je dis juste que les femmes doivent avoir une tenue décente et respectueuse. La reine d'Angleterre s’habillait de manière décente par exemple », appuie le mohafez de la capitale.
La vidéo a suscité de vives réactions dans les milieux activistes qui luttent pour les droits des femmes. « Comment le mohafez, qui est aussi un juge, peut-il tenir un discours aussi misogyne, aussi haineux et condescendant envers les femmes ? Son projet vise à combattre le harcèlement sexuel, mais, à l’entendre, il s’agissait plus de savoir comment protéger les hommes de la tentation », dénonce ainsi Mariam Yaghi, journaliste et activiste au sein de l’ONG féministe Fe-Male.
L'initiative a été élaborée par le mohafez de Beyrouth, la Commission nationale des femmes libanaises, des institutions juridiques et de recherche, des organisations de la société civile, des avocats indépendants, ainsi que des membres élus et le personnel exécutif de la municipalité. « Nous sommes la première et la seule institution étatique à avoir ce genre de politique menée grâce au soutien de l’Unicef », explique Marwan Abboud.
« Comment une ONG internationale peut-elle prendre part à un projet aussi important aux côtés d’une institution étatique qui perpétue un système patriarcal et machiste ? » demande, pour sa part, Mariam Yaghi.
Contactée par notre journal, l’Unicef n’a pas souhaité commenter la polémique.
Cela m'a remis en mémoire ce célèbre extrait de discours du Président NASSER en Egypte où il dialoguait avec les Frères Musulmans sur la bonne tenue d'une femme, à la fin des années 50, et où la foule éclatait de rire. Je vous laisse le regarder et apprécier: https://youtu.be/D-DZUnh8-Ro
07 h 34, le 28 septembre 2022