Une partie des silos de Beyrouth, en proie à un incendie depuis des semaines, s'est effondrée dimanche en fin d'après-midi, à quatre jours du deuxième anniversaire de la double explosion au port du 4 août 2020, dans laquelle les réservoirs à blé avaient été lourdement détruits. Après l'écroulement de cylindres situés dans la partie nord de l'infrastructure, un énorme nuage de poussière s'est dégagé de la zone. Selon le ministre sortant des Travaux publics, Ali Hamiyé, "les cylindres de la partie sud se sont détachés du reste du bâtiment et sont également menacés d'effondrement".
Selon notre journaliste présent dans le quartier de Gemmayzé, proche du port, la plupart des habitants n'ont rien entendu lors de cet effondrement partiel, ou bien seulement "deux bruits sourds".
Nelson Sumbulian, la soixantaine, qui habite a Mar Mikhael, en face du port, affirme, lui aussi, n'avoir "rien senti", alors même qu'il se trouvait sur son balcon. Ce n'est qu'après avoir appris à la télévision ce qu'il s'était passé, qu'il a vu de la fumée et une partie de la structure de béton qui s'est écrasée dans la mer. "Si la situation s'aggrave, je mettrai un masque et je fermerai les fenêtres", confie-t-il, un peu blasé, à un de nos journalistes sur place, alors même que des pompiers distribuent des masques dans le quartier.
Crise de panique
En apprenant l'effondrement partiel des silos, les passants, majoritairement masqués, se pressaient, dans les quartiers limitrophes, de rentrer chez eux. Un jeune homme, vivant à Gemmayzé, et qui assure n’avoir rien entendu, rapporte qu’une de ses amies, qui vit dans le quartier adjacent de Mar Mikahel et a une vue plongeante sur les silos, a été prise d’une crise de panique. "Quand les silos se sont effondrés, elle a fermé les fenêtre, pris son sac, et a quitté immédiatement son appartement", dit-il. Nombre d'habitants des quartiers limitrophes du port sont toujours traumatisés par le drame du 4 août 2020.
William Noun, frère du pompier Joe Noun, décédé lors des explosions du port, dénonce une volonté des autorités de "semer la panique" parmi la population, à coup de campagnes de prévention contre l’effondrement des silos. "Ils essaient de faire peur aux gens pour que ces derniers ne participent pas au sit-in prévu pour le deuxième anniversaire des explosions", accuse-t-il. Deux rassemblements sont prévus jeudi prochain, à 16h, l’un devant l’immeuble d'An-Nahar et l’autre devant la caserne des pompiers de Beyrouth. Ces rassemblements devraient converger devant le port, au niveau de la station Charles Hélou. "Nous restons attaché à la préservation de la partie stable des silos. Nous les empêcherons de la démolir, quitte à bloquer le passage aux bulldozers", assure William Noun.
Dans un communiqué, des familles de victimes du port ont dénoncé "un nouveau crime commis par les autorités, visant à porter atteinte à la commémoration collective" des explosions. "Même s'ils ont détruit le témoin silencieux (les silos, ndlr) sur la scène du crime, ils ne pourront pas atteindre notre commémoration à nous, les témoins vivants. Ils ne mettront pas en échec la vérité peut importe combien ils essaient d'y échapper. Votre crime ne passera pas", ajoute le texte.
En avril, le Liban avait ordonné la démolition des silos, mais la décision a été suspendue en raison de l'opposition des proches des victimes du drame qui veulent en faire un lieu de mémoire.
Un porte-parole de la Défense civile a affirmé à notre publication anglophone L'Orient Today qu'a été établi, avec l'armée libanaise, la Croix rouge, la Sûreté générale et les pompiers, un périmètre de sécurité d'un diamètre de 500 à 650 mètres autour du port, afin d'empêcher à toute personne de s'en approcher. La poussière soulevée par l'effondrement reste "contenue et éloignée des quartiers résidentiels", a ajouté cette source, qui souligne qu'il est jusqu'à présent compliqué de savoir exactement quelle partie de la structure est tombée, en raison de l'opacité de ce nuage de poussière. Certains médias indiquent que deux cylindres des silos sont tombés, d'autres quatre.
Les ministères de l'Environnement et de la Santé ont émis des recommandations à l'intention du public en cas d'effondrement des silos, notamment sur la nécessité d'évacuer la zone, de porter des masques et de fermer les fenêtres des logements. Les silos sont la proie, depuis le début du mois, d'incendies à répétition dans les restes de blé fermentés.
Le fournisseur public Électricité du Liban a annoncé dans la foulée de ces recommandations qu'il allait assurer 12 heures de courant consécutives, jusqu'à 7h lundi matin, aux régions proches du port, dans les quartiers de Medawar, Rmeil, Saïfi et dans le secteur de la Quarantaine, pour permettre aux habitants de garder leurs fenêtres fermées et de faire fonctionner climatiseurs et ventilateurs.
L'enquête sur les causes du drame du 4 août 2020 est suspendue depuis des mois en raison d'obstructions politiques. Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et des ONG de la torpiller pour éviter des inculpations.
Ils ne se sont pas effondrés "on" les a effondrés comme "on suicide" les gêneurs dans ce pays asphyxié par les criminels au pouvoir, puissent-ils être maudits et leur race effacée.
22 h 28, le 31 juillet 2022