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Politique - Décryptage

Le 13 septembre 1993 : une page tournée, mais non oubliée pour l’armée et le Hezbollah

Le 13 septembre 1993 est une date mémorable aussi bien pour le Hezbollah que pour l’armée libanaise. Même si généralement aucune des deux parties concernées, ni même les témoins qui s’en souviennent, n’aiment l’évoquer, elle reste dans les mémoires comme un jour noir où tout aurait pu basculer. Ce jour-là, des soldats et des éléments des forces de l’ordre ont tiré sur une manifestation pacifique organisée par le Hezbollah pour protester contre la signature des accords d’Oslo par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, scellés à Washington par une poignée de main historique.

À cette époque, le Hezbollah n’était pas encore cette force considérable et influente sur les scènes locale et régionale. Il sortait d’une semaine de confrontation avec les Israéliens dans le cadre de l’opération dite « Règlement de comptes » en juillet 1993, et des pressions étaient exercées sur les responsables de l’époque pour circonscrire l’influence de cette formation qui commençait à s’intéresser à la politique intérieure en participant pour la première fois aux élections législatives en 1992. Le 13 septembre 1993, le Hezbollah a donc décidé d’organiser une manifestation de protestation contre la signature des accords d’Oslo, après en avoir coordonné les détails avec les ministres de la Défense et de l’Intérieur de l’époque, Mohsen Dalloul et Béchara Merhej, le Premier ministre Rafic Hariri se trouvant hors du pays. Mais en dépit de cette coordination, les forces de l’ordre et l’armée ont tiré sur les manifestants, provoquant la mort de neuf d’entre eux et blessant des dizaines d’autres. Le Hezbollah et Amal ont dû déployer d’immenses efforts pour parvenir à pousser leurs partisans à la retenue. L’affaire n’a pas fait l’objet de commentaires ou d’analyses, et il a fallu attendre le livre écrit par le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, sur le parti chiite (publié en 2008) pour que cet épisode soit mentionné sous le titre : Le massacre du 13 septembre. Naïm Kassem écrit ainsi que suite à ce « massacre », la tension entre le Hezbollah et le pouvoir en place a duré un an et huit mois et que le dossier n’a été refermé qu’en 1995, lorsque le Haut Comité de secours présidé par Rafic Hariri a publié un communiqué dans lequel il est dit que « les victimes tombées lors de cette manifestation sont considérées comme des martyrs du pays et de la résistance ».

Pour mémoire

Entre Aoun et Berry, six ans de guéguerre...

Exception faite de ce chapitre dans l’ouvrage de Naïm Kassem, le Hezbollah évoque rarement les frictions et les incidents qui l’ont opposé à l’armée libanaise, préférant tenter de les régler discrètement, à travers des contacts bilatéraux. Ce n’est que tout récemment, dans son discours à l’occasion du 40e anniversaire de la fondation du Hezbollah, le 23 août, que Hassan Nasrallah a clairement parlé des relations de sa formation avec l’armée. Il a ainsi affirmé que tout au long de ces 40 dernières années, le Hezbollah a réussi à déjouer tous les plans visant à l’entraîner dans une discorde interne et dans un conflit ouvert avec l’institution militaire. Le secrétaire général du parti n’est pas entré dans les détails, mais il a insisté sur le fait que le projet de provoquer une confrontation entre le Hezbollah et l’armée est une constante chez les Américains et chez les Israéliens.

Si la première confrontation directe a eu lieu le 13 septembre 1993, d’autres ont suivi, faisant à chaque fois des morts. Et l’épisode était toujours surmonté. Parmi les incidents les plus marquants, les tirs de l’armée contre une manifestation à Hay el-Sellom, le 27 mai 2004. Là aussi, il s’agissait d’une manifestation populaire qui a essuyé des tirs, lesquels ont causé la mort de six personnes. Ce jour-là, la colère des manifestants était à son comble et le Hezbollah a dû prendre des mesures très strictes pour empêcher les débordements. La tension était telle que le président du Conseil Rafic Hariri a dû se rendre dans la banlieue sud et tenir une réunion prolongée avec le secrétaire général du Hezbollah pour clore cet épisode. Depuis cette réunion et grâce aux discussions bilatérales entre le commandement de la formation chiite et l’armée, les deux parties ont toujours réussi à éviter d’entrer en conflit direct. Par exemple, lors des affrontements des 5, 6 et 7 mai 2008, après la décision du gouvernement présidé par Fouad Siniora de détruire le réseau de communications du Hezbollah, l’armée libanaise s’était contentée de chercher à rétablir le calme et à séparer les belligérants. Dès lors, en dépit de ce que Hassan Nasrallah appelle « les plans visant à entraîner le Hezbollah dans un conflit ouvert avec l’armée », les deux parties ont réussi à éviter les frictions, mettant en place un mécanisme de dialogue discret qui leur permet d’éviter les dérapages. Le système fonctionne plutôt bien et tout ce qui se dit dans les médias sur le fait que l’armée libanaise serait pro-américaine ou en tout cas sous l’influence des États-Unis (un de ses principaux fournisseurs en armes et équipements) ne l’a jamais empêchée d’éviter tout conflit avec le Hezbollah. Au Liban-Sud, elle est même considérée par le Hezbollah comme une garantie de stabilité, notamment dans la zone d’influence de la Force intérimaire des Nations unies (Finul). De même, dans la Békaa, en particulier à Baalbeck-Hermel, l’armée procède aux arrestations et intervient pour rétablir l’ordre en cas de frictions entre deux clans rivaux, sans que sa mission soit entravée par le Hezbollah.

Pour mémoire

Gouvernement : Aoun d’un côté, Berry et Mikati de l’autre...

Des deux côtés, la relation est donc jugée satisfaisante et les deux parties estiment qu’elle est nécessaire pour maintenir la stabilité dans le pays. La page du 13 septembre 1993 est bel et bien tournée. Mais cela signifie-t-il que le commandant en chef de la troupe, le général Joseph Aoun, bénéficie de l’appui du Hezbollah pour la présidence de la République ? Pour l’instant, dans les milieux du parti chiite, ce dossier est considéré comme prématuré.

Le 13 septembre 1993 est une date mémorable aussi bien pour le Hezbollah que pour l’armée libanaise. Même si généralement aucune des deux parties concernées, ni même les témoins qui s’en souviennent, n’aiment l’évoquer, elle reste dans les mémoires comme un jour noir où tout aurait pu basculer. Ce jour-là, des soldats et des éléments des forces de l’ordre ont tiré sur une...

commentaires (4)

Et l’assassinat de Logman Slim ?

Eleni Caridopoulou

16 h 59, le 14 septembre 2022

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Commentaires (4)

  • Et l’assassinat de Logman Slim ?

    Eleni Caridopoulou

    16 h 59, le 14 septembre 2022

  • Vous parlez de "la retenue" du Hezbollah. Mais le Hezbollah est une force d'occupation Iraniene employant des mercenaires Libanais achetés avec l'argent des pasdarans qui votent pour l'occupation et se battent pour elle. La retenue c'est celle des Libanais souverainistes qui essaient encore de dialoguer au lieu de foutre cette abberration iraniene en dehors de notre pays.

    Tina Zaidan

    09 h 44, le 14 septembre 2022

  • Comme par hasard l’article oublie de citer l’assassinat d’un officier de l’armée de l’air par un membre du Hezbollah. Mme Haddad, brodez autant que vous voulez et essayez toujours de défendre l’indéfendable par vos articles fantaisistes, vous ne pourrez jamais nier la réalité citée par Hassan Nasrallah qui est que le Hezbollah est d’abord iranien et soumis à la wilayat Al faqih. Il n’a rien de libanais.

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 42, le 14 septembre 2022

  • Le 27 Août 2008, le Hezbollah assassine le Capitaine Samer Hanna. Mais bon, votre mémoire doit être sélective.

    paznavour

    07 h 36, le 14 septembre 2022

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