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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand des légalistes palabrent sur les « affaires courantes »

Le droit au Liban est-il désormais réduit à une technique argumentaire aux dépens de sa qualité de science normative, régulatrice des rapports sociaux et de la vie publique ? Des légalistes, et je ne dis pas juristes, sont les scribes, docteurs de la loi et pharisiens au Liban et dans le monde d’aujourd’hui, et les munâfiqûn (imposteurs) selon l’expression répétitive du Coran et que des exégètes n’ont pas assez approfondie.

Quand un juriste se penche sur l’applicabilité d’une loi, il étudie aussi « l’adéquation » du contenu de cette loi et des jurisprudences au cas considéré ! La situation actuelle et la persistance au Liban à propos du gouvernement démissionnaire correspondent-elles à la notion d’« affaires courantes » ? Le Liban est occupé directement ou par procuration, en situation d’éclatement, de faillite financière, de danger sécuritaire, de survie… Peut-on qualifier une telle situation d’« affaires courantes » ?

Légalistes et animateurs de débats télévisés sans boussole, le Liban actuel est-il en situation d’« affaires courantes » ? Cette notion, dans toutes les jurisprudences du monde, signifie : versement des traitements des fonctionnaires, régulation de la circulation, continuité des administrations… Qu’on cite un seul cas dans le monde où un gouvernement démissionnaire poursuit les « affaires courantes », quand le pays est en faillite financière et que la population est dans la misère… !

Toutes les dispositions de la Constitution, des lois et des jurisprudences, au Liban et dans le monde, ne correspondent pas à la situation présente au Liban ! Que nul légaliste libanais n’essaie de couvrir l’atermoiement dans la formation d’un nouveau cabinet !

Des légalistes ont étudié les méthodes d’interprétation juridique, mais en occultant complètement l’exigence d’étudier « l’objet du litige », pour s’assurer que le texte s’applique ou non au cas envisagé ! Le droit perd ainsi sa qualité normative et humaine. Un tel comportement ressemble à celui d’un médecin qui prescrit une médication sans s’assurer que la médication correspond à la situation du patient.

La notion d’« affaires courantes » est en elle-même indicative. Elle fournit la réponse constitutionnelle et juridique dans la situation du Liban. Les termes « expédition » et « courantes » s’opposent à « extraordinaire » et signifient « affaires habituelles, banales, ce qui est commun, normal, ordinaire, usuel… » (Le Robert).

La situation actuelle de la patrie correspond-elle à ces qualifications ? Anéantissement total de la souveraineté de l’État, isolement international, contrebande et fuite de produits de première nécessité subventionnés par le contribuable libanais, mort du secteur touristique, insécurité politico-économique, perte d’attractivité du pays pour des investissements potentiels…, tout cela, selon des légalistes, est-ce « affaires courantes » ?

Certains légalistes contribuent à manipuler une opinion libanaise programmée et dupée. Ces palabres ne persuadent pas des diplomates au Liban et dans le monde. Nous vivons une situation de déni et d’imposture derrière des notions nobles vidées de leur contenu. Nul n’est dupe quand il a appris dans des facultés de droit et non de loi ! Quand le droit cherche à « justi-fier » (sic) au lieu de rechercher le juste, il contribue à l’imposture !

Que faire ? La réponse est dans l’article 49 de la Constitution qu’on oublie pour broder sur des opinions en vogue sur le marché ! Selon l’art. 49 : « Le président de la République est le chef de l’État » ! La notion de république provient de « res publica » (chose publique). Le chef de l’État n’est ni le chef d’un clan familial, ni d’un groupe partisan, ni le défenseur de droits sectaires. La défense de droits sectaires est en soi une violation du droit qui régule une relation. Le droit est par essence incompatible avec tout narcissisme sectaire et pathologique.

Le sommet de l’imposture réside dans la requête d’interprétation de la Constitution par celui qui a prêté le serment constitutionnel. A-t-il prêté le serment sans conviction sur le contenu ? Fallait-il soumettre celui qui prête serment à une commission d’examen qui s’assure au préalable de sa pleine adhésion ? Même dans des cas judiciaires ordinaires, la personne qui prête serment s’assure au préalable sur quoi elle prête serment. Le rôle de celui qui prête le serment constitutionnel est de « veiller au respect de la Constitution », de veiller en priorité sur l’État.

Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Le droit au Liban est-il désormais réduit à une technique argumentaire aux dépens de sa qualité de science normative, régulatrice des rapports sociaux et de la vie publique ? Des légalistes, et je ne dis pas juristes, sont les scribes, docteurs de la loi et pharisiens au Liban et dans le monde d’aujourd’hui, et les munâfiqûn (imposteurs) selon l’expression répétitive du Coran et...

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