
Le vicaire patriarcal maronite de Haïfa et de Jérusalem, Moussa el-Hage, a présidé jeudi soir, la messe au couvent de l'Église Saint Nohra à Kornet el-Hamra. Photo Jeanine Jalkh
Le vicaire patriarcal maronite de Haïfa et de Jérusalem, Moussa el-Hage, a présidé jeudi soir la messe au couvent de l’église Saint-Nohra à Kornet el-Hamra, à l’occasion de la fête du saint patron de l’église. Plusieurs voitures appartenant à la Sûreté générale (SG) se trouvaient sur les lieux. Lundi, le vicaire patriarcal avait été arrêté par la SG pendant douze heures au check-point frontalier de Ras Naqoura, au Liban-Sud, alors qu’il se rendait, comme il le fait chaque mois, à Beyrouth, transportant des aides aux familles dans le besoin. Un incident inédit que les milieux de Bkerké considèrent comme un dangereux précédent. « Bienheureux ceux qui sont persécutés pour le bien qu’ils font. Saint Nohra a été arrêté et supplicié pour ses bonnes œuvres et sa foi. Un peu comme cela se passe de nos jours », a lancé Moussa el-Hage, sur un ton badin, en référence à l’incident qu’il venait de vivre avec la SG. « Sachez toutefois que ma souffrance n’a rien de comparable avec celle des Libanais », a-t-il ajouté. Le dignitaire maronite a accepté de répondre à nos questions et de revenir longuement sur son arrestation et ses conséquences.
Comment expliquez-vous le timing de votre arrestation ?
Il semble que ce nouveau développement est destiné à faire plier le patriarche. L’objectif est clairement d’envoyer un message musclé au patriarche. C’est un précédent très dangereux. Ceux qui m’ont arrêté n’ont pas agi d’eux-mêmes. Il y a certainement une partie politique derrière eux qui les a poussés dans cette direction.
Quelles sont les règles qui régissent vos déplacements entre Israël et le Liban ?
L’accord d’armistice avec Israël en 1949 comprend une clause qui prévoit que les évêques de Terre sainte puissent traverser la frontière. Les évêques des paroisses se trouvant dans les territoires occupés peuvent également venir au Liban, mais ils ne le font pas. De tout temps, l’évêque traversait, parfois avec sa voiture, la frontière, et n’avait jamais été inquiété. Après la guerre civile, l’évêque Boulos Sayyah a fait le même chemin pendant seize ans. Puis je suis venu le remplacer. Cela fait dix ans que je traverse cette frontière de manière régulière, une fois par mois, à l’exception de la période de la pandémie.
Comment expliquez-vous alors votre arrestation ?
Il faut avoir en tête la visite effectuée par des responsables du Hezbollah au patriarche en 2014. Ils lui avaient clairement signifié qu’il lui était interdit d’aller dans les territoires occupés. Il leur avait répondu que personne ne pouvait lui dire ce qu’il peut faire ou non. Depuis, les relations entre Bkerké et le Hezb sont tendues. Encore plus depuis que le chef de l’Église a haussé le ton et exprimé des positions très tranchées au sujet de l’échéance présidentielle et du profil du futur président. Donc ils essayent aujourd’hui de lui faire du tort à travers moi.
Quelles peuvent être les conséquences de cet incident selon vous ?
Dans son communiqué, le patriarcat a mis les points sur les i. La situation est devenue insoutenable à tous les points de vue. Les exactions se sont multipliées, les agressions morales, psychologiques et physiques aussi, contre certaines parties de la société de la part d’un camp donné. Maintenant, ils s’en prennent à l’Église maronite. Ils savent parfaitement qu’elle est un pilier fondamental au Liban et que le patriarche s’exprime le plus librement possible et ils cherchent à l’assujettir. Ses propos les dérangent.
Cette affaire peut-elle prendre une dimension diplomatique avec une éventuelle intervention du Vatican ?
Bien sûr. Si l’affaire n’est pas réglée, cela pourrait aller loin. Ils m’ont confisqué mon passeport et mon portable et toutes les aides que je transportais. Le Vatican est au courant. Pour l’instant, il laisse une marge de manœuvre aux autorités ecclésiastiques locales et les soutient. Mais en cas de besoin, il interviendra. S’ils vont s’entêter et refuser de me rendre mon passeport, le patriarche ne va pas se taire.
Bkerké a demandé la révocation du juge Fadi Akiki. Pourquoi ?
Le juge Fadi Akiki m’a convoqué mercredi à 11 heures, mais je ne me suis pas rendu au tribunal. Durant mon interrogatoire à la frontière, le juge Akiki appelait toutes les cinq minutes l’officier en charge et suivait de près le processus. C’est quasiment lui qui a dicté à l’officier le rapport que ce dernier a renvoyé au tribunal.
Comment s’est déroulé l’interrogatoire ?
Je n’ai pas été maltraité, mais j’étais surtout dérangé par la longueur de l’interrogatoire, pendant douze heures d’affilée, de 11 heures du matin à 23 heures. J’étais surtout peiné de ce qu’ils ont fait avec les médicaments que je transportais. Certains médicaments portaient des inscriptions en hébreu. Ils ont tout pris à l’exception de certains médicaments sur lesquels il n’y avait pas d’inscription.
Vous transportiez 460.000 dollars avec vous. Pourquoi ?
Ce sont des aides que j’achemine depuis des mois aux familles et ce n’est jamais aux mêmes personnes. Cela fait dix ans que je rends ce service. Depuis l’explosion du port le 4 août 2020 et l’effondrement économique, les sommes ont augmenté parce que le besoin est devenu plus grand.
À qui était destinée cette aide ?
J’avais sur moi une liste d’individus avec leurs noms et leurs numéros de téléphone. Chaque personne dans les territoires occupés qui souhaite envoyer de l’argent à sa famille au Liban vient à la paroisse pour me remettre l’enveloppe. Ceux qui m’ont arrêté prétendent que cet argent est destiné aux familles des agents d’Israël et cherchent à me punir.
Ce ne sont pas des agents, mais les Libanais qui ont fui en Israël (après le retrait d’Israël en 2000, NDLR). Il y a également beaucoup de Palestiniens parmi eux. Ce n’est certainement pas la première fois que j’effectue cette navette en amenant les aides avec moi. Il y a actuellement près de 4 000 Libanais qui envoient des aides, dont 30 familles chiites. La Sûreté générale a entrepris hier de convoquer les destinataires de cette aide un par un pour les interroger, dont les chiites parmi eux, qui sont fichés aux yeux de leur communauté comme étant des traîtres. Ils leur en veulent bien plus qu’aux chrétiens.
Le fait de transporter argent et médicament entre le Liban et Israël est-il légal ?
Eux considèrent que non. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de l’argent qu’ils ont confisqué. Ils affirment que les fonds seront retenus, mais le patriarche a porté plainte et demande que l’argent soit restitué.
Comptez-vous retourner en Israël ?
Bien sûr. Dès que je pourrai récupérer mon passeport. Ils n’ont pas le droit de m’interdire de le faire. Je suis à la lettre la procédure à chaque fois en envoyant une demande de déplacement à la Finul. D’ailleurs, les soldats de la Finul ne m’ont pas quitté d’une semelle durant l’interrogatoire.
Le vicaire patriarcal maronite de Haïfa et de Jérusalem, Moussa el-Hage, a présidé jeudi soir la messe au couvent de l’église Saint-Nohra à Kornet el-Hamra, à l’occasion de la fête du saint patron de l’église. Plusieurs voitures appartenant à la Sûreté générale (SG) se trouvaient sur les lieux. Lundi, le vicaire patriarcal avait été arrêté par la SG pendant douze heures...
commentaires (16)
Les mêmes mafieux qui reprochent au prélat de faire entrer l’argent au Liban ont fait évader le leur ! Mieux vaut faire entrer des dollars que d’en faire sortir.
Citoyen Lambda
11 h 10, le 24 juillet 2022