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Politique - Décryptage

Entre Aoun et Berry, six ans de guéguerre...

Depuis la séance d’élection présidentielle du 31 octobre 2016, il était clair que les hostilités étaient déclarées entre le nouveau chef de l’État Michel Aoun et le président de la Chambre Nabih Berry. D’ailleurs, le déroulement unique en son genre de cette séance était à lui seul un indice du mandat qui s’ouvrait et qui sera marqué tout au long des six années par ce conflit sans précédent entre un chef de l’État et un président de la Chambre. Au moment même, les journalistes et les diplomates présents au sein de l’hémicycle pour assister au déroulement du scrutin ont préféré rire en témoignant de la nécessité de refaire trois fois le vote pour cause de nombre de bulletins supérieur à celui des députés présents. Comme l’élection a fini par avoir lieu avec le nombre requis de votants, nul ne s’est arrêté sur ce qui semblait être un détail destiné à titiller un peu le président élu, dont l’accession à la tête de l’État ne faisait aucun doute. Mais aujourd’hui, avec le recul, la lecture du déroulement de ce scrutin inhabituel était un signe annonciateur de ce qui allait suivre.

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De fait, on n’a jamais eu d’explication réelle de ce qui s’était passé ni des noms des députés qui ont mis dans l’urne soit deux bulletins soit plusieurs enveloppes, par mégarde ou non, ce fameux 31 octobre 2016. Aujourd’hui, par contre, nombre de députés présents sur place ce jour-là confient leur sentiment qu’il s’agissait d’un scénario mis au point pour pousser au report pour quelques jours de la séance parlementaire, le temps que l’élection présidentielle américaine prévue le 8 novembre se déroule, permettant ainsi au paysage international de se clarifier. Mais en dépit d’une certaine lassitude chez les députés ce jour-là, la séance n’a pas été levée et l’élection a finalement eu lieu. Le président de la Chambre a dû annoncer la victoire de Michel Aoun devenu ainsi officiellement le président de la République. Depuis, les périodes d’entente entre les deux hommes au cours des six années du mandat présidentiel sont considérées comme rares face à celles de leurs conflits. L’histoire, quand elle se penchera sur ce mandat, dira peut-être qui des deux hommes assume plus de responsabilité dans ce duel qui a sans doute plombé le mandat de Michel Aoun. Mais en attendant, on peut déjà préciser qu’aussi bien Aoun que Berry ont utilisé de nombreux moyens pour marquer des points l’un contre l’autre.

Il y a eu ainsi plusieurs étapes totalement inédites dans les relations entre un chef de l’État et le président de la Chambre, surtout depuis l’adoption de l’accord de Taëf en 1989. En 2018, par exemple, à la veille des élections législatives et alors que le chef de l’État voulait pousser vers l’adoption d’une loi électorale basée sur le mode de scrutin proportionnel, face à l’opposition du président de la Chambre et de ses alliés, Michel Aoun a utilisé une prérogative que lui accorde la Constitution dans le cadre de l’article 57 pour suspendre les activités du Parlement pendant un mois. Il voulait en principe pousser les députés à réfléchir. Résultat, après la fin de ce délai, le Parlement s’est réuni et a adopté la nouvelle loi électorale. De son côté, Nabih Berry a entravé pendant plusieurs mois la signature du décret de promotion des officiers, en empêchant le ministre des Finances de le signer avant d’aboutir à un compromis avec le camp présidentiel. De même, fort de la signature exigée du ministre des Finances sur tous les décrets ministériels qui entraînent une dépense de la part de l’État, il en a ainsi retardé plusieurs. Finalement, le chef de l’État a rappelé que les décrets simples n’ont pas besoin de la signature du ministre des Finances et il y a eu alors un léger déblocage.

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De même, dans une pratique constitutionnelle rarement utilisée, le président de la République a adressé en six ans quatre lettres au Parlement, obligeant le chef du législatif à convoquer une séance plénière dans un délai de 3 jours après la réception de la lettre. La réponse du Parlement n’a pas été conforme aux demandes présidentielles, mais le procédé a été utilisé. Du point de vue de Baabda, Michel Aoun a pu contraindre le président du Parlement à réunir celui-ci à sa demande.

Toujours dans le cadre de cette lutte sourde, le chef de l’État a remis à l’ordre du jour l’article 52 de la Constitution qui donne au président de la République la prérogative de négocier les traités. Sur la base de cet article, il a repris au président de la Chambre le dossier de négociations sur la délimitation de la frontière maritime dont ce dernier avait la charge depuis près de dix ans. D’ailleurs, dans une conférence de presse en octobre 2020 en présence de la ministre de la Défense de l’époque Zeina Acar, le président de la Chambre a officiellement annoncé qu’il se retirait de ce dossier, ajoutant que celui-ci relevait désormais de la responsabilité du chef de l’État. Tout s’est passé dans les règles et chacun a pu sauver la face, mais pour de nombreux observateurs, il s’agissait d’un nouvel épisode de la guerre à fleurets mouchetés entre le numéro un et le numéro deux dans la hiérarchie officielle libanaise.

Cette guéguerre s’est poursuivie tout au long des six années du mandat Aoun et elle s’est traduite notamment par le retard dans le processus des nominations administratives et même récemment judiciaires, montrant souvent une sorte d’alliance tacite entre le président de la Chambre et le président du Conseil face à ce qui est appelé « l’avidité » du camp présidentiel et en particulier celle du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, gendre de Michel Aoun. Dans les milieux aounistes, on rejette cette accusation et on la renvoie au président de la Chambre qui, selon eux, contrôle tous les rouages de l’État.

Pendant six ans, les tiraillements entre les deux camps se sont multipliés, les médiations aussi... au détriment de l’État ?

Depuis la séance d’élection présidentielle du 31 octobre 2016, il était clair que les hostilités étaient déclarées entre le nouveau chef de l’État Michel Aoun et le président de la Chambre Nabih Berry. D’ailleurs, le déroulement unique en son genre de cette séance était à lui seul un indice du mandat qui s’ouvrait et qui sera marqué tout au long des six années...

commentaires (5)

Le très bon dieu nous a dépêcher aoun et berri juste pour confirmer et bien illustrer le bon dicton libanoche: "al aba'a ya'kouloun al hossrom wal cho'oubb al maatariin yadroussoun" ...

Wlek Sanferlou

16 h 19, le 09 septembre 2022

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Commentaires (5)

  • Le très bon dieu nous a dépêcher aoun et berri juste pour confirmer et bien illustrer le bon dicton libanoche: "al aba'a ya'kouloun al hossrom wal cho'oubb al maatariin yadroussoun" ...

    Wlek Sanferlou

    16 h 19, le 09 septembre 2022

  • Dites l'OlJ ? Il suffit de voir ou vous exercez votre censure sur les commentaires des lecteurs pour connaitre vos orientations politiques : On peut critiquer durement le CPL et Bassil, le Hezb et ses acolytes (PSNS, Ferzli etc...), Joumblat, Mikati, Hariri, les elus du 17 octobre, Riad Salameh, les crapules bancaires (enfin, presque toutes). Par contre, votre censure s'exerce des qu'il s'agit de Geagea, Berry, Abbas Ibrahim, le tandem Jamil Sayyed + Maurice Sehnaoui et aussi patfois le neveu de ce dernier Antoun.

    Michel Trad

    11 h 52, le 07 septembre 2022

  • LES DEUX DARTA-GNANS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 45, le 07 septembre 2022

  • Au lieu de chercher des excuses vous feriez mieux de trouver des solutions. Il ne lui reste plus que 55 jours. Quel gaspillage de temps, et de beaucoup d'autres choses, y compris d'encre pour des articles de propagande désespérée... En un mot, quel gâchis!

    Gros Gnon

    09 h 12, le 07 septembre 2022

  • Heureusement qu’on avait un président fort, vous vous imaginez si c’était un président faible, on aurait vu Nabih Berri siéger à Baabda. Madame Haddad, vos dérives journalistiques n’intéressent plus personne. Défendez autant que vous voulez le camp du CPL, vous ne pourrez occulter la vérité évidente du mandat catastrophique qui se termine le 31 octobre et qui a conduit le pays à la faillite totale financièrement et dans toutes ses institutions. Bye bye président Aoun … le one way ticket, vous connaissez déjà cette expression pour l’avoir utilisé à l’encontre de Saad Hariri.

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 55, le 07 septembre 2022

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