Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre ouverte aux ministres du Tourisme, de la Culture et de l’Énergie : sauvez le musée national

Lettre ouverte aux ministres du Tourisme, de la Culture et de l’Énergie :  sauvez le musée national

Notre musée national est actuellement sans électricité et nous sommes en pleine saison touristique. Photo Michel Sayegh

Notre musée national, construit sous mandat français, est le principal musée archéologique du Liban. C’est l’un des rares sites nationaux touristiques du Liban qui, grâce aux gros efforts déployés par feu Maurice Chehab (décédé en 1994), a pu être relativement épargné des affres et des destructions de la guerre. L’émir Maurice Chehab, à la base juriste, archéologue et historien de formation et également ancien premier conservateur du musée qui, avec l’aide précieuse de son épouse Olga (décédée en 1999), a vraiment mérité haut la main son titre évocateur et révélateur de conservateur. Il s’est vraiment démené en faisant, entre autres, couler du béton armé sur toutes les ouvertures du bâtiment pour conserver autant que faire se peut, d’une part, l’édifice du musée situé dans une zone dangereuse, sur la ligne de démarcation du même nom mat’haf qui séparait Beyrouth en deux et, d’autre part, pour préserver tout ce qu’il renferme comme objets d’art et collections antiques et archéologiques. Un homme d’une grande valeur, d’une grande culture, d’une grande rectitude et d’une grande probité –

comme on en trouve peu actuellement –, qui a dédié sa vie pour la protection du patrimoine libanais. Paix à son âme.

Messieurs les Ministres, notre musée national est actuellement sans électricité. Nous sommes en pleine saison touristique. Les visiteurs et les touristes sont bien obligés de découvrir ce site national prestigieux et tout ce qu’il renferme comme trésors grâce aux lampes-torches de leurs téléphones portables. Ce qui est pour le moins qu’on puisse dire honteux, aberrant et inacceptable. Imaginez-vous que le précieux sarcophage d’Ahiram, cette pure merveille et pièce maîtresse du musée, ne peut être admiré, avec toutes ces petites gravures significatives, en l’absence de courant. Haram, c’est vraiment dommage pour l’image de marque de notre pays en général et de notre musée en particulier.

Sans parler du fait que le sous-sol consacré à l’art funéraire a besoin d’une ventilation spéciale pour la préservation et la sauvegarde des quelques corps momifiés de chrétiens du Liban médiéval découverts dans la Vallée sainte de la Qadicha.

Ironie du sort, actuellement nous sommes malheureusement arrivés au point de quémander (ou plutôt de mendier) l’électricité pour des cadavres conservés alors que les vivants n’ont pas le courant électrique d’EDL ou, dans le meilleur des cas, l’ont au compte-gouttes. Il n’y a rien de plus absurde et insensé.

D’autre part, le ministère du Tourisme a choisi comme slogan publicitaire « Ahla be hal talleh » pour encourager le tourisme national en ces moments difficiles de l’histoire de notre pays. Souhaiter la bienvenue serait beaucoup plus affable, plus digne de respect et considérablement plus hospitalier, et la talleh des visiteurs serait encore plus honorée si notre musée national était doté de courant électrique. Surtout qu’il renferme plusieurs milliers d’objets de très grande valeur, ou plus encore de valeur inestimable, qui mettent en lumière notre patrimoine national.

La saison estivale et touristique file vite. Il faut agir rapidement pour que le maximum de touristes puissent en profiter. Il est également obligatoire de régler à tout prix l’affaire de l’aération et de la ventilation de l’étage inférieur.

Actuellement, ce dont les Libanaises et les Libanais peuvent tirer satisfaction se fait malheureusement de plus en plus rare, à cause de tout ce qu’ils vivent comme désastres à tous les niveaux sur le plan national. En contrepartie, notre musée arrive encore, et malgré tout, à être pour nous objet de fierté. Surtout qu’il possède entre autres la plus grande collection de sarcophages anthropoïdes au monde. Sarcophages qui se distinguent par leur visage humain. Un type très particulier de tombes spécifiquement phéniciennes, l’art phénicien combinant les influences égyptienne et grecque. Ils ont tous été découverts dans la région de Saïda et datent des VIe-IVe siècles avant J.-C., chacun représentant un visage différent, selon la coutume funéraire qui régnait à l’époque. Probablement que les plus nantis pouvaient se permettre de se confectionner, de leur vivant, un sarcophage à leur effigie et conçu sur mesure de façon personnalisée.

Il est donc primordial, Messieurs les Ministres concernés, de combiner vos efforts pour régler cette affaire essentielle qui ne nécessite en fin de compte que quelques ampères. Ce musée mérite pour cela de lui installer le système solaire, très en vogue actuellement, afin de régler cette affaire de courant électrique une fois pour toutes. Une idée alléchante sans doute qui mérite d’être explorée, mais de grâce, rapidement. Surtout si une âme charitable se propose d’offrir les frais de ces installations qui ne doivent pas être en principe très élevés relativement. Quelques milliers de dollars uniquement, je suppose. De grâce, agissez, il y a urgence en la demeure.

Faites-le, si ce n’est pour les raisons pertinentes énumérées plus haut, au moins intervenez à la mémoire de feus Maurice et Olga Chehab. Eux qui se sont coupés en quatre et qui ont remué ciel et terre rien que pour la protection de ce site national connu et renommé et de tout ce qu’il renferme comme richesses inestimables.

Sauvez le musée national.

Avocat à la Cour

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Notre musée national, construit sous mandat français, est le principal musée archéologique du Liban. C’est l’un des rares sites nationaux touristiques du Liban qui, grâce aux gros efforts déployés par feu Maurice Chehab (décédé en 1994), a pu être relativement épargné des affres et des destructions de la guerre. L’émir Maurice Chehab, à la base juriste, archéologue et...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut