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Nos Lecteurs ont la Parole

Un schéma Ponzi prémédité qui a mis le Liban KO

Depuis deux ans et demi, le Liban est en proie à l’une des pires crises économiques de son histoire. La monnaie locale, la livre, a perdu plus de 90 % de sa valeur par rapport au dollar américain sur le marché noir ; le PIB a diminué de près de 60 % et près de 80 % des Libanais sont passés sous le seuil de pauvreté, de même que la quasi-totalité des 1,5 million de réfugiés syriens vivant au Liban. Des centaines de milliers de personnes ont fui le pays.

Selon la Banque mondiale (BM), un système de « Ponzi financier » (appelé encore pyramide de Ponzi, du nom d’un escroc italien, Charles Ponzi [1882-1949]), mis en place par l’élite politique libanaise pour s’emparer systématiquement des ressources du pays, a causé des souffrances sociales et économiques sans précédent au peuple libanais. Les finances publiques du Liban de l’après-guerre civile – l’économie de la IIe République libanaise – ont été utilisées par les politiciens pour s’approprier les ressources du pays. Le gouvernement s’est écarté de manière constante et aiguë d’une politique fiscale ordonnée et disciplinée pour servir l’objectif plus large de cimenter les intérêts de l’économie politique. L’accumulation excessive de dettes a été utilisée pour donner une illusion de stabilité et renforcer la confiance dans le système macrofinancier afin que les dépôts des Libanais à l’étranger continuent d’affluer.

La dépression économique du pays – qui s’est préparée délibérément au cours des 30 dernières années – a complètement vidé le système et, faute de ressources, le gouvernement n’est plus en mesure de fournir des services de base à ses citoyens. Ainsi, il s’avère impératif que les Libanais réalisent que les caractéristiques centrales de l’économie de l’après-guerre civile ont disparu pour ne plus jamais revenir. Plus précisément, il est important pour eux de savoir que cela a été un acte délibéré.

C’est la seconde fois cette année que la BM accuse l’élite politique libanaise d’être responsable de l’effondrement économique du pays. En janvier, le prêteur a déclaré que la crise économique, orchestrée par l’élite du pays, comptait parmi les pires effondrements économiques depuis les années 1850 et qu’elle était en train de désintégrer les piliers vitaux de l’économie libanaise. Le produit intérieur brut (PIB) réel du pays a diminué de 10,5 % en 2021, après une contraction de 21,4 % en 2020. Cette année, la BM s’attend à ce que l’économie libanaise se contracte encore de 6,5 %, compte tenu de l’incertitude économique.

L’économie du Liban s’est effondrée après le défaut de paiement d’environ 31 milliards de dollars d’eurobonds (obligations en devises) en mars 2020. La dette publique du pays a explosé pour atteindre plus de 100 milliards de dollars, soit environ 212 % du PIB, en 2021. Selon la BM, le Liban a le quatrième ratio dette/PIB le plus élevé au monde, dépassé seulement par le Japon, le Soudan et la Grèce. L’inflation a atteint 210 % en juin par rapport à la même période de l’année précédente. Il s’agit de la 24e augmentation consécutive à trois chiffres de l’indice des prix à la consommation de l’Administration centrale des statistiques depuis juillet 2020. L’indice a augmenté de 9,23 % depuis mai 2022. Le Liban est également le pays le plus touché au niveau mondial par la crise de l’inflation alimentaire nourrie par la guerre en Ukraine, selon le dernier rapport de la BM sur la sécurité alimentaire mondiale.

La formation d’un nouveau gouvernement est au point mort trois mois après la tenue d’élections législatives dans le pays, retardant la mise en œuvre de réformes qui sont une condition préalable à l’obtention de 3 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI). Toutefois, le pays aura besoin d’au moins 12 à 15 milliards de dollars de la part de ses partenaires pour relancer son économie et consolider ses réserves en devises étrangères qui diminuent rapidement.

Le message constant des politiciens selon lequel les dépôts dans le système bancaire effondré étaient « sacrés » est à l’origine des problèmes. Les slogans politiques sur « les dépôts sacro-saints » sont creux et opportunistes. En fait, l’abus constant de ce terme par les politiciens est cruel. Non seulement il est en contradiction flagrante avec la réalité, mais il empêche également la mise en place de solutions pour protéger la plupart, voire la totalité des petits et moyens déposants en dollars et en espèces. Les pertes des banques commerciales auraient dû être acceptées et supportées par les actionnaires des banques et les grands créanciers, qui ont largement profité au cours des 30 dernières années d’un modèle économique très inégalitaire. Cette mesure aurait dû être prise au début de la crise afin de limiter la douleur économique et sociale de la crise financière.

Si les citoyens libanais doivent connaître les causes profondes de la débâcle financière à laquelle le pays est confronté, et comment et pourquoi cela s’est produit, ils doivent également comprendre qu’il est temps pour le pays de mettre en œuvre des réformes. Le Liban doit mettre en œuvre efficacement un programme complet de réformes macroéconomiques, financières et sectorielles qui donnent la priorité à la gouvernance, à la responsabilité et à l’inclusion. Le plus tôt ces réformes seront engagées, le moins le coût du schéma Ponzi sera douloureux pour le peuple libanais.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Depuis deux ans et demi, le Liban est en proie à l’une des pires crises économiques de son histoire. La monnaie locale, la livre, a perdu plus de 90 % de sa valeur par rapport au dollar américain sur le marché noir ; le PIB a diminué de près de 60 % et près de 80 % des Libanais sont passés sous le seuil de pauvreté, de même que la quasi-totalité des 1,5...

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