« Il ne manquait plus que ça ! » Nayla, 37 ans, a explosé de rire devant la nouvelle ce matin, qu’elle a d’abord prise pour une blague. Le Liban a décrété quatre jours de deuil national en hommage à la reine Elizabeth II, qui s’est éteinte jeudi soir à l’âge de 96 ans. Baabda a annoncé que la période de deuil national s’étendra du 9 au 11 septembre, ainsi que le 18, jour des funérailles de la reine, dix jours après son décès.
Cette annonce a fait vivement réagir sur les réseaux sociaux, certains Libanais jugeant cette décision officielle « ridicule », « honteuse » ou encore « vraiment malvenue dans le contexte de crise actuelle ». « Les familles des victimes du 4 août manifestent en ce moment pour que justice soit rendue dans cette explosion criminelle qui a fait plus de 200 morts, et nos dirigeants décrètent qu’on doit pleurer une reine qui s’est éteinte paisiblement », dénonce pour sa part Omar*.
Le Liban, comme la majorité des pays de la région, suit un protocole plus ou moins strict lors du décès de monarques ou de chefs d’État en exercice. Celui-ci semble se baser sur la profondeur des relations entre les pays concernés. Le roi Abdallah II de Jordanie, qui est d’origine britannique par sa mère, a annoncé hier 7 jours de deuil national. Le royaume hachémite et le Royaume-Uni ont des relations très étroites qui datent de l’époque de la Première Guerre mondiale.
Mais si cette décision paraît compréhensible pour un pays comme la Jordanie, elle l’est moins pour le Liban. Une source à Baabda assure suivre strictement « le protocole qui est de trois jours de deuil lors de chaque décès de chef d’État en exercice », auxquels a été rajouté « un jour pour les funérailles le 18 septembre ».
Certaines entorses ont pourtant déjà été faites au protocole dans le passé, comme lors du décès du président syrien Hafez el-Assad, survenu le 10 juin 2000. Une semaine de deuil national avait alors été décrétée par le Liban. Il en fut de même après le décès de l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser, le 28 septembre 1970. En revanche, seuls deux jours ont été prévus pour le roi Hussein de Jordanie (7 février 1999).
« Douloureux événement »
En cas de mort d’un ancien dirigeant, le nombre de jours de deuil national varie. Pour la disparition de l’ancien président français Jacques Chirac, le 26 septembre 2019, seul un jour a été prévu par les autorités libanaises.
Qu’est-ce que ce deuil national, qui démarre aujourd’hui, implique ? Concrètement, pas grand-chose. Les drapeaux ont d’ores et déjà été mis en berne au palais présidentiel ainsi que dans toutes les municipalités et administrations publiques. Le Grand Sérail a indiqué que « les programmes des chaînes de radio et de télévision seront modifiés suite à ce douloureux événement ».
Le président Michel Aoun a adressé un message de condoléances au nouveau roi Charles III, dans lequel il a regretté la perte d’une « référence mondiale, un exemple de travail et de respect des valeurs humaines et morales, de devoir national, de soutien à l’unité du Liban et à la paix de son territoire ». « La disparition de la reine Elizabeth a attristé l’âme des Libanais, qui l’ont connue pendant de nombreuses décennies tout au long de son règne. Elle était toujours à leurs côtés, surtout dans les circonstances difficiles que connaît le Liban », a-t-il également affirmé dans des propos rapportés par Baabda sur Twitter.
Le 5 août 2020, la reine avait envoyé un message de condoléances au président libanais à la suite de la tragédie du port de Beyrouth. « Le prince Philip et moi avons été profondément attristés par la nouvelle. Nos pensées et nos prières vont aux familles et aux amis de ceux qui ont été blessés ou ont perdu la vie, et à tous ceux dont les maisons et les moyens de subsistance ont été touchés », indiquait le message publié par Buckingham Palace.
*Le prénom a été changé
Ce pays est déjà un deuil perpétuel...
17 h 04, le 11 septembre 2022