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Lifestyle - Nostalgie

Paul Jardin, une marque et un slogan gravés dans la mémoire des Libanais

L’enseigne comptait plus de vingt boutiques partout au Liban, proposait des costumes à des prix imbattables et faisait le bonheur des hommes qui découvraient la saharienne.

Paul Jardin, une marque et un slogan gravés dans la mémoire des Libanais

De gauche à droite : Leila el-Fadl et Silva Artinian. Photo Carla Henoud

Nom : Jardin, prénom : Paul. Ils sont nombreux ceux qui se souviennent encore de cette marque, longtemps attribuée à un mystérieux Français qui a fait le bonheur des Libanais lesquels y puisaient leur garde-robe.

Et de cette publicité intraduisible qui disait en écho, avec la voix du fameux Gaston Chikhani : « Ya aayné eeleik ya Paul Jardin ya habib el-chaab ! » …

La belle époque du grand succès de Paul jardin. Photo archives L’OLJ

Des années plus tard, le slogan qui faisait sa force est tombé dans le silence et les enseignes sont réduites à une seule, qui tente encore de résister aux changements et à la crise économique. C’est à Dékouané, dans une immense boutique, que l’on peut encore trouver sous la marque Paul Jardin tout ce qui constitue la garde-robe masculine, des chaussettes aux chapeaux en passant par les pantalons, les shorts, les vestes, les chemises et les cravates. Signe du temps, deux femmes, responsables des ventes, attendant patiemment d’éventuels clients.

Silva Artinian et Leila el-Fadl toujours fidèles au poste. Photo Carla Henoud

Bienvenue chez Paul Jardin

Il fut un temps, un autre temps, où cette enseigne connaissait la gloire. Les lieux ne désemplissaient pas, « il fallait arriver au travail bien avant l’heure d’ouverture pour remplir les étagères vidées la veille, confient les deux dames, alors que les clients faisaient la queue à longueur de journée devant l’entrée de nos points de vente ». Jusqu’à présent, la publicité de la boutique est restée dans la mémoire collective des Libanais. «Ya aayné eeleik ya Paul Jardin ya habib el-chaab  », un slogan qui a vu le jour en 1975, trois ans après l’ouverture de la boutique. Ce slogan publicitaire était devenu tellement populaire que des voleurs qui avaient dévalisé une branche de la boutique à Raouché ont tagué sur les murs du garage de la boutique, avant de partir : Ya aayné eeleik ya Paul Jardin !

Les offres spéciales chez Paul Jardin. Photo archives L’OLJ

Aujourd’hui, quelques quarante ans plus tard, la clientèle n’est plus au rendez-vous et le propriétaire de la boutique, Samuel Chahinian, n’est plus. Dans cette boutique de Dékouané qui a survécu tant bien que mal au temps, Silva Cheboukjian Artinian, qui a pris la relève de son beau-frère, se souvient. « Tout a commencé en 1972, quand mon beau-frère Samuel Chahinian a décidé d’importer la marque Paul Jardin au Liban. Il a ouvert sa première boutique dans le secteur de Wardiyé. »

Silva Artinian devant l’entrée de la boutique Paul Jardin à Dekouané. Photo Carla Henoud

Initialement, Samuel Chahinian confectionnait des cravates. Son atelier était situé à la place des Canons. C’est à l’occasion d’un voyage en Italie, où il s’était rendu pour rapporter du matériel pour son atelier, qu’il découvre le label. Quand cet homme qui ne fait rien à moitié décide d’importer Paul Jardin au Liban, il invite le responsable de la marque et lui fait ouvrir le salon d’honneur à l’aéroport de Beyrouth.

Pionnier

« Au début, les articles venaient uniquement d’Italie et de France, ensuite Samuel a commencé à se tourner vers d’autres marchés et notamment la Roumanie d’où il achetait des vêtements. Il y avait découvert un très bon atelier de confection à des prix imbattables. C’était bien avant la chute du rideau de fer. À ses clients, il faisait toujours des offres spéciales : deux costumes à 244 livres ou encore avec l’achat d’un costume, un pantalon supplémentaire. Il était élégant et il voulait que tout le monde puisse l’être », note Silva Artinian. « À l’époque, la mode était à la saharienne. On en vendait des quantités. C’est resté le produit phare durant de nombreux étés. Aujourd’hui plus personne n’en porte », ajoute-t-elle, nostalgique.

Les offres spéciales chez Paul Jardin. Photo d'archives L’OLJ

Pionnier et avant-gardiste, Sam Chahinian instaure le système de la franchise à la fin des années soixante-dix, alors que personne au Liban n‎’y avait encore pensé. À cette époque, Paul Jardin avait pignon sur rue dans 24 localités, notamment Tripoli, Bickfaya, Aley, Zghorta, Zahlé, Bhamdoun et Bar Élias. Aujourd’hui, il ne reste que trois boutiques Paul Jardin : à Dekouané, à Jal el-Dib et à la rue Jeanne d’Arc à Hamra. « C’était surtout un homme généreux qui ne faisait rien à moitié », raconte à son tour Leila el-Fadl, également fidèle au poste depuis de très nombreuses années. Elle se souvient que souvent, il fallait se réveiller des heures avant l’ouverture de la boutique pour faire un arrêt au dépôt qui se trouvait sous le magasin actuel de Dékouané.

Inauguration de la boutique à Beyrouth. Photo archives L’OLJ

Parfois aussi, surtout durant les périodes de fêtes, les boutiques restaient ouvertes jusqu’à 21 heures. « Notre voisin boulanger nous a même confié que ses ventes augmentaient avec nos clients qui attendaient en file indienne devant la boutique, lui achetaient au passage des manakich et autres lahm bi aajin. » Sam Chahinian était un workaholic courageux et n’avait peur de rien. Il est décédé il y a dix ans en Californie. Il s’y était installé avec sa famille en 1983, tout en gardant son affaire au Liban où il rentrait régulièrement. Aujourd’hui, ses enfants Léo et Chant, âgés de 50 et 46 ans, poursuivent au pays de l’Oncle Sam le chemin de leur père où ils travaillent dans le commerce des vêtements.

L’histoire d’une publicité inoubliable signée Inter Régies

S’inspirant des extraits du livre Lebanon Communicating – 50 years of history and achievements, une compilation signée The International Advertising Association Lebanon Chapter (IAALC) parue en 2012, Naji Boulos raconte : « Au cours de son existence, Inter Régies a créé de nombreuses campagnes publicitaires importantes. Le slogan qui a le plus marqué la mémoire collective libanaise est la campagne Paul Jardin. » Son père Jean-Claude Boulos avait confié la naissance du célèbre slogan Ya aayné eeleik ya Paul Jardin en ces termes : « En 1975, je produisais et animais le jeu télévisé populaire Famille 75 (Aailat 75) avec mon complice Gaston Chikhani; parmi les phrases préférées de Gaston, il y avait Ya ayné eleeik, qu’il prononçait chaque fois qu’un participant répondait à la bonne question. Lorsque j’ai pris en charge le budget de Paul Jardin, je suis allé voir le client et lui ai proposé le slogan. Il a immédiatement accepté et nous avons créé un spot télévisé avec Gaston Chikhani comme acteur principal. Le film montrait une belle femme déshabillant Gaston et expliquant que tout ce qu’il portait était vendu au prix, très bas, de 244 livres libanaises. » Le film publicitaire finissait avec Ya aayné eleeik ya Paul Jardin.

Quelques mois plus tard, les mots ya habib el-chaab ont été ajoutés et cette signature est devenue l’un des slogans les plus mémorables de tous les temps. En 1978, Inter Régies connaît un nouvel essor lorsque des clients et certains membres du personnel de Progress Advertising (propriété d’Amine Kassouf) rejoignent la société, parmi lesquels Michel Khairallah qui s’occupait et s’est longtemps occupé du client Paul Jardin. Et Naji Boulos de préciser : « Le budget Paul Jardin a été géré par Inter Régies et Michel Khairallah pendant des années. C’est l’agence qui a donné à la marque son véritable envol en pleine guerre du Liban. Si Gaston Chikhani a été le premier acteur à paraître dans la publicité, Sami Maksoud, acteur de télé décédé en 2008, qui jouait souvent le rôle d’Abou el-Abed, a véritablement boosté la marque. Il est devenu son ambassadeur pendant les années de guerre et a prêté sa voix au fameux slogan. À tel point que le slogan a toujours été utilisé avec sa voix en signature dans toutes les publicités, même après sa mort. »

Nom : Jardin, prénom : Paul. Ils sont nombreux ceux qui se souviennent encore de cette marque, longtemps attribuée à un mystérieux Français qui a fait le bonheur des Libanais lesquels y puisaient leur garde-robe. Et de cette publicité intraduisible qui disait en écho, avec la voix du fameux Gaston Chikhani : « Ya aayné eeleik ya Paul Jardin ya habib el-chaab ! » … La belle...

commentaires (6)

Paul Jardin ou le souvenir d’une époque où la livre valait quelque chose où les libanais avaient un pouvoir d’achat… une époque où il y avait certes la guerre mais où la vie était plus commode que de nos jours , une époque où le liban n’était pas comme aujourd’hui sous la domination du Hezbollah. Ce Liban d’hier est fini .

JPF

12 h 51, le 11 septembre 2022

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Commentaires (6)

  • Paul Jardin ou le souvenir d’une époque où la livre valait quelque chose où les libanais avaient un pouvoir d’achat… une époque où il y avait certes la guerre mais où la vie était plus commode que de nos jours , une époque où le liban n’était pas comme aujourd’hui sous la domination du Hezbollah. Ce Liban d’hier est fini .

    JPF

    12 h 51, le 11 septembre 2022

  • Félicitations Paul jardin car les gens l’aiment

    NAHAS jean Claude

    22 h 27, le 10 septembre 2022

  • Un lecteur pourrait il me dire ce que signifie : ". «Ya aayné eeleik ya Paul Jardin ya habib el-chaab". J'ai vainement cherché la traduction. Merci !

    F. Oscar

    10 h 06, le 10 septembre 2022

  • Beaucoup plus intéressant que votre stupids article sur Bassil

    AFL

    18 h 49, le 09 septembre 2022

  • Jamais cru qu'une personne s'appelait vraiment Paul Jardin... Le nom fait tellement "copie" de Pierre Cardin inventé localement à Bourj Hammoud

    Zakariah

    09 h 24, le 09 septembre 2022

  • incroyable, merci a l'olj pour cette bonne idee d'article

    Elementaire

    07 h 29, le 09 septembre 2022

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